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2o Aptitude à ouvrir ensuite largement ce territoire à tous les peuples et à l'adapter à tous les progrès.

C'est par cette double capacité qu'ils méritent le titre de «< pionniers de la civilisation » (1).

Sans doute, on trouve, en dehors de la formation particulariste, des peuples prospères. Si l'on se reporte aux explications et aux définitions que nous avons données plus haut, on comprendra aisément qu'il puisse y avoir des peuples communautaires qui jouissent d'une réelle prospérité : c'est le cas notamment de ces pasteurs nomades du plateau central asiatique que la science sociale a si souvent décrits. Mais c'est une prospérité temporaire, qui ne peut durer qu'autant que la population qui en profite reste isolée, repliée sur elle-même, sans contact avec aucun autre peuple doué d'une formation plus énergique.

Or, la caractéristique de l'âge moderne est précisément par la multiplicité des moyens de communication, l'extension et la complication croissante des intérêts communs le mélange, la fusion, ou tout au moins un contact de plus en plus fréquent, de plus en plus intime de toutes les races qui couvrent la surface

les enfants sont aptes, tout au moins, à se créer un domaine de culture, en simple ménage, dans un pays neuf. » (Voir notre brochure déjà citée, p. 77.)

(1) M. DEMOLINS, Science sociale, t. XXIX, p. 86. « Le monde anglo-saxon, dit, de son côté, M. B. Schwalm, se caractérise essentiellement par l'affluence des hommes capables vers la direction du travail et les affaires qui en résultent, soit dans la métropole, soit aux colonies, soit n'importe où. » (Science sociale, t. XVII, p. 466 bas.)

de la terre (1). Dans cette vaste mêlée de peuples, qui a pour but la conquête pacifique du globe, il est manifeste que le premier rang ne saurait appartenir qu'à ceux qui ont reçu la formation la plus vigoureuse et la plus résistante, et, par cette formation, ont été habitués plus que les autres au « travail personnel, intense et persévérant » (2).

La prospérité durable ne sera donc acquise qu'à ceux qui tendront, par un continuel effort, à se hausser au niveau des peuples les plus laborieux et les plus entreprenants (3).

Dans ces conditions, la France, si elle le veut bien peut atteindre les sommets. Le rang que la Classification sociale lui assigne lui permet toutes les ambitions : quoique fortement empreinte d'esprit communautaire, elle est cependant, à beaucoup d'égards, particula

(1) Voir G. LE BON, Psychologie du socialisme, livre IV, chap. 1: « Évolution industrielle et économique de l'âge actuel », 5e édit., pp. 225 et suiv. Cf. M. B. SCHWALM, Science sociale, t. XVII, pp. 465 bas et suiv. : « Un àge nouveau qui commence. »

(2) Voir notamment M. DEMOLINS, « Boers et Anglais » (Science sociale, t. XXVIII, pp. 319 et suiv.; t. XXIX, pp. 73 et suiv.).

(3) « Partout ce sont d'intenses courants, courants d'idées, courants de science, courants de richesses: mise en valeur du sol, des forces de la nature et des forces de l'homme. Les âges classiques qui furent grands, mais d'une autre grandeur, n'ont connu rien de pareil. On peut regretter que les temps soient changés, regretter aussi les vies doucement coulées au charme des belles choses. Ces vies-là, bien peu les connaîtront maintenant. Il faut agir, sous peine de dépérir; il faut affronter les courants, sous peine d'être laissé au rivage.comme une épave. (L. LIARD, Le Nouveau Plan d'études de l'enseignement secondaire [Paris, 1903], p. 19.) - Cf. la conclusion générale du beau livre de M. LEON POINSARD, La Production, le Travail et le Problème social dans tous les pays au début du vingtième siècle (Paris, 1907, 2 vol.), t. II, pp. 709 et suiv.

SÉRIE VI, t. v, 1907

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riste, et c'est finalement parmi les sociétés de ce dernier type qu'elle doit être placée (1). Elle n'a donc, pour réussir, qu'à développer intensément les éléments particularistes de sa formation sociale. Elle le peut si elle le veut « Ce qui doit nous donner confiance, écrit M. Demolins, c'est que la France paraît bien être la nation qui se rapproche le plus du type anglosaxon; elle s'en rapproche bien plus que l'Espagnol et l'Italien, et probablement plus même que l'Allemand (2). » « Nous pouvons donc, avec vraisemblance, augurer pour notre pays un heureux résultat de la conquête nouvelle du globe. Tandis que les races par trop communautaires ne sauront que se laisser réduire à une situation inférieure, nous pourrons, nous, relever lentement par le travail notre initiative individuelle; nous pourrons, si nous ne faillissons pas à la tâche, prendre rang parmi les nouveaux maîtres du monde (3). »

() Voir M. DEMOLINS, « Classification sociale » (Science sociale, asc. 10 et 11 de la 2a série, pp. 11 et 124-131).

(2) M. DEMOLINS, A quoi tient la supériorité des AngloSaxons (Appendice, p. 426).

(3) M. B. SCHWALM, Science sociale, t. XVII, p. 472.

LETTRES D'UN JEUNE SOLDAT

DE LA

GRANDE ARMÉE

AUGUSTE PARUIT

(1813-1814-1815)

RECUEILLIES PAR SON NEVEU

M. ALEXANDRE DE ROCHE DU TEILLOY

MEMBRE TITULAIRE

AVANT-PROPOS

Auguste Paruit, frère aîné de ma mère, naquit à Bruxelles, chef-lieu du département de la Dyle, le 27 janvier 1797, et fut baptisé le même jour dans l'église Saint-Jacques dit Condenberg, par le curé Delande. Il appartenait à une famille française: son père, Valentin Paruit, fils d'un notaire de Marienbourg, dans les Ardennes, ville enlevée à la France en 1815, y était né le 13 février 1758, et avait épousé à Amiens, le 17 messidor an III (5 juillet 1795), Agathe d'Esmery, fille d'Aymard d'Esmery, homme de loi, président du tribunal criminel du département de la Somme. En 1797, Valentin Paruit servait la France

comme administrateur en chef des hôpitaux militaires de l'armée du Nord, en résidence à Bruxelles.

Bientôt après, il quitta ces fonctions pour devenir payeur du Trésor à Angers, où naquit ma mère, en 1803. J'ai encore le numéro du Journal de Maine-etLoire qui relate son baptême solennel, où elle eut pour parrain le baron Nardon, préfet du département, et pour marraine la célèbre Laure, exaltée par la duchesse d'Abrantès, femme du conseiller d'État Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, dont la mère, Mme de Bonneuil, avait été une des amies intimes d'André Chénier, et qui, elle-même, rivalisait de beauté avec Mme Récamier. Les lettres écrites à sa filleule, conservées dans ma famille, ont moins d'éclat que son visage.

En sa qualité de notable, mon grand-père fut désigné, en 1811, pour être des trois députés représentant << la bonne ville » d'Angers, au baptême du roi de Rome, solennité dont ma mère, placée, avec les autres enfants des députés, sur les marches du trône, autour de l'Empereur, se plaisait tant à évoquer le souvenir enchanté, racontant que, placée comme la plus petite, tout près de Napoléon, elle s'effrayait de son regard flamboyant et s'amusait à toucher les abeilles d'or de son manteau. Cependant Auguste et Henry, son frère cadet, étaient restés internes au lycée impérial d'Angers où ils continuèrent leurs humanités.

L'an d'après, Valentin Paruit, repris par sa vocation de jeunesse, publia, à la fameuse imprimerie de Mame frères, ses amis, rue du Pot-de-Fer, no 14, à

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