Page images
PDF
EPUB

Le tableau de la page 15 constitue une confirmation pleine et entière des conclusions auxquelles nous étions arrivé par nos expériences de 1889, savoir: intervention manifeste de l'azote atmosphérique dans la nutrition du lupin. La balance des apports et des pertes en azote se solde, en effet, sans exception, dans nos huit essais, comprenant chacun quatre pots, par un gain sensible. Ce gain augmente, comme nous l'avions également constaté, lorsqu'on rend possible une plus fore production de substance organique en pourvoyant le milieu de culture d'une copieuse fumure en éléments minéraux assimilables.

Tout en produisant dans ce cas (voyez tableau, p. 1D) des plantes d'un titre centésimal inférieur en azote, le poids de m masse végétale monte dans une si forte proportion que le pods de l'azote y contenu est supérieur à celui que l'on retten, dans la récolte produite dans un milieu de culture pauvre, a additionné d'engrais minéraux.

Mais le résultat le plus important acquis par cette nouv étude est la démonstration de l'intervention de l'azote atmosphérique non seulement dans la végétation du lupin et dit haricot, mais aussi dans celle de l'orge. Ces plantes appartena respectivement aux papilionacées et aux graminées, fami abotaniques occupant une place si distincte dans l'échelle ve tale, nos conclusions peuvent être considérablement élarga et généralisées. De plus, ce qui est capital, les graminées étant des végétaux dont le système radiculaire est exempt de nodesités organes spéciaux, dans lesquels tous les auteurs ayaa contribué dans les dernières années à la solution de la question voient le siège de l'absorption de l'azote atmosphérique, -ces nodosités ne peuvent constituer la cause générale du phénomène, mais seulement une cause spéciale, où il se manifeste aver une intensité particulière. C'est ce que M. Franck avait déjà supposé; c'est ce que nous aussi avons fait entrevoir dans notre premier mémoire 1.

↑ Loc. cit., p. 21. TOME XLVII.

On doit convenir que la démonstration de l'intervention de l'azote atmosphérique dans la végétation d'une graminée (plante + sol) oblige à envisager autrement que par le passé la question qui fait l'objet de cette étude.

Mais avant de pousser plus loin les conséquences qui découlent de cette démonstration, examinons si les essais dans les cases de végétation nous amènent aux mêmes conclusions, et abordons le second problème que nous nous sommes posé: Le gain en azote constaté dans nos recherches est-il dû à la présence d'azote combiné et diffusé dans l'atmosphère ou doit-il être attribué à l'azote élémentaire?

C'est ce que nous allons faire dans le chapitre suivant.

SÉRIE II.

Pour décider si le gain en azote constaté dans nos essais avec le lupin, le haricot et l'orge a son origine dans l'utilisation des traces d'ammoniaque diffusée dans l'atmosphère ou dans celle de l'azote élémentaire, soit par assimilation directe par la plante, soit par absorption par les micro-organismes du sol, il faut évidemment : 1° produire ces plantes dans une atmosphère exempte d'azote combiné, et 20 établir avec précision les apports et les pertes en azote qui peuvent intervenir dans le cours de leur végétation.

Les très sérieuses difficultés matérielles que rencontre la réalisation d'une pareille expérience permettent seules d'expliquer pourquoi cette question capitale n'a pas encore obtenu jusqu'à ce jour une réponse définitive, quoique Boussingault ait montré, depuis longtemps déjà, la voie à suivre.

Ces difficultés sont d'autant plus grandes que l'on veut opérer, non sur un ou quelques sujets élevés sous une cloche, pour se trouver finalement en présence d'une perte ou d'un gain de quelques milligrammes d'azote, mais sur un nombre

de sujets d'essai assez considérable pour obtenir un résultat dont l'importance numérique l'élève au delà des erreurs inévitables de l'expérimentation et l'impose en quelque sorte aux conclusions du rapporteur.

Nous croyons avoir réalisé une installation qui permet la solution du problème énoncé.

La planche jointe à ce travail représente, dans son ensemble, la disposition adoptée; la légende explicative permettra de se rendre aisément compte de la construction et de la marche de l'appareil; quelques explications de détail sont cependant nécessaires.

C'est dans des cases de végétation maçonnées 2 que nous avons exécuté la seconde série des expériences de 1890, comme nos expériences de 1889.

