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as tant de fois offensé Dieu, tant de fois mérité l'enfer?

Mais ma bonté t'a épargné, parce que ton âme a été précieuse devant moi je ne t'ai point délaissé, afin que tu connusses mon amour, et que mes bienfaits ne cessassent jamais d'être présents à ton cœur; afin que tu fusses toujours prêt à te soumettre, à t'humilier, et à souffrir les mépris avec patience.

RÉFLEXION.

Il n'existe qu'une volonté qui ait le droit essentiel et absolu d'être obéie, la volonté de l'Etre éternel qui a tout créé et qui conserve tout; et de là l'admirable prière du prophète-roi: Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu 1. Cette volonté souveraine a des ministres pour rappeler ses ordonnances et en maintenir l'exécution dans la famille, dans l'Etat, dans l'Eglise; et l'obéissance leur est due, parce qu'ils représentent Dieu chacun dans son ordre, selon les degrés d'une sublime hiérarchie, qui remonte du père au roi, du roi au pontife, du pontife à Jésus-Christ, de Jésus-Christ à celui qui l'a envoyé, et de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom 2, c'est-à-dire son autorité. Ainsi le devoir n'est autre chose que le commandement divin, et la vertu n'est que l'obéissance à ce commande ment. Tout péché, an contraire, n'est, comme le premier, qu'une désobéissance, une révolte; et l'homine est conçu dans la revolte, puisqu'il est conçu dans le péché 3; d'où cette belle et profonde expression du Psalmiste: Le pécheur est rebelle dès le sein de sa mère, et livré au mal dans ses entrailles. Aussi le sacrifice qui a expié le péché et réparé la nature humaine, con 8 Ps. L,

1 Ps. CXLII, 10.-2 Ephes., III, 15. . Ibid.

7.

sista-t-il essentiellement, suivant la doctrine du grand Apôtre, dans une obéissance infinie. Le Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix1. Et nous, misérables créatures, rachetées par cette prodigieuse obéissance, nous refuserions d'obéir ! Nous opposerions notre volonté à la volonté du Tout-Puissant, par cet épouvantable orgueil qui a créé l'enfer, où, dans les ténèbres, dans le supplice, dans la rage et le désespoir, dans l'ignominie de l'esclavage le plus abject et le plus hideux, l'ange prévaricateur et ses complices répéteront éternellement: Je n'obéirai point, non ser❤ viam 20 Dieu, pr servez-moi d'un orgueil aussi insensé, aussi criminel! Que votre grâce m'apprenne à me soumettre et à vous, et à tous ceux que vous avez préposés sur moi! Je suis étranger sur la terre; ne me cachez point vos commandements. Mon âme, à toute heure, en rappelle le désir3. Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu!

CHAPITRE XIV.

Qu'il faut considérer les secrets jugements de Dieu pour ne pas s'enorgueillir du bien qu'on fait.

1. LE F. Vous faites tonner sur moi vos jugements, Seigneur, et tous mes os ont tremblé d'épouvante, et mon âme est dans une profonde terreur.

Interdit, effrayé, je considère que les cieux ne sont pas purs à vos yeux".

Si vous avez trouvé le mal dans vos Anges,

1 Philipp., II,

19, 20.

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8. 2 Jerem., 11, 20. .8 Ps. CXVIII Job, XV, 15. Ibid., IV,

18.

et si vous ne les avez pas épargnés, que serace de moi?

Les étoiles sont tombées du ciel1: moi, poussière, que dois-je donc attendre?

Des hommes dont les œuvres paraissaient louables, sont tombés aussi bas qu'on puisse tomber, et j'ai vu ceux qui se nourissaient du pain des Anges faire leurs délices de la pâture des pourceaux.

2. Il n'est donc point de sainteté, Seigneur, si vous retirez votre main.

Point de sagesse qui soit utile, si vous ne la dirigez plus.

Point de force qui soit de secours, si vous cessez de la soutenir.

Point de chasteté assurée, si vous n'en prenez la défense.

