liques, les Evêques ne jugent pas à propos de les inquieter dans leurs petits ufages, perfuadez qu'ils font de la maxime de Saint Auguftin, que l'Eglife fouffre beaucoup de chofes, qu'elle n'approuve pas : Multa tolerat Ecclefia que non probat. Sur ce principe il feroit inutile de faire fur ce fujet de plus longues Leçons aux Moines qui font amateurs de leurs petits ufages, fur tout lorfqu'il leur en revient quelque profit. Ce que je dis des Moines fe doit auffi appliquer aux Ecclefiaftiques qui n'ont pas été tout à fait exemts de ce même défaut. Plufieurs d'entre eux n'ont pas moins fait valoir ces Reliques fauffes ou au moins incertaines, que les Benedictins & les autres Religieux. Avant que de finir cet article, j'ajouterai deux mots touchant ce qui s'est paffé depuis peu entre M. l'Evêque d'Amiens & les Chanoines Reguliers de la Congregation de Sainte Geneviève. Ceux-ci foutiennent hardiment contre leur Prelat, qu'ils confervent dans une de leurs Eglifes près d'Amiens le Corps de Saint Firmin Confeffeur. L'Evêque prétend au contraire, que cette Sainte Relique eft depuis plufieurs fiecles dans fon Eglife Cathedrale: ce qu'il croit juftifier par des Titres anciens & authentiques. De plus il traite de libelle un petit *Feydean de Braz

écrit imprimé à cette occafion sous le titre de Lettre à un curieux fur des anciens Tombeaux qu'on a découverts le 10. Janvier 1697. fous le grand Autel d'une Eglife, qui a été autrefois l'Eglife Cathedrale d' Amiens. Il accufe même l'Auteur de cet écrit, qu'on foupçonne être l'Abbé de S. Acheul dans le voisinage d'Amiens Chanoine Regulier, d'avoir emprunté & le ftyle & les paroles des plus bas Ecrivains d'entre les Proteftans, lorfqu'ils ont invectivé contre les Reliques des Saints. Et en effet cet Abbé Regulier voulant ôter aux Chanoines de la Cathedrale d'Amiens le Corps du Confeffeur Saint Firmin, s'est jetté peu judicieusement fur quelques lieux communs dont fe fervent ordinairement les Proteftans, lorfqu'ils attaquent l'ufage des Reliques dans l'Eglife Romaine. C'eft pourquoi l'Evêque d'Amiens dans une Ordonnance publiée le 20. jour de Juillet 1697. défend à ses Diocesains d'ajouter foi à l'écrit dont on vient de parler, comme contenant des propofitions fauffes, temeraires, calomnieuses & injurieuses à nôtre Clergé, contraires aux Traditions conftantes de notre Diocefe, & au culte public qui les autorife, tendantes à tourner en railleries les Ceremonies de l'Eglife, & les faits reconnus de tout tems pour miraculeux. Nous leur défendons, ajoute ce Prelat, de rendre

aucun culte aux Tombeaux nouvellement découverts dans l'Eglife de Saint Acheul. Enjoignons aux Religieux de ladite Abbaye de veiller à ce qu'il ne s'introduife aucun abus dans leur Eglife à cette occafion, & de nous informer foigneufement de ceux qui pourroient venir à leur connoiffance. Il n'y a rien que de fage & de judicieux dans cette Ordonnance de Monfieur l'Evêque d'Amiens. Ce n'est point ici le lieu d'examiner fi le Corps de Saint Firmin Confeffeur se conserve en effet dans l'Eglife Cathedrale d'Amiens, comme l'Evêque & les Chanoines de cette Eglise l'affurent. Je me contenterai de remarquer feulement en general, qu'il n'y a rien de bien certain là-deffus.

CHAPITRE XXXIII.

Suite du Supplement à l' Hiftoire de l'Origine, &du progrez des Revenus Ecclefiaftiques. L'Ufage frequent des Indulgences a contribué à faire entrer plufieurs biens dans les Eglifes & dans les Monafteres.

J

E mets encore au nombre des chofes qui. ont apporté quelque revenu aux Eglifes & aux Monafteres, l'Ufage frequent des Indulgences accordées trop facilement par les Papes, fur tout dans ces derniers siecles

Elles avoient été portées jufques à un tel excez, que lorfque Luther les attaqua, la plupart des Theologiens Scolastiques fe trouverent fort embarraffez à répondre aux difficultez que ce Novateur leur proposa sur ce fujet : & en effet ils ne parloient gueres exactement, parce qu'ils définiffoient les Indulgences, fur le pied qu'on les regardoit communément alors, & non de la maniere qu'elles avoient été dans leur Origine. Caietan qui s'apperçut de cette erreur, ou plûtôt de cette méprife des Theologiens abandonna l'opinion commune, remontant jusques à la fource des Indulgences, comme on le peut voir dans fon Opufcule touchantiles Indulgences publiées en 1517. Il foutient qu'elles ne font autre chofe qu'une Relaxation des peines Canoniques impofées dans le Sacrement de la Penitence, ou par le droit Ecclefiaftique, eft igitur, dit ce Cardinal, Ecclefiaftica Indulgentia injuncta in foro pœnitentiali. Il y fait voir que les Papes mêmes n'en ont pû accorder, que pour des caufes juftes. Maldonat qui a embraffé ce sentiment dans fon Traité de la Penitence, parle de l'opinion commune des autres Theologiens, comme d'une opinion peu probable; au lieu que celle de Caietan, qui avoit été foutenue ayant lui par Alexandre Hales, eft

appuyée felon lui fur l'Ecriture Sainte, & fur l'ancien ufage de l'Eglife. Tales Indulgentias effe credendum eft, dit ce docte Jefuite *, qualem ex facris literis & antiquo Ecclefia ufu originem habuerunt. Ex origine autem prima nihil alius Indulgentia effe intelligimus, quam relaxationes pœna vel injuncta in Sacramento, vel à jure ftatuta. Selon ce fentiment qui paroit bien fondé, non feulement les Papes & les Evêques, mais auffi les Prêtres pouvoient accorder des Indulgences, parce qu'ils avoient le pouvoir de relacher aux Penitens qu'ils jugeoient veritablement repentans de leurs. pechez, une partie des peines décernées. par les Canons & marquées dans les anciens Livres Penitentiels.

Il eft de notorieté publique, que dans les premiers fiecles de la Religion Chrétienne, les penitences qu'on impofoit aux pecheurs ne dépendoient pas de la volonté & du pur arbitre des Prêtres, comme elles. en dépendent prefentement. Chaque peché étoit puni d'une peine particuliere, & qui lui étoit propre. Il y avoit des Canons fur cela, que les Evêques & les Prêtres étoient obligez de fuivre. Cette ancienne difcipline de l'Eglife fe trouve dans les Peres, & dans les anciens Livres Penitentiels, dont il nous * Maldon. de panit.