Page images
PDF
EPUB

térieurement) se trouvait une préface dans laquelle, selon D. Liabeuf (loc. cit.), l'auteur disait que ce recueil avait été fait « pour <conserver la mémoire desdites chartes, qui s'estant séparées et < transportées de main en main se perdent souvent ou sont faci«<lement dérobées, et proteste les avoir transcrites avec tant de fi« délité qu'on peut asseurer avec sèrement et prouver, mesme « par duel, qu'on n'y a faict aucun changement. » On verra dans le cours de notre publication ce qu'il faut penser de cette affirmation. Cette préface débutait par un exorde historique relatant la fondation de l'abbaye et emprunté surtout à la vie de saint Maixent 1.

Enfin, avant de périr misérablement dans l'incendie de 1805, notre cartulaire avait éprouvé des fortunes diverses. Il fut, avec beaucoup d'autres titres, enlevé de l'abbaye lors du pillage de 1562 et se trouvait, lorsque D. Le Michel visita les archives de Saint-Maixent, entre les mains d'un gentilhomme protestant, nommé Forien, demeurant à la Mothe-Saint-Héraye. Il revint plus tard au monastère, mais, dit D. Liabeuf, « tellement rongé de rats << et de la pourriture que les trois premiers cahiers qui y avoient < esté adjoutés en sont à moitié mangés, d'où nous avons tiré ce « que nous avons pu et faict transcrire pour en conserver la mé<< moire avec ce qui reste du susdit cartulaire, auquel nous ad<< jousterons toutes les autres chartes considérables et documens « que nous pourrons trouver pour les relier tous en livre. Cette copie est celle dont nous avons parlé à l'article de D. Liabeuf.

C'est à ces quelques faits que s'arrêteraient nos renseignements sur le cartulaire de Saint-Maixent, sans le soin que prit D. Fonteneau de noter les pages du volume, pourvu par lui ou par D. Liabeuf d'un foliotage intégral, en marge des copies qu'il y prenait. Nous avons pu, grâce aux indications de cette pagination, le reconstituer fictivement à peu près dans son entier; et sans nous attarder ici à donner l'énumération de tous les actes qu'on trouvera résumés plus loin, nous allons faire connaître les enseignements que ce travail de reconstitution nous a fournis.

Le volume, qui comptait 342 pages, comportait deux grandes divisions: la première, comprenant les pages 75 à 342, était tout entière d'une écriture du XIe siècle; la seconde, allant de la page

(1) Le Gallia Christ., t. II, col. 1245, a imprimé cet exorde, que l'on trouve aussi dans le Chronicon de D. Chazal, cap. 1, 2 et 45. V. aussi notre Etude crilique sur les origincs du monastère de Saint-Maixent, 1880, p. 15.

1 à la page 74, contenait des écritures de la fin du XIIo et du XIIIe siècle. La première section peut elle-même se diviser en deux parties distinctes: l'une où les actes ont subi une sorte de classement méthodique, l'autre où ils sont reproduits dans un ordre chronologique avec quelques intercalations pouvant se référer à des pièces retrouvées après coup.

Cette première partie s'arrête à la page 269 et ne contient que des actes antérieurs à la bulle du pape Pascal II du 10 avril 1110,qui énumère toutes les possessions de l'abbaye à cette époque. L'ordre à peu près méthodique que l'on constate dans la suite des chartes antérieures à cette date de 1110 nous fait penser qu'elles furent recueillies en vue d'obtenir cet acte si important, dans lequel sont rappelés non seulement les églises et autres biens dont jouissait alors l'abbaye, mais encore ceux dont elle avait été précédemment dépouillée. Cette opération fut exécutée par les ordres de l'abbé Geoffroy I, et c'est vraisemblablement lui qui eut ensuite l'idée de faire un corps des documents ainsi patiemment rassemblés, afin d'éviter leur déperdition ultérieure.

Il n'est peut-être pas impossible de déterminer à quelle date le rédacteur du cartulaire a mis la main à sa besogne, et pour ce faire, il y a lieu de rapprocher ce document de la Chronique de l'abbaye. Celle-ci, sur laquelle nous ne nous étendrons pas au delà de ce qui nous est nécessaire pour notre démonstration, est, comme on le sait, la continuation de la compilation connue sous le nom d'Histoire universelle de Julius Florus; elle rapporte brièvement, sous chaque année, les événements qui ont paru à ses auteurs dignes d'être conservés. Cette suite annalistique s'arrête à l'année 1124, car on ne peut compter comme en faisant partie intégrante trois mentions isolées se référant aux années 1134, 1137 et 1140, et qu'on ne peut, à cause de leur caractère spécial, considérer comme une reprise de la chronique; la première rapporte la mort de l'abbé Geoffroy, la seconde celle des deux derniers comtes de Poitou du nom de Guillaume, et la dernière, celle de l'évêque de Poitiers Guillaume Adelelme.

