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De même fricandeau, plat que Ménage définit ainsi : « Fricandeaux. On appelle ainsi à Paris des morceaux de rouelles de veau piqués, qu'on fait cuire dans une casserole. Et on les a ainsi appelés, parce qu'originairement on les fricassoit dans la poële ».

La cabirotade (1) était une grillade de chevreau (l. I, ch. xxii, et passim). Le mot dérive du gascon cabirot, chevreau (1. IV, ch. LIX), en Languedoc cabirol, dont la chair était très recherchée, surtout à Paris, au dire de Bruyerin Champier (p. 705): << In provincia Narbonensi quotidiano cibo caprina usurpatur; illic enim greges caprarum aluntur ».

Viennent ensuite (1. IV, ch. LIX): eschynées aux poys et hastereaux, hâtereaux, à côté de « bonnes hastilles à la moustarde » (1. II, ch. xxx1); et, pour finir, des « longes de veau rousty froides, sinapisées de pouldre zinziberine ». Ajoutons les « pieds de porc au sou » (1. IV, ch. LIX), c'est-à-dire au saindoux, sens de l'ancien soult, mets qu'on trouve mentionné à la fois dans le Menagier (« sous de pourcel ») et décrit plus explicitement dans Taillevent.

GIBIER A POILS ET VENAISON.-En fait de gibier, les lièvres, et surtout les lapins, étaient très recherchés dans les banquets : << Cuniculi in epulis... summam gratiam obtinent »>, nous dit Bruyerin Champier (p. 717).

La hure des sangliers figurait sur les meilleures tables (comme anciennement chez les Romains): « Caput aprinum (huram Galli vocitant) nobilissimus hodie habetur cibus >> (Bruyerin Champier, p. 690).

Dans la Condamnacion de Banquetz, de 1507, les serviteurs commencent par apporter

La hure de sanglier notable...

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Au souper donné par Grangousier figurent unze sangliers >> et le Mémoire pour un banquet de 1508 mentionne des « hures de sanglier >>.

Même les hérissons étaient en faveur, malgré l'avis contraire de Bruyerin Champier (p. 720): « Histris alimentum parit improbum et vix concoquitur... >>

(1) Ce mot n'a rien de commun avec capilotade (dans Montaigne, capirotade, de l'esp. capirotada), terme attesté seulement dans la seconde moitié du xvre siècle,

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VOLAILLES ET GIBIER A PLUMES. Mettons en première ligne les chapons, dont la variété la plus fameuse, celle du Mans, célébrée tour à tour par Belon, par Liébault et par Olivier de Serres, n'est pas citée par Rabelais. Au festin donné par Grangousier, figurent quatre cens chappons de Loudunois et Cornouaille (les premiers déjà réputés au XIII° siècle), et les Gastrolâtres se régalent de « chappons roustiz avec leur degout », de « poulles bouillies et gros chappons au blanc manger » et de corbeaux de chappons. Ce dernier terme, qui désignait une manière particulière d'apprêt, est absolument inconnu aux traités culinaires de l'époque.

Passons sur les oiseaux de basse-cour récemment introduits en France de l'Amérique et de l'Afrique, les dindes et dindons (coqs et poulles d'Inde), la poule de Guinée (guynete) ou pintade, sur ceux venus de Provence (becfigue, tadorne) et d'Italie (francolin, hortolan), que nous avons déjà relevés. Abordons le gibier à plumes.

La table était abondamment pourvue d'oiseaux sauvages à une époque où la fauconnerie était en grand honneur. Les estomacs des hommes du xvi° siècle supportaient et goûtaient même avec délices des gibiers, dont la chair, lourde et coriace, effraie la sobriété de notre régime. « La plus grande partie des oyseaulx de riviere, nous dit Belon, est principale és delices des Françoys... » — « C'est merveille, ajoute-t-il, que l'estomach de l'homme puisse faire son profit de toutes manieres d'oyseaux, et toutesfois y en a plusieurs, dont les chiens affamez ne veulent gouster (1) ».

