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notre salut, la pénitence est l'une des plus efficaces, des plus certaines et des plus véritables, soit que nous la considérions comme vertu, ou comme sacrement. Nous devons imiter dans la nôtre celle de sainte Madeleine qui a été prompte, intérieure, extérieure et persévérante.

Un autre moyen de s'assurer du salut est de connaître et d'aimer Jésus-Christ sur toutes choses, ce qui est le comble et la perfection de la vertu d'un chrétien. Il faut l'aimer d'un amour qui imite celui de sainte Madeleine. Vous nous avez prouvé que cette véritable amante l'avait aimé avec reconnaissance, avec force, courage et ferveur, d'un amour durable et constant. Ne pouvant pas l'aimer autant qu'il le mériterait, il faut l'aimer suivant la connaissance que nous avons de ce qu'il a fait pour nous. Nous ne devons apporter aucune négligence à l'aimer, mais il faut, comme sainte Madeleine, l'aimer fortement, courageusement, ardemment, avec persévérance et jamais d'un amour lâche et inconstant.

Vous avez fini le cinquième sermon de cette semaine, et le dernier sur la science de bien vivre, en nous montrant qu'il est nécessaire d'aimer cet adorable Sauveur, parce qu'il est aimable, parce qu'il fait le bonheur des Saints dans le ciel, et parce que c'est la volonté expresse de Dieu, qui prononce anathème contre ceux qui ne l'aimeront pas.

Dans la sixième et dernière semaine, vous nous avez appris, Monseigneur, l'art de bien mourir, qui consiste en trois dispositions que nous devons apporter à la mort la première doit la précéder; la seconde doit l'accompagner; et la troisième doit suivre l'instant de la mort.

Avant la mort, nous devons régler nos affaires spirituelles et temporelles, dispone domui tuæ. Il faut le faire avec justice, sagesse et miséricorde, avec un esprit libre; il faut le faire nous-même et sans délai.

Lorsque la mort nous menace, il faut la prévenir par la pénitence, par les bonnes œuvres, par des actions saintes et chrétiennes, par une confession sincère et véritable, après avoir examiné nos consciences dans le passé, dans le présent et dans l'avenir, recogitabo tibi annos meos in amaritudine animæ meæ.

La disposition qui doit suivre l'instant de la mort consiste dans la préparation à ce moment redoutable, vigilate, estote parati. Nous

avons pour cela deux moyens assurés : le premier est de nous détacher de ce monde, et de n'avoir plus de pensée et d'affection que pour l'éternité. Le second est de nous munir de ce qui peut plus sûrement nous conduire dans la Jérusalem céleste. Nous nous détachons de ce monde mortel, par le sacrement de l'Extrême-Onction qui nous soulage, lave et nettoie les restes de nos péchés, et nous fortifie contre tout ce qui peut nous retenir à la terre. Nous nous munissons de tout ce qui peut nous aider à arriver au ciel, par le saint Viatique qui n'a jamais été interdit par l'Église à aucun fidèle, mais toujours conseillé à tous, parce que c'est la voie, la vérité et la vie, via, veritas et vita, qu'il faut désirer, demander et recevoir avec empressement.

Le jour du Vendredi-Saint, après nous avoir rapporté les plus saintes pensées des Pères, sur les causes et les motifs de la mort de Notre-Seigneur, qui est la mort du juste, ecce quomodo moritur justus; vous nous avez appris à chercher si nous ne sommes pas du nombre de ceux dont l'Écriture dit: et nemo est qui recogitet corde. Nous ne sommes pas de ces malheureux, si nous compatissons à ce qu'a souffert cet aimable Sauveur, si nous sentons ses souffrances et si nous avons horreur du péché,

Le jour de Pâques et le lendemain, vous nous avez enseigné qu'étant morts et ressuscités avec Jésus-Christ, nous devons entrer comme lui dans une nouvelle vie, et qu'il faut y persévérer en suivant la voie qu'il nous a tracée, et l'exemple qu'il nous a donné luimême.

