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humilié, afin que je m'instruise de votre justice1, et que je bannisse de mon cœur tout orgueil et toute présomption.

Il m'est utile d'avoir été couvert de confusion 2, afin que je cherche à me consoler plutôt en vous que dans les hommes.

Par là, j'ai appris encore à redouter vos jugements impénétrables, selon lesquels vous affligez et le juste et l'impie, mais toujours avec équité et avec justice.

5. Je vous rends grâces de ce que vous ne m'avez point épargné les maux, et de ce qu'au contraire vous m'avez sévèrement frappé, me chargeant de douleurs, et m'accablant d'angoisses au dedans et au dehors.

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De tout ce qui est sous le ciel, il n'est rien qui me console; je n'espère qu'en vous, mon Dieu, céleste médecin des âmes, qui blessez et qui guérissez, qui conduisez jusqu'aux enfers, et qui en ramenez 3.

Vous me guidez par vos enseignements, et votre verge même m'instruira “.

6. Père uniquement aimé, voilà que je suis entre vos mains, je m'incline sous la verge qui me corrige.

Frappez, frappez encore, afin que je réforme, selon votre gré, tout ce qu'il y a d'imparfait en moi.

Faites de moi, comme vous le savez si bien

1 Ps. CXVIII, 71. 11, 6; Tob., xiii, 2.

2 Ps. LXVIII, 11.
Ps, XVII, 36.

3 I. Reg.,

faire, un disciple bumble et pieux, toujours prêt à vous obéir au moindre signe.

Je m'abandonne, moi et tout ce qui est à moi, à votre correction. Il vaut mieux être châtié en ce monde qu'en l'autre.

Vous savez tout, vous pénétrez tout, et rien ne vous est caché dans la conscience de l'homme.

Vous connaissez les choses futures avant qu'elles arrivent, et il n'est pas besoin que personne vous instruise ou vous avertisse de ce qui se passe sur la terre.

Vous savez ce qui est utile à mon avancement, et combien la tribulation sert à consumer la rouille des vices.

Disposez de moi selon votre bon plaisir, et ne me délaissez point à cause de ma vie toute de péché, que personne ne connaît mieux que

vous.

7. Faites, Seigneur, que je sache ce que je dois savoir, que j'aime ce que je dois aimer, que je loué ce qui vous est agréable, que j'estime ce qui est précieux devant vous, et que je méprise ce qui est vil à vos regards.

Ne permettez pas que je juge d'après ce que l'œil aperçoit au dehors, ni que je forme mes sentiments sur les discours insensés des hommes1; mais faites que je porte un jugement vrai des choses sensibles et des spirituelles, et surtout que je cherche à connaître votre volonté.

1 Is., XI, 3.

8. Souvent les hommes se trompent en ne jugeant que sur le témoignage des sens. Les amateurs du siècle se trompent aussi en n'aimant que les choses visibles.

Un homme en vaut-il mieux parce qu'un autre homme l'estime grand?

Quand un homme en exalte un autre, c'est un menteur qui trompe un menteur, un superbe qui trompe un superbe, un aveugle qui trompe un aveugle, un malade qui trompe un malade; et les vaines louanges sont une véritable confusion pour qui les reçoit.

Car, ce qu'un homme est à vos yeux, Seigneur, voilà ce qu'il est réellement, et rien de plus, dit l'humble saint François.

RÉFLEXION.

Dieu permet que notre âme soit quelquefois comme abandonnée. Nulle consolation, nulle lumière; mais de toutes parts des épreuves, des tentations, des angoisses elle se croit près d'y succomber, parce qu'elle n'aperçoit plus le bras qui la soutient. Que faire alors? dire comme Jésus: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé1? Et cependant demeurer en paix dans la souffrance et dans les ténèbres, jusqu'à ce que les ombres déclinent, et que nous découvrions l'aurore d'un nouveau jour 2. Cet état est le plus grand exercice de la foi; c'est pour l'âme une image de la mort froide, sans mouvement, insensible en apparence, elle est comme enfermée dans le tombeau, et ne tient plus, ce semble, à Dieu, que par une volonté languissante, dont elle n'est pas même assurée. Oh! que de grâces sont le fruit de cette agonie sup.

1 Matth., XXVI, 46. --- 2 Cant., II, 17.

portée avec une humble patience! Oh! que de péchés rachètent cette passion! C'est alors que s'achève en nous le mystère du salut, et que nous devenons véritablement conformes à Jésus, pourvu qu'avec une foi sincère, inébranlable, nous ne cessions de répéter cette parole de résignation: Oui, mon Père, j'accepte ce calice je veux l'épuiser jusqu'à la lie; oui, mon Père, parce qu'il vous a plu ainsi 1.

CHAPITRE LI.

Qu'il faut s'occuper d'œuvres extérieures, quand l'âme est fatiguée des exercices spirituels.

1. J.-C. Mon fils, vous ne sauriez sentir toujours une égale ardeur pour la vertu, ni vous maintenir sans relâche dans un haut degré de contemplation; mais il est nécessaire, à cause du vice de votre origine, que vous descendiez quelquefois à des choses plus basses, et que vous portiez, malgré vous, et avec ennui, le poids de cette vie corruptible.

Tant que vous traînerez ce corps mortel, vous éprouverez un grand dégoût et l'angoisse du cœur.

Il vous faut donc, pendant que vous vivez dans la chair, gémir souvent du poids de la chair, et de ne pouvoir continuellement vous appliquer aux exercices spirituels et à la contemplation divine.

1 Matth., XI, 26.

2. Cherchez alors un refuge dans d'humbles occupations extérieures, et dans les bonnes œuvres une distraction qui vous ranime: attendez avec une ferme confiance mon retour et la grâce d'en haut souffrez patiemment votre exil et la sécheresse du cœur, jusqu'à ce que je vous visite de nouveau, et que je vous délivre de toutes vos peines.

Car je reviendrai, et je vous ferai oublier vos travaux et jouir du repos intérieur.

J'ouvrirai devant vous le champ des Ecritures, afin que votre cœur, dilaté d'amour, vous presse de courir dans la voie de mes commandements1.

Et vous direz Les souffrances du temps n'ont point de proportion avec la gloire future qui sera manifestée en nous.

RÉFLEXION.

Contempler Dieu et l'aimer, le contempler et l'aimer encore, voilà le Ciel. L'âme, ici-bas, en reçoit quelquefois un avant-goût. Alors, élevée au-dessus d'elle-même, elle se sent pleine d'ardeur, et enivrée de joie, elle dit: Il nous est bon d'étré ici 3. Mais bientôt arrive le temps de l'épreuve: il faut descendre du Thabor, et marcher dans le chemin de la Croix. Heureuse l'âme qui, dans le dénûment, l'aridité, les souffrances, demeure en paix, sans se laisser abattre et sans murmurer; qui, fidèle à Jésus mourant, le suit avec courage sur le Calvaire; et après avoir partagé le banquet de l'époux, prêté à partager son sacrifice, s'écrie comme un des Apôtres : Et nous aussi, allons et mourons avec lui !

1 Ps. CXVIII, 32. 2 Rom., VIII, 18. - 3 Matth., XVII, 4. — 4 Joann., x1, 16.

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