Une Proposition faite à la Chambre des Députés est venue changer ma résolution. Je serai compris des gens de cœur. A peine délivré d'un long et rude travail, il m'en coûte de troubler le dernier moment qui me reste à passer dans ma Patrie; mais c'est une affaire d'honneur ; je ne puis l'éviter. Depuis les journées de juillet, je n'ai point fatigué le Pouvoir de mes doléances. J'ai parlé de la Monarchie élective aux Pairs de France, avant qu'elle fût formée; j'en parle maintenant aux François, après huit mois d'existence de cette Monarchie. Une grave occasion la chute de trois Souverains, m'avoit obligé de m'expliquer; une occasion tout aussi grave, la proscription de ces Rois, ne me permet pas de rester muet. Dans cet opuscule (réfutation indirecte de la proposition faite aux Chambres législatives, et développement de mes idées sur ce qui est ), les partis se trouveront plus ou moins froissés je n'en caresse aucun je dis à tous des vérités dures. Je n'ai rien à ménager dépouillé du présent, "" } : : " 4 n'ayant qu'un avenir incertain au delà de ma tombe, il m'importe que ma mémoire ne soit pas grevée de mon silence. Je ne dois pas me taire sur une Restauration à laquelle j'ai pris tant de part, qu'on outrage tous les jours et que l'on proscrit enfin sous mes yeux. Sans coterie, sans appui, je suis seul chargé et seul responsable de moi. Homme solitaire, mêlé par hasard aux choses de la vie, ne marchant avec personne, isolé dans la Restauration, isolé après la Restauration, je demeure comme toujours, indépendant de tout, adoptant, des diverses opinions, ce qui me semble bon, rejetant ce qui me paroît mauvais, peu soucieux de plaire ou de déplaire à ceux qui les professent. Au MoyenAge, dans les temps de calamités, on prenait un Religieux, on l'enfermait dans une petite tour où il jeûnoit au pain et à l'eau pour le salut du peuple. Je ne ressemble pas " mal à ce moine du douzième siècle : à travers la lucarne de ma geôle expiatoire, je vais prêcher mon dernier Sermon aux passants qui ne l'écouteront pas. O Les raisons qui m'ont empêché de prêter foi et hommage au Gouvernement actuel sont de deux sortes les unes générales, des autres particulières ou personnelles; parlons d'abord des premières. Si la Restauration avait eu lieu en 1796 ou en 1797, nous n'aurions pas eu la Charte, ou du moins elle eût été étouffée au milieu des passions émues. Buonaparte écrasa la Liberté présente, mais il prépara la Liberté future en domptant la Révolution et en achevant de détruire ce qui restait de l'ancienne Monarchie. Il laboura tout ce champ de mort et de débris sa puissante charrue, traînée par la Gloire, crensa les sillons où devoit être semée la Liberté constitutionnelle. Survenue après l'Empire, la Restauration. auroit pu se maintenir à l'aide de la Charte, malgré la défiance dont elle était l'objet, malgré les succès étrangers dont elle n'étoit que l'accident, mais dont elle paroissoit être le but. La Légitimité étoit le pouvoir incarné; en la saturant de libertés, on l'auroit fait vivre en même temps qu'elle nous eût appris à régler ces libertés. Loin de comprendre cette nécessité, elle voulut ajouter du pouvoir à du pouvoir; elle a péri par l'excès de son principe. Je la regrette parce qu'elle était plus propre à achever notre éducation que tout autre forme gouvernementale. Encore vingt années de l'indépendance de la presse sans secousses, et les vieilles générations auraient disparu, et les mœurs de la France se seroient tellement modifiées, et›la raison publique aurait fait de si grands progrès, que nous eussions pu supporter toute Révolution sans péril. Le chemin que l'on a suivi est plus court: est-il meilleur ? est-il plus sûr? Il existe deux sortes de révolutionnaires ; les uns désirent la Révolution avec la Liberté : c'est le très-petit nombre; les autres veulent la révolution avec le Pouvoir : c'est l'immense majorité. Nous nous faisons illusion; nous croyons de bonne foi que la Liberté est notre idole; erreur. L'Égalité et la Gloire sont les deux passions vitales de la Patrie. Notre génie, ནས c'est le génie militaire; la France est un soldat. On a voulu les libertés tant qu'elles ont été en opposition à un pouvoir qu'on n'aimoit pas, et qui sembloit prendre à tâche de contrarier les idées nationales : ce pouvoir abattu, ces libertés obtenues, qui se soucie d'elles, si ce n'est moi et une centaine de béats de mon espèce? A la plus petite émeute qui n'est pas dans le sens de son opinion, à la plus légère égratignure dans un journal, le plus fier partisan de la Liberté de la presse invoque tout haut ou tout bas la Censure. Croyez-vous que ces docteurs qui jadis nous démontroient l'excellence des lois d'exception puis qui devinrent épris de la liberté de la presse quand ils furent tombés, qui se vantent aujourd'hui d'avoir toujours combattu en faveur des libertés croyez-vous qu'ils ne soient pas enclins à revenir à leur première tendresse pour une Sage Liberté, ce qui dans leur bouche vouloit dire la liberté à livrée ministérielle, chaîne et plaque au cou, transformée en , > huissier de la chambre ? Ne les entend-on |