Au souper des Gastrolâtres figurent des butors, des cigognes, des grues, des hérons. Le courlis était recherché pour les grands festins.

La grue garde jusqu'au xvIIIe siècle la réputation d'un mets délicat.

Le héron était, suivant Belon (p. 190), « viande royale, par quoy la noblesse françoyse fait grand cas de le manger, mais encore plus des heronneaux ».

Nous ne faisons que mentionner la gelinotte de bois et le pluvier, qui sont encore aujourd'hui d'excellents gibiers.

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POISSONS. Rabelais garnit la table des Gastrolâtres des principaux poissons de l'Océan et de la Méditerranée. Les premiers

(1) Histoire des Oyseaulx, Paris, 1555, p. 57 et 59.

traités culinaires, le Viandier et le Menagier, sont déjà très renseignés sur l'apprêt des divers poissons d'eau douce, des poissons de mer ronds et des poissons de mer plats. Au xvi° siècle, l'ichtyologiste Rondelet lui-même nous apprend « comme chacun poisson peut servir ou à manger ou à autre chose..., comme il faut acoustrer pour manger selon la diversité de leur chair et substance (1) ».

Bornons-nous à deux remarques sur la prédilection des hommes de la Renaissance pour certaines espèces.

La chair de la baleine était peu estimée (vilissima, nous dit Bruyerin Champier), mais sa langue, « grande à merveille », se vendait par tranches, salée et conservée, dans les marchés, surtout aux jours de carême. Il en était de même du lard de baleine, connu dès le XIVe siècle sous le nom de craspois, c'est-à-dire gras poisson.

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A propos du dauphin, à la chair dure et indigeste, Belon nous dit : « Les delicats qui ont le palais plus friand ont estimé le daulphin le plus delicieux poisson qu'on puisse trouver en la mer. Aux jours maigres, on ne faict festins ne nopces qu'on puisse vanter avoir esté sumptueux, si on n'y a mangé du daulphin ». BATRACIENS. Les hommes du xvi siècle, nous l'avons déjà fait remarquer, avaient des organes digestifs autrement vigoureux que nos estomacs anémiques. Ils supportaient des mollusques, crustacés, etc., aujourd'hui indigestes, par exemple des grenouilles et des tortues, des couleuvres et des orties de mer, tous servis sur la table des Gastrolâtres. Voici ce qu'en disent les spécialistes de l'époque :

Les grenouilles, frites avec un peu de persil, étaient servies sur les meilleures tables; mais cette réputation excitait l'étonnement du médecin Bruyerin Champier (p. 1106): « Miror tamen tantopere ranas magnificari... »

Les tortues étaient aussi très goûtées, et Liébault vante le plat de tortues comme « les delices des princes et des grands seigneurs >>.

Quant aux orties de mer, c'est (nous dit Belon) « viande dediée aux pauvres gens ».

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Le service qui suivait le rôti et précédait le dessert était le

(1) Histoire des Poissons, Paris, 1558, p. 108.

plus brillant du repas. Il était composé de légumes, de rôtis d'apparat (cygnes, paons, faisans), de plats sucrés, de gelées.

LÉGUMES. Les légumes sont très rares sur la table des Gastrolâtres et en général sur celles des gastronomes du xvi° siècle qui les dédaignaient. Rabelais cite :

L'artichaut, récemment importé d'Italie, et dont nous avons déjà parlé.

Le chou, dont il mentionne la variété à tête pommée : « chous cabutz à la mouelle de beuf » (l. IV, ch. LIX), ancien emprunt méridional, et le « chous à l'huile », « alias caules amb'olif» (1. IV, ch. xxx11), plat gascon ou languedocien.

Les fèves frezes (l. IV, ch. xxx11), c'est-à-dire pilées ou décortiquées, dont Taillevent nous donne la recette.

Les pois, dont le plat (aujourd'hui bourgeois) des pois au lard était alors des plus en vogue. Vers 1560, Champier en parle avec enthousiasme. Il le compte parmi les lautissimas epulas et il ajoute : «Reges quoque ac proceres gratissime mandunt, præsertim cum suilla incocta, Pisa ex lardo vocant ». Rabelais, tout en ne le faisant pas figurer sur la table des Gastrolâtres, le connaissait et l'appréciait.

