OBSERVATIONS SUR CE TROISIÈME VOLUME. Avec cette troisième partie se termine le Catalogue de la bibliothèque de M. Silvestre de Sacy. Comme je l'avais annoncé, les classes comprises en ce volume sont les sciences sociales, les sciences historiques et la polygraphie. Ainsi se complète le cadre de mes divisions bibliographiques. J'avais fait remarquer précédemment que ma classification avait pour base cette grande trilogie à laquelle aboutissent tous les objets des connaissances humaines: Dieu, la nature et l'homme 1. J'ajouterai aujourd'hui que l'ordre de ces trois groupes ne peut être arbitraire, puisque, en dernière analyse, ils se réduisent à deux : le Créateur et la création. Or, il est évident que la cause doit précéder l'effet. Le premier rang ainsi fixé, que l'on parcoure, dans l'ordre progressif d'organisation, la série des êtres créés; on se trouvera 1 Je ne serais pas revenu sur ce sujet si l'auteur d'une brochure, publiée il y a quelques mois sous le titre de: Recherches sur les principes fondamentaux de la classification bibliographique, n'avait cru pouvoir se regarder comme le premier qui ait fait de la division ci-dessus la base d'un système bibliographique. (Voir la note à la fin de ces observations.) conduit forcément de la nature inorganique à la nature organisée, de celle-ci aux êtres animés, et enfin à l'homme occupant parmi ces derniers le plus haut degré de l'échelle. Si l'on étudie l'homme à son tour, ne sera-t-il pas logique de le considérer d'abord dans sa nature physique, par laquelle il tient aux espèces qui le précèdent, dans ses facultés morales et intellectuelles, conditions premières de l'état social, et, en dernier lieu, dans cet état social lui-même? Voilà la clef de mon système, où, comme on le voit, tout s'enchaîne sans incertitude et sans effort, où nulle place n'est indifférente, où les rangs sont fixés par la nature elle-même et tellement invariables, que la moindre transposition dans les anneaux principaux entraînerait la rupture de la chaîne. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet; je reviens à ce volume. On y trouvera les diverses sciences qui concernent la société humaine, tant sous le rapport de son organisation, de sa conservation, de son bien-être, que sous le point de vue historique. Sous le titre de Sciences sociales, j'ai réuni la politique, l'économie politique et la jurisprudence. J'y ai joint l'art militaire, que, nonobstant les objections du savant auteur du Manuel du libraire, je persiste å regarder comme une science sociale. C'est à la société seule, en effet, que l'art militaire doit son existence et son utilité. Y aurait-il des armées, s'il n'y avait pas association d'hommes, et le but de cette force n'est-il pas d'assurer aux sociétés l'ordre à l'intérieur et la paix au dehors ? Classer l'art militaire parmi les sciences mathématiques, c'est prendre pour caractère principal une circonstance accessoire. Pour la classification, le caractère distinctif d'une science doit se tirer, je pense, de l'objet dont elle s'occupe, si cet objet est simple; s'il est complexe, c'est le but ou l'usage auquel cette science est destinée, qui doit servir de point de départ. Il en est de même des livres; c'est dans le sujet seul que se doit puiser le caractère propre au classement; la forme littéraire ne peut en servir que dans les circonstances où le fond s'efface devant la forme, comme il arrive dans la poésie. Fidèle à ces principes, j'avais, dans le volume précédent, placé à la morale, les proverbes, ainsi que les fables; dans celui-ci, j'ai réuni les voyages1 spéciaux à la géographie des pays qu'ils décrivent, et les voyages généraux m'ont fourni une division de la géographie universelle; quant à la géographie particulière, elle a été reportée à chaque contrée. C'est par le même motif qu'aux sciences auxi 1 J'ai eu soin d'indiquer l'époque où ces voyages ont été entrepris. Les lecteurs qui demandent à cette classe de livres des notions précises de géographie, de statistique ou d'histoire, sentiront facilement l'utilité de cette indication. liaires de l'histoire j'ai ajouté l'archéologie, dont l'étude n'est pas moins nécessaire à la connaissance de l'histoire que celle de la géographie et de la chronologie. Une autre innovation dont je dois rendre compte est le classement de la diplomatique dans l'archéologie. Je crois fermement que c'est là la véritable, la seule place de cette science. Qu'est-ce, en effet, que la diplomatique? L'art de lire l'écriture des chartes. Sans doute; mais c'est aussi celui d'en comprendre les textes, d'en reconnaître l'authenticité. Et les chartes elles-mêmes que sont-elles, sinon, comme les inscriptions et les médailles, les monuments où l'histoire puise ses éléments les plus positifs, les plus certains? Je n'ajouterai plus qu'un mot au sujet du classement que j'ai adopté, c'est que, en raison de la spécialité de la bibliothèque, j'ai cru devoir diviser l'archéologie en archéologie européenne et archéologie orientale, d'où il résulte que les inscriptions et les médailles des nations de l'Orient se trouvent complétement séparées des monuments de ce genre appartenant aux peuples de l'Europe ancienne et moderne. Aux titres des matières que comprend ce volume, on peut reconnaître que, non moins intéressant pour les orientalistes que les parties précédentes, il s'adresse beaucoup plus que ses aînés à toutes les classes de lecteurs. Politique, économie politique, jurisprudence et sciences historiques, ce sont là aujourd'hui les études les plus répandues et les plus nécessaires avec les formes nouvelles de gouvernement. Et les voyages, dont cette bibliothèque est si riche, quelle lecture offre à tous plus d'attraits que ces narrations animées où l'intérêt du drame et du roman se trouve si souvent uni à la vérité de l'histoire! Le temps n'est pas loin, peutêtre, où pour se réhabiliter des horreurs et des immoralités du roman quotidien, le feuilleton demandera au voyageur lointain ses aventures, ses émotions, ses découvertes. Je devrais peut-être m'arrêter ici et laisser à chaque lecteur le soin et le plaisir de découvrir lui-même ce qui, dans la spécialité de ses goûts ou de ses études, peut l'intéresser davantage. Mais moi aussi j'aime les livres, et l'on résiste difficilement au plaisir de parler des objets de ses prédilections. Qu'on me pardonne donc, si je parcours encore une fois ces riches séries, et si j'en signałe en passant quelques-uns des trésors. Une des premières suites qui appellent ici l'attention est celle des livres sur les monnaies. Comme homme politique, comme conseiller à la cour des monnaies, comme antiquaire, M. de Sacy avait réuni sur ce sujet des ouvrages aussi curieux qu'utiles, sous les trois points de vue de l'économie poli |