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délicates qu'il avait acceptées avec dévouement, qu'il termina sa trop courte carrière. Après une longue maladie et de cruelles souffrances virilement et chrétiennement supportées, il est mort le 17 décembre dernier, chez son vieux père, instituteur en retraite, à Manonviller.

M. HENRI LEFEBVRE, décédé le 18 février 1908, avait rempli avec distinction, pendant plusieurs années, les fonctions de contrôleur des contributions directes, mais avait dû quitter l'administration par suite du mauvais état de sa vue; il vint alors se fixer à Nancy, sa ville natale, où son temps se partagea entre les œuvres catholiques et sociales et les études d'Archéologie et d'histoire.

Les Mémoires et le Bulletin de la Société d'Archéologie lorraine, dont il était un des membres les plus éclairés, contiennent un certain nombre de travaux et d'articles tous marqués au coin de la plus scrupuleuse exactitude et écrits dans un style agréable et attachant. Manonville et ses seigneurs, publié en 1891, le Marquisat de Noviant-aux-Prés et ses origines, écrit en 1894-1895, ont particulièrement retenu votre attention lorsque vous fites choix de M. Lefebvre, comme associé-correspondant, le 21 juin 1895.

Des travaux d'érudition analogues vous recommandaient M. LEOPOLD QUINTARD à qui sont dues de nombreuses notices sur la numismatique et l'archéologie de votre province. Votre confrère était en même temps collectionneur émérite, amateur éclairé des arts,

peintre à ses heures. Grâce à lui et à son heureuse intervention, bien des objets qui font aujourd'hui l'ornement de nos musées ont pu être sauvés de la destruction, pour le plus grand profit de l'histoire locale. Vous lui avez donné le titre d'associé-correspondant le 20 janvier 1881.

M. Quintard, qui tenait à Nancy par de multiples attaches, venait d'être nommé président honoraire de la Société d'Archéologie et du comité du Musée lorrain, après en avoir exercé pendant plusieurs années la présidence effective. Il semble que les regrets que laisse cet homme de bien, franc et loyal, chrétien convaincu, soient encore augmentés par la soudaineté de la mort qui l'a enlevé d'une manière foudroyante à l'affection de sa famille et de ses amis, le 8 avril dernier.

La carrière brillante de M. ÉMILE GEBHART s'est terminée à Paris, qu'il habitait déjà lorsque vous vous l'êtes associé, le 4 juillet 1902. Bien qu'éloigné de Nancy, il était toujours resté profondément attaché à sa ville d'origine ; il avait conservé la maison paternelle où il venait souvent se reposer de la vie tumultueuse de la capitale. Pendant ces séjours, il aimait à assister à vos séances et vous vous souvenez encore de la lecture qu'il voulut bien vous y faire de quelques pages de son Sandro Botticelli, récemment édité.

Né en 1839, M. Gebhart conquérait le diplôme de licencié ès lettres au sortir du lycée et, à la suite d'études de droit complètes, revenait aux lettres et se faisait recevoir docteur en 1860. Après une année

d'enseignement de la philosophie à Nice, il entrait à l'École d'Athènes en 1861. Nancy le reprit en 1865; il y occupa jusqu'à la fin de 1879, comme suppléant, puis comme titulaire, la chaire de littérature étrangère. C'est alors qu'il fut nommé professeur de langue et de littérature de l'Europe méridionale à la Sorbonne.

En 1895, il entrait à l'Académie des sciences morales et politiques, et, en 1904, l'Académie française, qui lui avait déjà décerné le prix d'éloquence et le prix Bordin, lui donnait le fauteuil rendu vacant par la mort de M. Gréard.

