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culté de l'abandonner, & de le regarder comme un Homme violent & tumultueux, qui s'eft jetté dans d'étranges extremitez en matiere de Doctrine.

CHAPITRE XXVIIL

مین

Des Commentaires de Conrad Pellican fur la Bible. Caractere de cet Auteur qui a été fçavant dans le ftyle de l'Ecriture, & dans les Livres des Rabbins, fans en être entêté. Son Eloge„& ses défants..

J

E vous avoue, que Conrad Pellican Sec

taire Zuinglien meritoit de trouver fa place dans mon Hiftoire critique parmi Les Commentateurs Proteftans. L'éloge que j'ai fait de fa methode en parlant de celle de Munfter *, vous a donné la curiofité de connoître cet Auteur plus à fond, & de fçavoir fon fentiment fur ce qui regarde la critique des Livres facrez. Il n'eft pas befoin que je vous repete ce que je vous

* On lit au liv. 2. de l'Hiftoire critique du Vieux Teftament chap. 21. Munster auroit peutêtre mieux fait de fe conformer à la methode de Conrad Pellican fon Maitre en la langue Hebraïque, qui croyoir avec raifon, qu'il ne falloit prendre des Rabbins que la Grammaire, & qu'à l'égard du fens, on devoit confulter également les anciens & les nous. veaux Interpretes de la Bible.

ai dit plufieurs fois, que mon Hiftoire n'eft qu'un abregé de ce que j'efperois publier dans peu de tems en Latin tout au long; & à l'égard de Pellican je n'avois alors qu'une partie des Volumes qui compofent fes Commentaires fur l'Ecriture, je les ai trouvez depuis tout entiers dans la Bibliotheque Mazarine, où il y a un affez grand nombre de Livres compofez par les Proteftans d'Alemagne.

Je vous dirai en general que l'Ecole Zuinglienne de Zuric a eû d'abord de grands Hommes, que je prefere pour la Science de l'Ecriture aux premiers Lutheriens de l'Ecole de Witemberg. Je mets dans cette claffe Leon de Juda, Pellican, Theodore, Bibliander, Bullinger, & quelques autres. C'eft un effet de la Providence divine, d'avoir oppofé ces gens-là à la faction Lutherienne pour l'humilier; & cette divifion fut d'une très-grande utilité à l'Eglife: car les Catholiques prirent de-là occafion de faire voir que ces Hommes qui fe difoient fufcitez de Dieu extraordinairement pour reformer fon Eglife, étoient des gens de chair & de fang, qui fe déchiroient cruellement les uns les autres.

Il n'eft pas befoin
que je vous faffe ob-
que Pellican a été Religieux de l'Or

ferver

dre de St.François, auffi-bien que Munster,

*

Sa vie qui a été écrite par Melchior Adam, contient quelque particularitez, qui meritent d'être fçues. Je me renfermerai içi dans fes feuls Commentaires fur l'Ecriture, qui ont été imprimez à Zuric en plufieurs volumes in folio affez exactement. L'année de l'édition du premier Volume qui est sur le Pentateuque eft marquée 1533. On lit neanmoins à la fin de ce volume 1536, comme s'il avoit été trois ans fous la preffe. L'Imprimeur a mis à la tête de fon edition ces paroles: En damus, Chriftiane Lector, Commentaria Bibliorum, & illa brevia quidem ac Catholica, eruditiffimi fimul ac pii viti Chuonradi Pellicani Rubeaquenfis; qui & vulgatam Commentariis inferuit editionem, fed ad Hebraicam lectionem accurate emendatam. Habes autem in hoc opere quidquid fincera Theologia eft. Ideoque, fi fapis, ex ipfo potius facrorum fonte quàm rivulis Religionem veram imbibe.

Vous voyez-bien que c'est un Protestant qui parle: mais après tout fi l'on examine les Commentaires de Pellican par rapport à ceux des autres Proteftans de ce tems-là, it eft plus exact qu'eux, & bien moins fécond en digreffions contre les Catholiques. Il s'attache ordinairement au fens literal fans perdre de vûë les paroles de fon texte * Christophorus Frofchoveins.

Il affecte quelquefois une Theologie oppofée à celle des Lutheriens ce qui eft commun à tous les Sectateurs de Zuingle, qui regardoient la Theologie de Luther fur la predeftination, fur le libre arbitre, & fur quelques autres articles, comme une Theologie impie mais il faut avouer de bonne foi qu'ils paroiffent quelquefois un peu trop Philofophes & qu'ils fauvent un peu trop facilement les Payens: Doctrine qu'ils femblent avoir puifée dans les Livres d'Erafine, quoi qu'ils prétendent être appuyez fur les premiers Peres Grecs & entre autres fur S. Juftin Martyr, & fur Clement d'Alexandrie.

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Pellican a mis à la tête de fes Commen taires une longue preface datée de 15 3 3. laquelle renferme plufieurs chofes dignes de fon erudition; mais felon le genie de ces premiers Reformateurs il y fait trop le Theologien & le Predicant. Il parle de Sr. Augustin comme du plus excellent Theologien qui ait été parmi les Latins, quo Viro nihil habet praftantius Latina Theologia. Il fait l'éloge de Raban Maur qu'il croit être le plus fçavant Homme après St. Jerôme, qui ait été dans l'Eglife Latine pour la connoiffance des Livres de l'ancien Teftament, mais qui ayant eû le malheur de naître dans un tems où l'on ne cultivoit point les lan

de

gues, n'a gueres fait autre chose que compiler ce qu'il avoit lû dans les anciens Ecrivains, fe jettant auffi quelquefois dans de froides allegories, lorfqu'il ne pouvoit entrer dans le fens literal: Qui Vir (Rabanus) impensè pius & doctus, ut illis temporibus, prafidio linguarum ad facras literas exacte intelligendas, ob temporum fata neceffariò deftitutus,non multa protulit de fuo, fed collectirias annotationes ex antiquis Scriptoribus congeffit, multas allegorias ineptas etiam aggerens, dum urgeret litera difficultas. Il loue le même Raban, de ce que dans un tems où les ravages des Gots avoient prefque aneanti tous les Livres, il a fait un recueil utile des Ouvrages des Peres. Mais, comme vous fçavez, la compilation de Raban n'eft plus aujourd'hui d'une gran de utilité, par ce que nous avons les originaux de leurs Ecrits, & que nous ne fommes plus obligez de recourir aux Compilateurs.

Après les Commentateurs Chrétiens, dont Pellican dit fort peu de chofes, il paffe à ceux des Juifs. Son fentiment eft, que depuis la deftruction de Jerufalem, ils ne fe font appliquez qu'aux fables répanduës dans le Talmud, & qu'ils ont entierement negligé l'étude de l'Ecriture, s'attachant uniquement aux traditions impertinentes

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