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présentée dans notre Introduction; on dit : faire tête à l'ancre, etc. On dit d'un bâtiment trop chargé sur l'avant, qu'il est sur nez, qu'il tombe sur nez, qu'il a le nez dans l'eau.

Les ancres ont des bras, des pattes, des oreilles, des becs. Sans être marin, chacun sait que le bec de l'ancre est l'extrémité de la` patte qui mord le fond. A droite et à gauche du bec, on voit d'ici les oreilles. Il est tout simple que les pattes soient au bout des bras (autrefois crosses), lesquels partent de la verge ou tige dont le point central, le fort de l'ancre est appelé diamant. Ajoutez l'anneau dit aussi organeau ou cigale, et voilà dix termes techniques qui ne sont presque plus obscurs.

Dans la mâture ou le gréement, on trouve :

La corne, sorte de vergue (virga, — baguette, bâton) qui doit son nom à sa forme et à sa position oblique sur le mât;

Les bras, cordages attachés comme à deux épaules aux deux extrémités des vergues qu'ils font mouvoir dans le sens horizontal; Les flèches, extrémités effilées des mâts supérieurs;

Les marche-pieds, cordages fixes, placés sous les vergues et sur lesquels marchent les hommes qui doivent y travailler;

Les étriers, bouts de corde qui, de distance en distance, soutiennent les marche-pieds;

Les étais, gros cordages dormants qui étayent les mâts. Les aiguillettes, les manches, les bagues, les œillets, les pattes d'oie, le timon, sont presque définis par leurs noms mêmes.

Les tresses, les nœuds, les poulies, les couleurs, la bannière, les taquets, les murailles, mots d'un usage continuel à bord, y ont littéralement le même sens qu'en terre-ferme.

A en croire certains critiques hargneux, tout objet à l'usage des marins porterait un de ces noms affreux, comme tribord, babord, et sabord, qui troublent l'esprit et n'ont, affirment-ils aucune raison d'être; citons-leur donc parmi les noms techniques les plus fréquemment employés à bord :

Banc, table, barre, barrot, barrotin, cadre, cage, caisse, calibre, chaîne, chambre, cordage, clef, coussin, échafaud pour échafaudage,

escalier, échelle, estime pour estimation, tente, gamelle, bidon, télégraphe (marin), roue, sablier, sangle, salut, plate-forme, appareil, garniture, ferrures, fanal, croc et girouette.

Les termes d'artillerie sont les mêmes qu'en terre-ferme.

Les outils des divers métiers manuels n'ont pas changé de noms en embarquant.

L'astronomie et la géographie fournissent aux marins une nonbreuse famille de mots qu'ils ont laissés intacts. A peine se sontils permis de prononcer à leur manière les rumbs de la rose des vents. Ils disent: «Noroud, Suroud, Nordet et Suet, mais ils ont conservé tels quels les noms des quatre points cardinaux.

N'omettons pas ceux des termes de marine qui sont aussi généralement usités à terre qu'à bord; tels que :

Flotte, escadre, vaisseau, navire, batiment, bord, chaloupe, barque, canot, mát, mature, voile, voilure, gouvernail, cable, aviron, rame, équipage, pavillon, flamme, guidon, enseigne, boussole, lest, grappin, abordage, pont, cale, quille, prise, part de prise, matelot, marin, etc.

Nous en passons et des plus saillants, à commencer par amiral et à finir par mousse.

Les termes de navigation sont presque tous connus; - ceux de la tactique navale sont généralement empruntés à l'art militaire; Ainsi d'une part marche, vitesse, course, allure, mille, lieue marine, carte marine, journal de route, point de départ, d'arrivée, hauteur, espace, ligne, etc. n'effaroucheront personne;

Et d'autre part, les moindres connaissances militaires suffisent pour faire comprendre les expressions :

Ligne de bataille ou de combat, ordre de marche, contre-marche, avant-garde, arrière-garde, centre ou corps de bataille, ailes, colonnes, tête et queue de colonnes, échiquier, front, flanc, position, éclaireur, postes, etc.... Sans parler des termes plus élémentaires encore, tels que général, armée, division, peloton, évolution, manœuvre, mouvement, découverte, reconnaissance, ralliement, attaque et retraite.

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Les arts, les sciences, les métiers, ont une foule de vocables propres qui leur sont communs; la marine et la navigation, qu'on doit tour à tour envisager sous ce triple rapport ne font pas exception à la règle. Leur nomenclature est remplie de termes d'art, de termes scientifiques, de termes de métier.

L'architecture navale n'a que par exception des équivalents pour dire: plan, projet, construction, réparation, bâtiment, l'un des mots les plus frappants, tant il est générique, — vaisseau, qui signifie avant tout vase, proportions, dimensions, chantier, etc.

La peinture, la sculpture, la musique, n'ont donné lieu qu'à un nombre très-restreint de termes maritimes spéciaux, tels que: Dimanche, mot pittoresque employé à bord et dans les arsenaux pour désigner une place qu'on a négligé de peindre;

Poulaine, qui, par abréviation signifie quelquefois statue, poupée, emblême placé à l'avant du navire, mais on dit plus généralement figure de poulaine.

