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N'epargne rien; voilà, mignonne,
Vingt écus blancs.

Il part. Le Marchand, en filence,

L'écrin montroit,

Qu'Alix avec indifférence

Confidéroit;

Chaque fois qu'il offre à la Dame,
Perle ou faphir,

Chaque fois du fond de fon ame
Sort un foupir.

En lui toutes fleurs de jeuneffe
Apparoiffoient;

Mais longue barbe, air de trifteffe
Les terniffoient.

Si de jeuneffe on doit attendre
Beau coloris,

Pâleur qui marque une âme tendre
A bien fon prix.

Mais Alix, foucieufe et fombre,
Rien ne voyoit,

Pourtant, aux longs foupirs fans nombre,

Qu'il répétoit:

D'où lui vient, dit- elle en foi-même,

Tant de chagrins?

Ah! s'il regrête ce qu'il aime,

Que je le plains!

Las! qu'avés-vous qui vous foucie,
Comme je vois?

Si c'eft d'aimer, je vous en prie,
Dites-le-moi!

Eh! que fert de conter, Madame,
Un deplaifir,

Qui jamais, jamais de mon ame
Ne peut fortir?

Il n'eft qu'un tréfor dans le monde,

Je le connois,

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Long-tems en espoir je me fonde
Que je l'aurois;

Et plus mon amitié ravie
Crût l'obtenir,

Tant plus j'aurois donné ma vie
Pour le tenir.

Le voir cent fois dans la journée
Me plaifoit tant,

Je l'emportois dans ma pensée
En le quittant,

Lorsqu'un lutin, par grand rancune,
Vint l'enlever,

Puis d'un autre en fit la fortune'
Pour m'en priver.

Dirai-je ma douleur profonde,
Quand je l'appris?

Pour m'en aller au bout du monde
Me départis;

Non qu'un inftant en moi je penfe
De l'oublier.

Mais pour mourir de ma conftance
A le pleurer.

Marchand, eft-ce or en broderie
Que ce tréfor?

Madame, helas! ce que j'envie

Surpaffe l'or.

Sont-ce rubis? J'aurois fans peine

Rubis perdus.

C'est donc le trouffeau de la Reine?

Ah! c'eft bien plus!

Depuis qu'on vint, par grand dommage,

Me le ravir,

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Moncrif.

Ne tardés pas, j'en meurs d'envie,

Armenien,

De cette image tant chérie

Je voye enfin.

I.ors, avec un foupir qu'il jette,

Plus loin encor,

De fon fein tire une tablette
Dans du drap d'or.

Alix foudain prit la dorure
La déplia,

Sur la tablette, en écriture,
Ces mots trouva:

Ici je contemple, à toute heure,
Dans les foupirs;

Je garde tout ce qui demeure
De mes plaifirs.

Alors Alix la tablette ouvre

Tant vîtement:

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Moncrif.

Mais ne mourés pas, je vous prie,
Partés pourtant.

Voulant, pour complaire à fa Mie,
Partir foudain,

Avant que pour jamais la fuie
Lui prend la main.
L'Epoux furvient. A cette vûe
Tout en fureur,

Leur a d'une bague pointue
Percé le coeur.

Alexis meurt, Alix mourante
Les yeux baiffés,

Dit: Je peris, mais innocente,
Ce m'eft affés.

Mon Epoux, votre jalousie
Verie mon fang:

Sans regret je quitte la vie,
En vous plaignant.

Depuis cet acte de la rage,
Tout effrayé,

Dès qu'il eft nuit, il voit l'image
De fa moitié,

Qui, du doigt montrant la blessure
De fon beau fein,

Appelle avec un long murmure
Son affafin.

Aprés fi trifte tragédie

Tout lage Epoux

Ne peut, de fa moitié chérie,

Etre jaloux;

S'il trouve un Marchand d' Armenie

Prenant fa main,

Il dit: C'eft qu'on le congédie;

J'en fuis certain.

Se

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