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LA QUESTION DE L'AZOTE.

SECONDE NOTE.

Dans un premier mémoire que nous avons eu l'honneur de présenter à la Classe des sciences de l'Académie royale, nous étions arrivé à tirer de nos recherches les conclusions suivantes :

1o Lorsqu'on élève des plantes de lupin jaune dans du sable renfermant les bactéries du sol, mais très pauvre en éléments nutritifs, placé dans des cases de végétation disposées de façon à pouvoir dominer toutes les conditions de l'expérience, et lorsqu'on établit avec précision le taux de l'azote contenu dans. le sable, avant et après l'essai, dans la semence, dans les eaux de pluie et de drainage et dans la récolte, on constate finalement, partie aérienne, racines et sol considérés dans leur ensemble, un gain important en azote, dû à l'intervention de l'azote atmosphérique.

2o Ce gain augmente avec la quantité de substance organique produite. Dans nos essais, il monte au triple lorsqu'on ajoute une fumure minérale seule. Le phénomène existe même lorsqu'on met à la disposition du lupin une abondante fumure de nitrate de soude. Ce gain est masqué par une perte en azote élémentaire due à la nitrification de l'ammoniaque et

1 Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale de Belgique, coll. in-8°, t. XLIV, 1889. Commissaires : MM. Stas, Spring et Henry.

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de l'azote organique dans le cas où l'on remplace le nitrate de soude par une quantité équivalente d'azote sous forme de sulfate d'ammoniaque ou de sang desséché.

3o Contrairement à l'opinion de quelques auteurs, le lupin, dans nos essais, a absorbé et assimilé, c'est-à-dire utilisé à la production de la substance organique, l'azote qui lui a été fourni comme engrais.

4o Les tubercules radicaux du lupin sont sensiblement plus riches en azote que le reste de la plante, tout particulièrement dans les essais qui se sont soldés par un gain en azote. Cette observation ne peut cependant être utilisée à l'appui de la thèse consistant à voir dans la présence des nodosités ou des microbes qui les habitent la cause exclusive de l'assimilation de l'azote atmosphérique: a. parce que le gain en azote ne porte pas seulement sur la plante, mais aussi sur le sol; b. parce que des gains en azote, par l'enrichissement du sol, ont été obtenus dans la culture de plantes ne possédant pas de tubercules radicaux.

5 La culture pure prouve l'identité des micro-organismes du sol qui a produit le lupin et de ceux rencontrés dans les nodosités radicales de cette plante.

Avant de rendre compte des expériences effectuées dans le courant de l'été 1890, nous tenons à constater que la démonstration de l'intervention de l'azote atmosphérique dans la nutrition végétale vient de recevoir une nouvelle confirmation par des essais entrepris en Angleterre, par MM. Lawes et Gilbert 1.

1 New Experiments on the question of the fixation of free nitrogen, présentés à la Royal Society oF LONDON. Janvier 1890.

L'intervention de l'azote élémentaire dans l'alimentation des légumineuses est du reste définitivement acquise à la science depuis qu'elle a été démontrée, non seulement par voie indirecte, mais aussi par voie directe. (SCHLOESING fils et LAURENT, Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris. Séance du 17 novembre 1890). Note ajoutée pendant l'impression.

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Il en est de même en ce qui concerne la nature microbienne des nodosités radicales de certaines légumineuses, laquelle nous paraît absolument démontrée par les remarquables travaux de M. Prazmowsky, de l'Académie de Cracovie 1, qui a réalisé la production des nodosités par l'inoculation de cultures pures, vierges de microbes étrangers, à des plantes élevées dans des solutions nutritives, et par les expériences de M. Laurent, faites en 1890 2.

Quant au troisième point de nos conclusions, l'assimilation et l'utilisation de l'azote nitrique, même par des plantes garnies de nodosités, en contradiction avec l'opinion de plusieurs auteurs, il a été également observé par M. Laurent. Sous ce rapport, la planche accompagnant l'étude faite par lui sur le pois et celle figurant nos essais sur le lupin cadrent absolu

ment.

Si les divers expérimentateurs étudiant l'intervention de l'azote sous ses différentes formes dans l'alimentation végétale diffèrent encore sensiblement d'opinion sur la vie des microbes des nodosités et sur le rôle qu'ils y jouent, et si particulièrement M. Laurent, dans son travail cité, fait ses réserves sur la «< croissance rapide » des bactéries que nous avons isolées, et sur la « facilité » avec laquelle M. Bréal a réussi à les cultiver, ces divergences n'atteignent pas la question de principe.

De nouvelles recherches ne tarderont pas à éclaircir les points controversés.

L'essentiel, c'est qu'on est bien d'accord sur la présence des bactéries dans les nodosités et sur leur identité avec celles du sol ayant produit la plante mère. C'est ce que nous avons soutenu à la suite de nos recherches antérieures 3.

Conformément à l'intention exprimée à la fin de notre premier mémoire, nous avons poursuivi nos recherches en 1890.

Landwirthschaft. Versuchsstationen, 1890.

2 Bulletin de l'Académie des sciences, t. XIX, juin 1890.

Loc. cit., pp. 18 et 21.

Nous avons répété d'abord les essais de l'année précédente avec une autre légumineuse que le lupin étudié en 1889, le haricot, et ensuite avec une graminée, l'orge, végétal dont le système radiculaire est exempt de nodosités.

Le problème à résoudre dans cette première série d'expériences peut être ainsi posé : Dresser le bilan des apports et des pertes en azote qui se constatent dans la végétation du haricot et de l'orge, réalisée dans des conditions parfaitement déterminées, entièrement sous la domination de l'expérimentateur.

Nous avons poussé plus avant nos investigations dans la deuxième série d'expériences, en abordant un des problèmes les plus délicats et les plus importants de la nutrition végétale : le gain d'azote constaté, en 1889, dans la végétation du lupin et, en 1890, dans celle du haricot et le l'orge, est-il dû exclusivement à la présence d'azote combiné et diffusé dans l'atmosphère, ou doit-on admettre une intervention de l'azote élémentaire?

Nour remercions tout particulièrement M. Graftiau, chef des travaux chimiques à la station agronomique, du concours intelligent et dévoué qu'il nous a prêté dans l'organisation et . l'exécution des recherches dont nous allons rendre compte.

MM. les assistants de Marneffe et Michel ont également pris une large part dans la surveillance des expériences et dans le travail analytique considérable que celles-ci ont exigés.

SÉRIE I.

Le principe et la méthode d'expérimentation qui forment la base de notre Contribution à la question de l'azote ont été exposés en détail dans notre premier mémoire 1. Il en a été de même pour les procédés d'analyse employés 2.

↑ Loc. cit., pp. 4 et 5.

2 Loc. cit., pp. 10, 11 et 16.

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