« Poulaine ou bouline, dit le P. Fournier, est une grosse flèche » de bois appelée des Marseillois serpe, posée sur l'avant du navire » sous le beaupré, en l'extrémité de laquelle est la marque qui >> donne le nom au vaisseau.» (1)

Rossignolade, fignolade,

sifflet de manœuvre.

Les marins disent:

pour roucoulements, fioriture sur le

S'accorder, pour agir de concert soit en nageant (en ramant) dans une embarcation, soit en faisant effort sur une corde, sur un levier.

Chanteur, l'ancien céleuste, Keλevorns,

celui qui dirige

l'accord, chanter, que l'on retrouvera en son lieu;

Clavecin, que Willaumez écrit clavesin, vieux mot qui désignait les emménagements de la dunette. Le capitaine et son état-major

(1) Hydrographie. - Inventaire des mots dont on use sur mer.

étaient logés dans le clavesin.

Mais est-il bien vrai que ce dernier terme soit emprunté au vocabulaire musical? — Nous en doutons singulièrement nous qui le citons ici.

Les violons du beaupré, bordages épais placés tribord et bâbord de la tête de ce mât, doivent leur nom à la forme qu'ils affectent. Une sorte de poulie double a pris par le même motif celui de poulie à violon.

Enfin, on appelle orgues, des tuyaux de plomb qui servent à l'écoulement des eaux du pont supérieur.

Fenimore Cooper, dans un de ses romans, s'est fait un jeu de mettre en parallèle les termes de la langue anglaise communs à la marine et à l'équitation ou à la cavalerie. Quoique ce petit tour de force soit plus ingénieux qu'utile à notre argumentation actuelle, on nous permettra de l'imiter.

Et d'abord on remarque l'analogie des mots escadre, escadron, venant l'un comme l'autre du latin quadratus (carré) par l'italien squadra (équerre, escadre.)

Équipage, équipement, équiper dériveraient d'equus, cheval, d'après l'opinion la plus répandue, mais M. Jal démontre fort savamment en son Gloss.-Naut. qu'équiper, esquiper vient du verbe islandais skipa, qui, lui-même procède de skip navire, d'où le ship des Anglais et notre esquif. Il conclut en ajoutant: - c'est la langue maritime qui a donné à la langue vulgaire équipement, équipage, équiper, où, malgré les apparences, le cheval, equus, n'est pour rien.

L'adjectif maniable de manus, main, est à la fois terme d'écuyer et terme de marine; nous pensons qu'on a dû dire d'abord, cheval maniable, et ensuite: navire, vent maniable.

Passons les noms forcément identiques, rencontrés plus haut parmi les termes anatomiques de construction navale : (téte, joues, hanches, etc.) parmi ceux de navigation (vitesse, course, allure, ou ceux d'art militaire, il nous restera :

· Eperon, martingale, selle, gaule, branche, étrier et ceinture déjà cités, collier, encolure, quartiers, pinces, soles, soubarbe,

pistolet, flasque, filet, têtière, lunettes, maillons, fers et ferrures bandes, panneaux, sangle, croupière, (1) et jusqu'à gourmette, vieux mot qui signifiait jeune marin, mousse, novice, (grumete esp. et port., mousse, groom angl. valet.)

Mais, comme le prouve ce dernier exemple, le rapprochement des deux nomenclatures n'a rien de bien sérieux, puisque d'ordinaire la consonnance seule est commune. L'éperon placé à l'avant n'éperonne guère que la mer, et loin de tenir au talon est à l'extrémité opposée du navire. On dira seulement que sa forme antique recourbée comme l'étaient certains grands éperons de cavalier, a pu lui valoir son nom équestre. De même, l'on ne saurait trop se mettre en selle sur les garnitures de bois que le charpentage maritime dénomme ainsi. En revanche, la martingale, courroie pour les cavaliers, cordage pour les marins, remplit à peu près les mêmes fonctions comme instrument de manége, que comme pièce du gréement.

Techniquement, on entend par bricole, l'effet des poids élevés qui diminuent la stabilité du vaisseau.

Enfin, c'est évidemment à l'équitation que les marins ont emprunté le verbe brider, serrer étroitement, lier invariablement entre eux deux ou plusieurs cordages tendus au moyen d'un autre cordage appelé bride qui ajoute à leur tension, en les rendant fixes.

La bridure est le résultat de l'action de brider et rentre dans les amarrages,

Le plus pittoresque des termes analogues est assurément le nom de la civadière, voile carrée que l'on établissait autrefois sur la vergue de même nom (V. p. 30), qui, s'il faut en croire la tradition aurait servi à un vaisseau désemparé de tous ses mâts si ce n'est du beaupré, à battre en retraite lorsqu'il allait être pris. Quoiqu'il en soit, la civadière faisait face au cap, à la tête, au bec, au museau du navire. Gonflée comme un sac tant par le vent que par la mer

(1) Plusieurs de ces mots équestres et nautiques ne devant pas être examinés dans notre ouvrage, sont succinctement définis à l'Index, comme termes de marine.

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