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la communication de leur Traduction, dont il y avoit quelques copies en manufcrit. Ils indiquoient même le canal dont il s'étoit fervi pour en avoir une copie, & pour ne rien vous diffimuler, il paroit une grande reffemblance entre ces deux Verfions en beaucoup d'endroits. Mais après tout ceux qui ont vu l'Original du P. Amelote affurent qu'il étoit plein de ratures & de corrections écrites de la main. Sa principale application étoit de trouver des expreffions plus Françoifes, que celles qui font dans les Verfions précedentes. Ce fut dans cette vûë qu'il mit la fienne, au moins la premiere partie, entre les mains de Mr. Conrart, pour y retoucher & corriger ce qu'il ne jugeroit pas être affez François, & du bel ufage. Ce Mr. Conrart qui poffedoit parfaitement nôtre langue ne fçavoit ni Grec ni Latin. Auffi lui arrivoit-il quelquefois, que fous prétexte de donner un tour plus François à une Traduction de l'Ecriture, il en affoibliffoit le fens, parce qu'il ne pouvoit confulter l'Original, qui devoit cependant lui fervir de guide.

Ne foyez point furpris de voir , que le P. Amelote qui faifoit profeffion d'une grande pieté & d'une grande orthodoxie, ait donné à revoir un Livre de cette importance à un Calvinifte, qui étoit même

allez zelé pour fa Religion. Il n'y a que des efprits foibles qui puiffent être fcanda lizez de ces fortes de liaisons. L'illuftre P. Senault lui en avoit montré le chemin. Ce Pere qui a été le quatriéme General de F'Oratoire, & qui pour ce tems-là avoir beaucoup d'éloquence, donnoit auffi fes Ouvrages à revoir à Mr. Conrart, qui a été un excellent Maître pour la langue Françoife. Le Miniftre Claude, qui lui donnoit auffi fes Livres à revoir, à bien profité de fes leçons.

Cependant quelque habileté que Mr. Conrart ait eûe dans nôtre langue, il n'étoit pas affez habile pour retoucher exactement une Verfion Françoife de l'Ecriture Sainte. Les Gens de Charenton le reconnurent eux mêmes. Comme leur traduction des Pfeaumes en vers François n'eft pas fupportable depuis très-long tems, ils jugérent à propos de la donner à Mr. Conrart, afin qu'il la retouchât, & qu'il la mît dans un état de bien-feance pour le François : ce qu'il leur accorda fort volontiers. Mais il ne fut pas difficile de s'appercevoir, que fous prétexte de rendre cette Verfion plus Françoife, il en avoit affoibli le fens en plufieurs endroits. Vous me direz peutêtre, que Marot qui a traduit autrefois une partie des Pleaumes en François fur l'He

breu a réüffi, quoiqu'il ne fçût pas un mot d'Hebreu. Mais vous devez confiderer, que Marot avoit pour guide & directeur de fa Traduction le docte & judicieux Vatable. Si les Gens de Charenton avoient eû parmi eux des Vatables, ils auroient pû trouver des Marots.

CHAPITRE XVIII. \

D'un petit Traité de Ponce de Leon, fur le ferment que les Théologiens de Salamanque, les Dominicains, les Auguftins, & les Carmes dechauffez font, de fuivre la Doctrine de St. Auguftin & de St. Thomas. Reflexions fur ce petit Ouvrage & fur ce ferment. Ce difcours & les deux autres qui fuivent ont été trouvez parmi les papiers de Mr. Galliot Docteur de Sorbonne, & Principal du College des Treforiers.

les

E n'eft point d'aujourd'hui que Théologiens font partagez en diverfes factions: les noms de Thomiftes, de Scotiftes, d'Ochamiftes, de Durandiftes, & autres, le marquent affez. Les Enfans de St. Ignace de Loyola ne parurent pas plûtôt en Espagne, que les Théologiens de ce pays-là les regardérent comme des Gens. qui venoient apporter une nouvelle Théo

logie. Les Dominicains qui étoient les Maî tres des Ecoles les eurent pour fufpects, & dans la faite du tems après quelques reflexions, ils firent conjointement avec les Auguftins un Statut qui porte que leurs Profeffeurs feront obligez par ferment d'enseigner la doctrine de St. Thomas & de St. Auguftin. Bafile Ponce de Leon a publié exprès en Espagnol un petit Traité fur ce Statut, où il n'oublie rien pour l'appuyer & le juftifier, contre ceux qui trouvoient mauvais qu'on ôtât aux Profeffeurs de Théologie la liberté de fentimens, comme fi St. Thomas & S. Auguftin avoient été infpirez de Dieu. Ce petit Traité * a été traduit en Latin par un Polonois & imprimé in 12. en 1.632. l'Imprimeur l'a dédié à l'Academie de Cracovie.

Vôtre Faculté de Theologie n'eft pas tout à fait exemte de ces fortes de fermens, avec cette restriction néanmoins qu'ils ne s'étendent qu'à de certaines matieres: mais

ceux

*M. Bafilii Pontii Legionenfis Tractatus fuper confirmatione Statuti editi, ac Juramenti ab Academia Salmanticenfi, & Sacris Familiis Beati Dominici & Auguftini praftiti, de tenendâ ac docenda Sanctorum Auguftini & Thoma doctrinâ ; ex Hifpanico in Latinum tranflatus à Petro Parzenie Polono. Bracciani apud Andream Phaum Typographum Ducal. 1632.

ceux de Salamanque font profeffion de n'en-feigner point d'autre doctrine, que celle de St. Augustin & de St. Thomas dans fa Somme de Theologie, lorfqu'il n'y a aucun doute fur leur doctrine. Si elle est douteuse, ils jurent de ne rien enfeigner qui y foit contraire: fervum pecus! Voici les propres termes de ce ferment: Juro in quotidianis lectionibus quas in Academia vel Cathedra moderator, vel voluntarius profeffor legero, me docturum atque lecturum in Theologia fcholaftica doctrinam D. Auguftini,& conclufiones D. Thome quas in Summa Theologica docet, ubi horum Sanctorum mens aperta fuerit: ubi verò anceps & dubia, nibil docturum, atque lecturum quod eorum doctrine adverfari fenferim, fed quod vel juxta meum fenfum, vel eorum qui Difcipuli San&torum Auguftini & Thoma communiter cenfentur, tantorum Patrum doctrina magis conforme.

Vous prendrez cependant garde, qu'ils exceptent l'opinion de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge: & par-là ils font connoitre, que les Theologiens qui foûtiennent la Conception Immaculée font oppofez à ces deux grands Saints. Cela feul devroit les convaincre, qu'il ne faut pas juter facilement in verba magiftri, quelque puiflante que foit fon autorité. Ils excep

* art. 1. p. 9.
Tome III.

I

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