Cette date de 1124, qui marque le milieu de l'abbatiat de l'abbé Geoffroy, doit le faire éliminer comme rédacteur de la Chronique, car il est difficile de comprendre qu'il ne l'ait pas poursuivie jusqu'à son dernier jour, aussi bien que son successeur Pierre Raymond, à qui D. Liabeuf, D. Chazal, M. de la Fontenelle l'avaient attribuée, parce que l'on n'avait considéré que la date

dernière du document, qui se rapporte bien aux années pendant lesquelles Raymond fut à la tête de l'abbaye. L'auteur de la Chronique est donc un particulier, un religieux instruit, dont l'œuvre s'arrête en 1124. C'est un mélange d'extraits, pris à d'autres chro niques, aujourd'hui parfaitement connues, telles que Saint-Florent, l'Evière, Saint-Aubin d'Angers, Limoges et autres, auxquels ont été ajoutés des faits spéciaux à l'abbaye de Saint-Maixent, relevés soit dans les obituaires de l'abbaye, soit même dans son chartrier. L'emprunt fait à ce dernier est patent, ainsi qu'on peut le cons tater par divers textes, et particulièrement par l'acte du 5 novembre 1089 (V.n° CLXXII), qui doit contenir une erreur que la Chronique a reproduite. N'y aurait-il pas lieu de penser que l'abbé Geoffroy, qui, comme nous l'apprennent les quelques lignes biographiques qui lui sont consacrées dans l'addition à la Chronique, fut très zélé pour les affaires de son monastère, ait fait appel aux connaissances spéciales, soit d'un de ses religieux, soit d'un étranger, pour d'abord mettre en ordre son chartrier, afin de constater les possessions de l'abbaye, en vue d'obtenir du pape leur reconnaissance authentique, et c'est ce qui eut lieu par la bulle du 10 avril 1110, puis ensuite conserver les actes ainsi colligés par une transcription authentique, destinée à parer aux revendications ou autres difficultés qui pourraient survenir dans la suite des temps? La confection d'un cartulaire, c'est-à-dire d'un recueil donnant la reproduction intégrale des principaux actes d'un établissement, et un'extrait de ceux de moindre valeur, était tout à fait dans les habitudes de l'époque. Il était naturel que le collecteur des chartes de l'abbaye devînt le rédacteur de son cartulaire, et il dut commencer sa besogne peu après 1110, alors que l'abbé fut revenu de Rome avec la bulle du pape Pascal, qui prit place dans son œuvre immédiatement après les diplômes des empereurs ; il est aussi permis de croire que le travail de recherches auquel il s'étaitlivré lui a donné en même temps l'idée de rassembler à l'usage du monastère, comme il en existait dans les abbayes desprovinces voisines, les notes éparses relevées, comme nous l'avons dit, un peu partout, et particulièrement dans la matricule des abbés, qui semble avoir été tenue avec soin jusqu'à lui. Ce serait alors à la fin de 1110 que les deux œuvres auraient été entreprises et se seraient continuées, pour ce qui regarde la Chronique, jusqu'à 1124.

Quant au cartulaire, nous pouvons presque affirmer que l'auteur primitif ne le poussa pas au delà du recueil formé en vue d'obtenir la confirmation du pape, et nous tirons cette induc

tion de la présence anormale d'un acte au milieu du volume. On remarquera en effet qu'à la page 269 se trouvait un acte faux, ou plutôt une notice contenant des mentions erronées, et qui est une sorte de résumé des générosités des rois d'Aquitaine et de l'évêque de Limoges, Ebles, envers l'abbaye de SaintMaixent, actes se référant à des périodes de temps que l'on peut placer vers 830 et 960. On est à juste titre étonné de trouver cette pièce au milieu du cartulaire, au lieu d'y occuper, comme les autres diplômes (on a essayé de lui donner cette forme authentique), la place d'honneur en tête. Mais si l'on considère qu'elle se trouve justement à la fin de la série des actes classés selon un ordre plus ou moins méthodique de localités et antérieurs à 1108, c'est-à-dire à la suite de la série des titres recueillis en vue de la confirmation à obtenir par le pape, on est forcément amené à se dire : ou il est le dernier d'une série, ou le premier d'une nouvelle. Nous adoptons la première de ces manières de voir, et regardons cette pièce comme l'œuvre de l'auteur du cartulaire et de la chronique, dont elle offre tous les caractères de style.