Point de vigilance qui nous serve, ne veillez vous-même pour nous.

si vous

Laissés à nous-mêmes, nous enfonçons dans les flots et nous périssons: venez-vous à nous, nous nous relevons et nous vivons.

Car nous sommes chancelants, mais vous nous affermissez; nous sommes tièdes, mais vous nous enflammez.

3. O que je dois avoir d'humbles et basses pensées de moi-même ! que je dois estimer peu ce qui paraît de bien en moi!

O que je dois m'abaisser profondément, Seigneur, devant vos jugements impénétra

1 Apoc., VI, 13.

bles, où je me perds comme dans un abîme, et vois que je ne suis rien que néant et un pur néant!

O poids immense! ô mer sans rivages, où je ne retrouve rien de moi, où je disparais comme le rien au milieu du tout!

Où donc l'orgueil se cachera-t-il? où la cone fiance dans sa propre vertu? Toute vanité s'éteint dans la profondeur de vos jugements sur moi.

4. Qu'est-ce que toute chair devant vous ? L'argile s'élèvera-t-elle contre celui qui l'a formée1?

Comment celui dont le cœur est vraiment soumis à Dieu pourrait-il s'enfler d'une louange vaine ?

Le monde entier ne saurait inspirer d'orgueil à celui que la vérité a soumis à son empire; et jamais il ne sera ému des applaudissements des hommes, celui dont toute l'espérance est affermie en Dieu.

Car ceux qui parlent ne sont rien: ils s'évanouiront avec le bruit de leurs paroles : mais la vérité du Seigneur demeure éternellements.

RÉFLEXION.

Une des plus dangereuses tentations et des plus déliées, est celle de l'orgueil dans le bien. Pour peu qu'elle se relâche de sa vigilance, l'âme que la grâce avait élevée au-dessus de la nature et de sa corrup

1 Is., XXIX, 16. — 2 Ps. cxvi, 2.

tion, glisse imperceptiblement et retombe en elle-même. On s'est garanti de certaines fautes, on a pratiqué cer taines vertus; l'amour-propre s'arrête à cette pensée, et s'y repose avec complaisance. On se regarde, on est content de soi, on se préfère peut-être à tel ou tel autre; et l'on en vient jusqu'à s'attribuer secrètement les dons de Dieu, un des crimes qui offense le plus ce Dieu jaloux et vengeur, et qui ne donnern sa gloire à nul autre 2, et qui résiste aux superves 3. Que faitil cependant? Il se retire, il délaisse cet insensé qui comptait sur ses forces, il l'abandonne à son orgueil. Alors arrivent ces chutes terribles qui étonnent et consternent; ces chutes inattendues, effrayants exemples des jugements divins. Malheur à qui s'appuie sur sa propre justice! la ruine l'attend. Je ne sens, disait l'Apôtre, rien en moi qui m'accuse; mais je ne suis pas pour cela justifié, car celui qui me juge, c'est le Seigneur. Et le prophète-roi: Purifiez-moi de mes fastes cachées, oubliez celles que j'ignore 6, et pardonnez-moi celles d'autrui : prière admirable qui rappelle à l'homme cette funeste communication du mal, en vertu de laquelle il est, hélas! si peu de péchés purement personnels. Done nul refuge, nulle assurance que dans l'humilité, dans l'aveu sincère, dans la conviction et le sentiment toujours présent de notre profonde misère, joint à la confiance en Dieu seul. Prosternes à ses pieds, disons-lui avec le Psalmiste: Ma honte est sans cesse devant moi, et la confusion a couvert mon visage 8: Seigneur, vous ne mépriserez point un cœur contrit et humilié ?!

1 Nahum., 1, 2.- 2 Is., XLII, 8. I. Petr., V, 5 I. Cor., IV, 4.-5 Ps. xvIII, 13.- 6 Ps. XXIV, 7. ~7 Ps. xvi, 14. 8 Ps. XLIII, 16.

- 9 Ps.

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