La rave, dont la variété limousine, rabe, la grosse rave ronde, était la nourriture par excellence des habitants de la Savoie, comme de la Saintonge et de l'Auvergne, mais surtout du Limousin.

OISEAUX DE PARADE.

tins d'apparat:

On servait à l'entremets dans les fes

Des cygnes, dont la chair, noire et coriace, était alors réputée. Belon (p. 153) les décrit comme «oyseaux exquis és delices Françoyses... L'on n'a gueres coustume de les manger, si non 'és festins publics ou és maisons des grands seigneurs ».

Des paons, qui étaient aussi recherchés par les gens riches. au xvi siècle que dans l'Antiquité et au Moyen Age. Leur chair, sèche et peu estimée, était alors très goûtée: « Quelle plus exquise chair pouvez-vous manger »? demande à la fin du XVIe siècle Olivier de Serres (p. 33).

Comme le paon, le faisan était jadis l'honneur des festins, où on le servait avec pompe, recouvert de sa peau et de ses plumes. Au souper donné par Grangousier (1. 1, ch. xxxv11), figurent « sept vingt faisans ».

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PATISSERIES. Le Viandier mentionne une dizaine de tartes. On n'en trouve pas moins dans la Condamnacion de Banquets. Parmi ces pâtisseries, citons en premier lieu la fameuse

tarte bourbonnoise, que Rabelais et ses contemporains n'emploient que dans un sens facétieux, mais dont on trouve la recette dans Taillevent (p. 77): « Tartre bourbonnoise. Fin fromage broyé, destrampé de cresme et de moyeux d'œufz suffisamment, et la croste bien poistrie d'œufz, et soit couverte le couvercle entier, et orenge par dessuz ».

Sur la table des Gastrolâtres étaient servies des : « Tartres, vingt sortes », et « tourtes de seize façons », ainsi que des gasteaux feuilletez, faits sans lait. Les beuignetz, beignets, les crespes, crêpes, et les guauffres, gaufres, sont des pâtisseries anciennement attestées, ainsi que la dariole (celle d'Amiens était célèbre), mentionnée dans le Viandier, et la talemouse, gâteau au fromage (1. II, ch. x1), dont Taillevent nous donne la recette. Voici quelques autres pâtisseries qui ne remontent pas au delà des xv°-XVI° siècles:

Brides-à-veau, « pastisserie delicate », comme l'appelle Liébault (fol. 318 vo). Le Livre excellent de cuisine (1555, fol. 62 vo) en énumère les ingrédients : « Brideaulx à veaulx, paste avec farine, moyeux d'œuf, beurre, sucre, eau rose ». Les Cris de Paris d'Antoine Truquet (1545) en font mention:

Des brides à veaux
Pour frians museaux!
Ça qui en demande,

Il faut que je vende!

Le nom, qui se lit pour la première fois au banquet offert le 7 novembre 1498 par le consulat lyonnais à César Borgia, de passage à Lyon (1), a subi des vicissitudes sémantiques curieuses que nous avons étudiées ailleurs (2).

Mestier, métier, pâtisserie parisienne décrite par Liébault (fol. 318 vo). Le nom vient des deux fers entre lesquels on faisait cuire cette sorte d'oublie, fers semblables à un métier de tisserand.

Poupelin, pâtisserie d'origine provinciale, de l'Anjou, suivant Ménage. Elle était aussi usitée dans le Midi de la France au xvIe siècle (voy. Mistral). Le nom signifie proprement tetin.

La parodelle, sorte de gâteau au fromage (1. V, ch. xxxiv). En Languedoc, paraud désigne le fromage frais au moment où on le met dans la forme.

(1) Voy, une note du Dr. Dorveaux dans Rev. Et. Rab., t. X, p. 421 à 425.

(2) Rev. XVIe Siècle, t. I, p. 342 à 346.

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