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L'art a trompé l'artiste. Il s'enivre, à longs traits,
Du plaisir d'admirer les charmes qu'il a faits.
Il approche sa main du marbre qu'il adore,
Doute s'il est vivant, le touche, et doute encore.
Il donne à la statue un baiser plein d'amour,
Et croit que la statue y répond à son tour;

Il tombe à ses genoux, amant timide et tendre,
Lui tient de doux propos, croit qu'elle peut l'entendre,
doux.propos,
Et tremble que ses doigts, sur l'albâtre imprimés,
Ne blessent les appas que ses doigts ont formés.
Il lui rend de l'amour les soins et les hommages,
Lui porte des oiseaux, des fleurs, des coquillages,
Et se plaît à l'orner des plus riches habits;
Sur ses doigts en anneaux l'or se mêle aux rubis.
Des perles, des colliers, précieuses merveilles,
Serpentent sur son sein, pendent à ses oreilles.
Belle de ces atours arrangés par ses soins,

Elle plaît.... sans parure elle ne plaît pas moins.
Sur des carreaux de pourpre, il se place près d'elle,
La nomme de son lit la compagne fidelle;
Sur le duvet qui cède il l'étend mollement,
Comme si de la vie elle eût le sentiment..

Cependant, de Vénus on célèbre la fête..
La génisse de fleurs a vu parer sa tête;
Elle tombe à l'autel, où fume un pur encens.
L'artiste à la déesse apporte ses présens.

Constitit; et timidè, si Dì dare cuncta potestis,
Sit conjux opto, (non ausus, eburnea virgo,
Dicere Pygmalion) similis mea, dixit, eburneæ.
Sensit, ut ipsa suis aderat Venus aurea festis,
Vota quid illa velint: et, amici numinis omen,
Flamma ter accensa est; apicemque per aëra duxit'.
Ut rediit, simulacra suæ petit ille puellæ :

Incumbensque toro, dedit oscula. Visa tepere est.
Admovet os iterum : manibus quoque pectora tentat:
Tentatum mollescit ebur : positoque rigore,
Subsidit digitis, ceditque : ut Hymettia sole
Cera remollescit, tractataque pollice multas
Flectitur in facies, ipsoque fit utilis usu.
Dum stupet, et timidè gaudet, fallique veretur;
Rursus amans rursusque manu sua vota retractat :
Corpus erat saliunt tentatæ pollice venæ.
Tum verò Paphius plenissima concipit heros
Verba, quibus Veneri grates agat: oraque tandem
Ore suo non falsa premit : dataque oscula virgo
Sensit, et erubuit: timidumque ad lumina lumen
Attollens, pariter cum coelo vidit amantem.

Conjugio, quod fecit, adest dea. Jamque coactis

1 Omen amici et propitii numinis, a remarqué Farnabe. Effectivement dans les libations et les sacrifices, les jets de flamme montant dans les airs, étaient regardés comme d'heureux préSu&cs.

O dieux puissans! dit-il, si tout vous est possible, Accordez à mes vœux une épouse sensible, Semblable à la statue, ouvrage de mes mains.

Il n'ose en dire plus. Invisible aux humains,
Vénus sur un nuage à la fête préside.

La déesse a compris son hommage timide.

Trois fois, présage heureux de ses voeux les plus chers,
Une flamme d'azur a volé dans les airs;

Trois fois, flèche rapide, elle a percé la nue.
Pygmalion retourne auprès de sa statue.

Il s'approche, il l'embrasse : un baiser plein d'ardeur
D'une haleine de vie anime sa froideur.

Il presse sur sa bouche une bouche idolâtre.
Sous sa main qui le touche il sent fléchir l'albâtre.
Telle amollie aux feux d'un soleil printannier,
On voit céder la cire aux doigts de l'ouvrier.
Tandis que de l'espoir, où tout son cœur aspire,
Il jouit avec crainte; elle vit et respire.
L'heureux Pygmalion rend graces à Vénus.
Il embrasse une amante, et ne se trompe plus.
Ses baisers sont sentis: la statue animée
Palpite du plaisir d'aimer et d'être aimée.

Ses yeux s'ouvrent au jour; son ame au sentiment.
Elle voit à-la-fois le ciel et son amant.

Vénus bénit leurs feux; ils étaient son ouvrage; Paphus, de cet hymen premier et tendre gage,

Cornibus in plenum novics lunaribus orbem,
Illa Paphon genuit: de quo tenet insula nomen.
Editus hac ille est, qui, si sine prole fuisset,
Inter felices Cinyras potuisset haberi.

X. Myrrha in myrrham.

DIRA Canam. Natæ procul hinc, procul este parentes: Aut, mea si vestras mulcebunt carmina mentes, Desit in hac mihi parte fides; nec credite factum: Vel, si credetis, facti quoque credite pœnam.

1

Si tamen admissum sinit hoc Natura videri,
Gentibus Ismariis, et nostro gratulor orbi;
Gratulor huic terræ, quod abest regionibus illis,
Quæ tantum genuêre nefas. Sit dives amomo *;
Cinnamaque, costumque suam, sudataque ligno.
Tura ferat, floresque alios Panchaïa tellus;
Dum ferat et Myrrham. Tanti nova non fuit arbos.
Ipse negat nocuisse tibi sua tela Cupido,
Myrrha facesque suas a crimine vindicat isto.
Stipite te Stygio, tumidisque afflavit Echidnis,
E tribus una soror. Scelus est odisse parentem:
Hic amor est odio majus scelus. Undique lecti

1 La Thrace était la patrie d'Orphée. Le lecteur ne doit pas oublier que c'est par la voix de ce chantre qu'Ovide expose l'aventure de Myrrha.

* La figure appelée concession est ici employée très-à-propos.

Mit le comble au bonheur de ces époux nouveaux;
Et c'est de lui que Chypre a le nom de Paphos.
Né de leur couche encor, Cynire fut son frère;
Heureux, trois fois heureux, s'il n'eût pas été père..

X. Myrrha changée en Myrrhe.

JE chante un crime affreux. Jeunes filles, hélas ! Et vous, pères, fuyez et ne m'écoutez pas; Ou si pour vous mes vers ont un prestige aimable, Traitez de faux le vrai qui n'est pas vraisemblable. Doutez de ces horreurs; ou si vous les croyez, Gravez le châtiment dans vos cœurs effrayés.

Oui, je te félicite, ô Thrace! ô ma patrie!
C'est loin de tes climats que d'une fille impie
Le poison de l'inceste envenima les sens.
Garde, heureuse Arabie, et les pleurs de l'encens,
Et les épis du nard, et les sucs de l'amome;
Va, tu produis la myrrhe; et ce précieux baume
Au prix d'un si grand crime est trop cher acheté.
Malheureuse Myrrha ! dans ton impiété,

A l'enfant de Paphos n'impute point ton crime.
De son flambeau sacré la flamme est légitime.
Tysiphone sur toi secoua son tison,

Et ses serpens affreux t'ont soufflé leur poison.
La haine pour un père est un crime exécrable;
Mais l'amour que tu sens est cent fois plus coupable.

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