L'assurance que nous vous donnons, Monseigneur, de notre pleine et entière instruction dans la science du salut, et des dispositions où nous sommes de la mettre en pratique, est la seule récompense que vous attendez de nous. Nous prenons néanmoins la liberté de vous présenter ce chef du grand Saint Jean-Baptiste, non comme une récompense que nous prétendions vous offrir, mais comme un témoignage de notre reconnaissance.

Nous ne pouvons rien vous présenter qui corresponde mieux au grand bien que vous nous avez fait.

Vous nous avez donné la parole de Dieu, nous vous en donnons la voix. Vous croyez que cette parole de Dieu a parlé à nos cœurs, et y produira d'heureux changements; nous croyons de même que cette voix de Dieu se fera entendre à vos oreilles dans la chaire de vérité, et donnera une telle onction à tout ce que vous prêcherez aux fi

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dėles, qu'ils ne croiront plus entendre que cette voix de Dieu par votre bouche.

Dieu veuille, Monseigneur, que sa parole et sa voix opèrent en vous et en nous ces deux grâces si particulières. C'est ce que nous ne cesserons de lui demander, et aussi qu'il vous conserve et vous comble de toutes sortes de bénédictions.

Ce sont les plus justes souhaits, Monseigneur, de vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, les P. et E. D. L. V. D'A. (1).

HENRI FEYDEAU DE BROU,

Soixante-dix-huitième Évêque (2).

Henri Feydeau de Brou, évêque d'Amiens, était fils d'Henri Feydeau, seigneur de Brou, conseiller au parlement, et de Marie Rovillé, sœur de Jean Rovillé, comte de Meslay, conseiller d'État, et de N. Rovillé du Coudray, maître des requêtes, autrefois intendant en Picardie.

(1) Bibliothèque d'Abbeville.

(2) Nous avons trouvé à la bibliothèque de l'évêché, dans un recueil manuscrit in-folio de pièces fort disparates, une vie de M. Feydeau de Brou, sans aucune indication d'auteur. Cette vie est suivie de cinq mémoires, sous ces titres :

1o. Projet de M. l'Évêque d'Amiens pour l'instruction de son diocèse; ce qu'il a exécuté de ce projet, et où il en est resté. (On y a ajouté, d'une autre écriture: Ex libris monasterii S. Richarii Centulensis, ordinis S. Benedicti, congregationis S. Mauri. 1744. S.S. 18.)

2o. Instruction des ecclésiastiques

3o. Moyens dont M. l'Évêque d'Amiens se servait, pour avoir en tout temps une connaissance exacte de l'état de son diocèse.

4o. Mémoire des charités que faisait M. l'Évêque d'Amiens.

5o. Relation abrégée de la maladie et de la mort de M. l'Évêque d'Amiens.

Nous avions d'abord eu le projet d'imprimer entièrement ces cinq mémoires. L'intérêt avec lequel le clergé du diocèsé en avait écouté la lecture, dans une des dernières retraites pastorales, nous persuadait de son empressement à les accueillir. Mais comme ils se composent de 150 pages in-folio, nous avons du renoncer à cette première intention. Nous nous contentons d'imprimer ici la vie, et d'y faire entrer, en suivant le cours des évènements, une courte analyse de cos divers mémoires, avec le regret de ne pouvoir reproduire le ton de piété qui y règue, et les notions qu'on y trouve sur les habitudes du clergé et des fidèles du diocèse à cette époque.

La famille des Feydeau est d'une ancienne noblesse originaire de la Marche

Henri Feydeau de Brou naquit à Paris le 13 juin 1643. Il fut baptisé daus l'église de Saint-Médéric. Nicolas l'Avocat, Maître des Comptes, fut son parrain, et Anne Charpentier, veuve de Charles Feydeau, aussi Maître des Comptes, fut sa marraine.

Il fit ses humanités et sa philosophie au collége du Plessis, et après avoir achevé ses études et sa licence, il prit le bonnet de docteur en théologie de la faculté de Paris, le 2 août 1678.