La seconde partie, ou série chronologique du cartulaire, commençant à la page 270, est-elle une œuvre personnelle ou le fait d'un simple enregistrement de pièces? Pour faire prévaloir cette dernière manière de voir, il faudrait établir que tous les actes intéressant l'abbaye sont transcrits à la suite l'un de l'autre : or nous y rencontrons des lacunes importantes, tel que le bref d'Innocent II du 4 mars 1130; de plus, que l'ordre chronologique y est absolu or on y relève l'année 1124 entre 1110 et 1111, 1118 entre 1111 et 1113, 1114 entre 1118 et 1115, etc. Par ces motifs, il nous semble que cette opinion doive être rejetée, et que l'on doit adopter celle que nous croyons la vraie, à savoir une reprise du cartulaire.

A qui ce dernier labeur doit-il être attribué? A l'auteur primitif du cartulaire ? Cela pourrait être, mais, en tout cas, s'il l'a entrepris, il n'a pas dû le pousser bien loin. En effet, dès la page 283, on rencontre un acte que l'on ne peut placer qu'entre 1125 et 1129; si, comme nous l'avons établi, il y a de fortes présomptions pour croire que l'auteur du cartulaire est le même personnage que celui de la chronique, et que le travail de ce dernier a été arrêté en 1124, pour cause de mort ou autrement, il doit s'en suivre forcément que sa collaboration au cartulaire ne peut dépasser cette date.

Que cette hypothèse soit admise ou rejetée, que l'on considère

la seconde partie comme divisée en deux par la date de 1124, ou comme étant l'œuvre d'une seule personne, il convient encore de rechercher à quelle époque ont été exécutées, soit la portion allant de 1124 à la fin, soit la totalité de cette seconde partie.

A cela nous répondrons sans hésiter, entre 1145 et 1147. Pour étayer cette opinion, nous nous appuyons sur la fin de la véritable série chronologique qui est 1147 (p. 328 et 329); de plus, à la page 306, entre un acte de 1122 et un autre de 1123, on en trouve un de 1145, qui nous semble une intercalation du compilateur faite au moment même où il tenait la plume.

L'acte de 1163 qui termine le volume (p. 342) est pour nous le fait d'un enregistrement isolé, sans lien avec les précédents. Si l'on adopte les systèmes que nous venons d'exposer pour la composition du cartulaire, il y a à en tirer certaines conséquences au sujet des dates que nous avons données aux textes qui en étaient dépourvus. Autant que possible, nous n'avons fait usage que d'éléments certains pour la détermination des dates extrêmes dans lesquelles nous avons renfermé ces actes; mais on pourrait tirer de leur place dans le cartulaire des rapprochements plus précis, que nous nous contenterons d'indiquer ici.

De la page 75 à la page 269, aucun acte ne devrait être postérieur à 1110; et, ainsi qu'on peut le vérifier, la chose est admissible pour tous, sauf pour trois que l'on trouve aux pages 137, 257 et 260, et qui portent les dates de 1113, de 1132 ou environ, et de 1189. Ces exceptions ne nous embarrassent que médiocrement, et il ne faut voir dans leur fait que l'inscription postérieure de ces actes sur des feuillets restés blancs. Le feuillet 137 spécialement semble avoir été la fin d'un cahier, car D. Fonteneau fait remarquer que le parchemin a été coupé en plusieurs endroits, ce qui a occasionné des lacunes dans le texte. Il y aurait donc lieu de ramener à 1110 la date extrême des pièces portant les n°s suivants: CCLII, placé par nous vers 1111, CCCI et CCCIV, placés

entre 1108 et 1134.

Le relevé qui suit fera connaître la distribution de cette portion du cartulaire basée, pour la plus grande partie, sur un ordre géographique assez rationnel :

Diplômes des empereurs et des rois et bulle de Pascal II, page 75.

Marais salants en Aunis, et viguerie de Bessac, p: 93-110.
Aiffres, Frontenay, Niort, Chauray, p. 111-124.
Sainte-Radegonde, Marsais, p. 125-134.

« PreviousContinue »