Son séjour en Grèce lui inspira plusieurs œuvres très goûtées. Mais il avait passé par Rome et l'Italie, qui devint pour lui une terre d'élection où il se sentit constamment attiré. Là naquit sa passion pour l'histoire et l'art de l'époque médiévale et surtout de la Renaissance, dont il suivit le développement des deux côtés des Alpes. Initiant sans effort le lecteur aux trẻsors de son érudition, également éloigné de l'indifférence du sceptique et de l'intolérance du sectaire, parce qu'il savait pénétrer les calculs des hommes et les mobiles de leurs actions, unissant dans ses appréciations une fine et indulgente ironie à une grande lucidité, il a fait revivre, dans ses ouvrages qui vous sont à tous présents, cette époque captivante du seizième siècle, à la fois si troublée, si opposée dans ses manifestations, mais si belle pour le génie humain. Et tout cela écrit ou dit, car c'était un causeur exquis et un conférencier émérite - dans une langue vraiment française par le tact, la mesure, le sentiment exact

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des proportions, en même temps que par le juste choix de l'expression.

Quant au caractère de l'homme qui sut se manifester au cours de sa carrière, il est ainsi dépeint par votre éminent confrère, M. Mézières, que je m'empresse de citer « Quelle noble nature, quelle fierté, quelle indépendance de caractère ! Gebhart n'a jamais été le courtisan de personne. Il jugeait de trop haut les hommes et les choses pour s'astreindre aux petites capitulations de conscience. Il ne disait et il n'écrivait que ce qu'il croyait vrai. Ce n'est pas un mince honneur pour sa mémoire. Les lettrés regretteront en lui l'écrivain délicat. Tous les Français doivent regretter le parfait honnête homme qui a donné toute sa vie un si constant exemple de probité littéraire et morale. >>

M. Gebhart était petit-neveu de Drouot; son patriotisme témoignait de cette glorieuse origine.

Par son alliance avec une des plus anciennes familles messines, le comte VAN DER STRATEN-PONTHOZ avait été appelé à habiter Metz pendant de longues années. Membre de l'académie de cette ville, il avait demandé à faire partie de la vôtre et, le 15 décembre 1854, vous lui ouvriez vos rangs; c'est donc un de vos plus anciens associés-correspondants que vous venez de perdre cette année. Il avait été d'abord admis au titre national, puis il passa au titre étranger, lorsqu'il fixa définitivement sa résidence en Belgique.

M. van der Straten-Ponthoz est auteur d'études historiques, notamment sur Charles le Bon, comte de

SÉRIE VI, t. v, 1907

F

Flandre, et de divers travaux concernant l'agriculture et le drainage.

Commencée par le doyen de nos membres titulaires, c'est par le plus jeune de nos confrères que se termine cette revue nécrologique.

M. ALEXANDRE DE METZ-NOBLAT n'appartenait à votre Compagnie que depuis le 15 février 1907, mais on peut dire que sa place y était marquée par avance. Son grand-père, qui en fut autrefois un membre éminent, et son père, notre distingué confrère, dont nous partageons aujourd'hui le deuil, ne semblaient-ils pas l'y appeler, tandis que le prix Stanislas de Guaita, que vous lui décernâtes en 1905, lui en entr'ouvrait pour ainsi dire les portes?

Se destinant à la carrière des armes et ayant brillamment conquis l'épaulette à sa sortie de Saint-Cyr, M. Alexandre de Metz-Noblat vit s'évanouir bientôt son rêve d'avenir. Après quelques mois passés en Algérie, au 2o chasseurs d'Afrique, il lui fallut quitter, momentanément d'abord, et définitivement ensuite, le service militaire, qu'il aimait passionnément, pour chercher à vaincre le mal implacable qui s'était attaqué à sa constitution. La lutte fut longue, il la soutint sans se faire illusion, mais aussi sans faiblir; après bien des années passées sous un ciel réputé favorable, hors de son pays et loin des siens, il rendit à Dieu cette âme que Dieu avait soutenue, grandie et élevée jusqu'à Lui. Il mourut le 17 mars 1908; il n'avait pas encore atteint l'âge de trente-deux ans.

Dans la nouvelle orientation qui s'était imposée à sa

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