Dès l'année précédente, il avait succédé, dans la charge d'aumônier du Roi, à Charles le Goulx de la Berchère, alors évêque de Lavaur et ensuite archevêque de Narbonne. En 1675, il avait assisté, comme député du second ordre de la province de Bourges, à l'assemblée générale du clergé, tenue à Saint-Germain-en-Laye.

En 1685, il prêcha l'Avent devant le Roi. Après son premier sermon, Louis XIV lui disant qu'il l'avait entendu avec un vrai plaisir, et lui demandant s'il pourrait continuer le reste de l'Avent avec la même force, il répondit qu'il l'espérait. Le succès répondit à cette espérance: le Roi et toute la cour parurent pleinement satisfaits.

Le jour de la Pentecôte, 18 mai 1687, le Roi étant à Verdun, le nomma à l'évêché d'Amiens, vacant par le décès de François Faure, mort subitement à Paris.

La France était alors en mésintelligence avec Rome, par suite de ce qui s'était passé dans l'assemblée du clergé de 1682. M. Feydeau de Brou ne put obtenir ses bulles. Le chapitre le choisit pour grand-vicaire pendant toute la vacance du siége, et il en exerça les fonctions jusqu'en 1692.

Pendant son séjour à Amiens, en qualité de vicaire-général, il reçut, le 6 janvier 1689, Jacques II, Roi de la Grande-Bretagne, chassé de ses États par ses sujets rebelles. Il avait été, le premier jour du même mois, rendre ses devoirs à la Reine, son épouse, et au jeune prince de Galles, qui avaient passé à Abbeville, en quitttant l'Angleterre.

Dans la même année, il prononça l'oraison funèbre de MarieLouise d'Orléans, Reine d'Espagne, au service solennel que le Roi fit faire pour elle à Notre-Dame de Paris. Au mois de mai 1690, il

assista, au nom du chapitre, le siége étant toujours vacant, à l'assembléc provinciale de Reims.

Ses bulles lui furent cufin expédiées, et il fut sacré dans l'église des Feuillants, à Paris, le 31 août 1692, par Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, assisté de Jean d'Estrées, évêque de Laon, et de Fabio Brulart de Sillery, évêque de Soissons. Il prit possession de son évêché en personne le 24 octobre, l'ayant déjà fait prendre par procureur le 4 septembre précédent.

<< Il connaissait parfaitement le diocèse, qu'il gouvernait depuis cinq ans, en qualité de grand-vicaire, et il se consacra à sa sanctification avec un dévouement et un zèle que rien ne rebuta.

Pour avoir toujours sous les yeux les renseignements les plus utiles, il avait composé trois recueils qui le suivaient partout.

Le premier portait le nom de tous les curés, avec des notes précises sur leurs antécédents, leur caractère, leur capacité.

Le second renfermait les noms, avec des notes analogues, de tous les prêtres, des clercs et des maîtres d'école du diocèse.

Chaque année, après sa visite et après son synode, il modifiait ces deux listes, selon que l'expérience ou des renseignements nouveaux le demandaient.

Le troisième recueil contenait en abrégé, et par ordre d'archidiaconés et de doyennés, l'état de toutes les paroisses, sous le rapport matériel et spirituel, et les notes nécessaires pour une plus exacte répartition des taxes imposées à chaque bénéfice, en faveur de la chambre diocésaine.

Son premier soin se porta sur l'instruction du clergé. Il établit dans son palais des conférences hebdomadaires en faveur de ceux qui aspiraient à la tonsure. On y expliquait le catéchisme du dio~ cése, le catéchisme du Concile de Trente, le Nouveau Testament et les devoirs des clercs.

D'autres conférences se tenaient également chaque semaine, dans le même lieu, pour les jeunes théologiens qui suivaient le double cours de théologie chez les Jésuites et les Jacobins. Le prélat présidait souvent les unes et les autres. Il y discutait quelquefois avec les candidats pour les encourager; il les reprenait, et s'appliquait à y discerner les meilleurs sujets.

Pour aider les pasteurs des âmes à bien s'acquitter de leur ministere, il publia un catéchisme court, net et précis; il fit préparer

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