Les plantes d'essai devant être élevées dans une atmosphère dépouillée de combinaisons azotées, nous avons fait construire une grande cage vitrée de 7,20 de longueur, de 1,20 de largeur et d'une hauteur moyenne de 1",10, la toiture ayant une légère pente d'arrière en avant. Cette cage couvrait entièrement les cases de végétation, en formant six compartiments distincts, parfaitement fermés et isolés, chacun d'un volume d'air de 1m3,592. L'encadrement a été construit avec le plus grand soin en pitch-pin 3; il s'appliquait exactement

1 Dans les expériences de M. Ville, faites sous le contrôle de MM Dumas, Regnault, Péligot et Chevreul, délégués de l'Académie de Paris, les différences entre l'azote des graines (a) et l'azote de la récolte (b) étaient les suivantes :

[blocks in formation]

* Voyez dessin et description: Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale de Belgique, 1889, t. XLIII.

On eût pu objecter à l'emploi d'un encadrement métallique que celui-ci eût soustrait les plantes d'essai à la tension électrique à laquelle M. Berthelot attribue la possibilité d'une combinaison directe de l'azote avec les principes ternaires des végétaux.

aux bordures des cases en pierre de taille, préalablement recouvertes d'une couche de mastic de vitrier. Grâce au poids considérable de la cage entièrement garnie (600 kilogrammes environ), le mastic se fixant dans tous les interstices a donné une fermeture hermétique. Les glaces, de 4 à 5 millimètres d'épaisseur, ont été également placées et mastiquées avec le plus grand soin; toute la boiserie a été, à plusieurs reprises, imprégnée d'huile de lin et recouverte de deux couches de couleur. Pendant la durée de l'expérience, on a entretenu en bon état la boiserie et les joints en appliquant de temps à autre une couche de couleur. Nous verrons plus loin quel résultat nous avons obtenu quant à l'étanchéité de la cage.

L'arrosage a été réalisé à l'aide d'un serpentin en plomb étamé, soudé à un robinet en cuivre, vissé dans l'encadrement. Une tubulure en cuivre, dépassant le robinet, permettait d'y adapter un entonnoir. Toujours remplie d'eau, cette tubulure empêchait la rentrée d'air au moment de l'arrosage et permettait de s'assurer de la parfaite étanchéité des robinets. D'autre part, l'entrée de l'air par le tuyau de drainage de chaque case a été rendue impossible, en allongeant ce tuyau de manière à pouvoir le plonger dans le contenu des récipients, réalisant ainsi une fermeture hydraulique.

Les cases ont été mises en communication par un système de tuyaux en fonte de 8 centimètres de diamètre intérieur, d'une part avec un aspirateur d'air, d'autre part avec des laveurs en grès que nous avons fait construire spécialement. Le tuyau d'arrivée d'air, d'un calibre en rapport avec celui de la tuyauterie en fonte, descendait presque jusqu'au fond du laveur; le tuyau de sortie s'ajustait an tuyautage en fonte par un manchon soigneusement luté. Le jointage des canaux en fonte a été obtenu par le joint-caoutchouc des thermo-siphons. Leur adaptation à l'encadrement des cages s'est faite à l'aide de boulons comprimant une rondelle en caoutchouc.

Le volume intérieur de chaque laveur était de 48 litres. Les deux laveurs du premier système ont été remplis avec de la pierre-ponce, en morceaux de la grosseur d'un œuf, et

imprégnée d'acide sulfurique à 50 % pour le premier et à 12.5% pour le second. Par cette disposition, l'air privé de son humidité dans le premier laveur, la reprenait dans le second. Les deux laveurs du second système renfermaient simplement des fragments de quartzite. Cette disposition a été adoptée pour obtenir dans les deux systèmes à peu près la même résistance au passage de l'air; le quartzite a été substitué à la pierre-ponce, afin d'éviter toute objection au sujet d'une condensation éventuelle dans les pores de cette dernière, des traces de carbonate et de nitrate d'ammoniaque.

Telle est la construction de notre appareil. En supposant maintenant les cases de végétation remplies d'un milieu de culture pauvre en azote, mais richement pourvu d'acide phosphorique, de potasse, de chaux et de magnésie, dans lequel poussent les plantes à l'essai, on reconnaît que celles des cases I, II et III végètent dans l'air normal, et celles des cases IV, V et VI dans l'air dépouillé de combinaisons azotées. Les essais ayant porté, comme ceux exécutés dans la serre, sur l'orge, le haricot et le lupin, le tableau schématique suivant représente le plan de notre étude :

[blocks in formation]

On reconnaît que notre appareil de grandes dimensions ressemble en principe à l'appareil classique de Boussingault. Il existe pourtant une différence sur l'importance de laquelle nous ne saurions trop insister, car elle nous expliquera les conclusions tout autres auxquelles nous arriverons. C'est que le milieu de culture employé par Boussingault a été soumis à la calcination, et était par conséquent exempt de matières organiques en général et particulièrement des micro-orga nismes du sol.

« PreviousContinue »