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tulan de sa bibliothèque; hélas !..., si je ne l'eusse soutenu dans mes bras, il serait tombé sur le pavé du haut de l'échelle de bois sur laquelle il était monté pour descendre la grande carte soigneusement enveloppée. »

Quoique cette notice soit fort étendue, il s'en faut de beaucoup qu'elle comprenne tout ce que j'aurais pu, tout ce que j'aurais voulu vous dire encore sur les travaux de Jomard, si je n'avais craint de fatiguer trop longtemps votre attention. Je n'ai mentionné en effet, ni ses recherches archéologiques sur les monuments anciens et si curieux de Palenque, du Mexique, de la Nouvelle-Grenade, du Japon, de la Chine, etc., etc., qui l'ont mis à même de former un musée spécial composé d'objets précieux de la plus grande rareté, se rattachant à l'histoire des arts et de l'industrie de l'ancien et du nouveau monde, réunis par lui à grands frais, et qu'il serait fâcheux de voir sortir de France; je ne vous ai point fait connaître non plus que c'est grâce à M. Jomard que le colonel Amoros a pu introduire la gymnastique, et M. Wilhem l'enseignement populaire du chant dans nos écoles.

Les limites que j'ai dû m'imposer et que vous trouverez, je le crains, déjà dépassées, ne m'ayant permis de signaler qu'une très faible partie des publications de notre confrère, je me réserve de donner plus tard la nomenclature des plus importantes, dont le nombre est fort considérable. Elles vous prouveront que s'il n'a laissé qu'un petit nombre d'ouvrages complétement hors ligne, il a cependant fait faire de grands progrès à la science géographique surtout, non-seulement par

ses propres travaux, mais aussi par les encouragements et les excitations qu'il a donnés à ceux des autres, et dont plusieurs n'auraient point été même entrepris, s'il n'eût aidé leurs auteurs de ses conseils et souvent de sa bourse.

La seule Description de l'Egypte, ouvrage qui fait tant d'honneur à la France, et auquel vous savez que Jomard a pris une si large part, me fournira plus de trente mémoires dont il est l'auteur et qui tous offrent de l'importance, et je n'aurai qu'à compulser les Recueils de l'Institut, le Journal des savants, votre propre journal, ceux des autres sociétés savantes auxquelles son nom est si honorablement uni, et ses productions détachées, pour être sûr d'une ample récolte. Je ne négligerai pas non plus les remarquables notices consacrées par lui à la mémoire de quelques-uns de ses confrères de l'Institut et de la Commission d'Égypte, parmi lesquels je me bornerai à citer ici Berthollet, Monge, Conté, Lancret et Jacotin.

Ce serait me répéter, messieurs, que de vous parler des qualités personnelles de l'illustre et vénéré Jomard, et de son salon si hospitalier, où Français et étrangers s'empressaient de se rendre, et étaient accueillis avec une touchante bonhomie. Je me bornerai donc à vous citer, en terminant, quelques mots que j'emprunte à notre savant confrère, M. Vivien de SaintMartin, parce qu'ils caractérisent on ne peut mieux l'homme dont la perte est si regrettable: « Jomard fut passionné pour tout ce qui est utile, et sa vie tout entière fut dévouée au bien! >>

NOTE

SUR LES TOUAREG ET LEUR PAYS,

LUE A LA SÉANCE ANNUELLE DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE,

LE 19 DÉCEMBRE 1862.

Par HENRY DUVEYRIER.

Messieurs,

Ayant été surpris par une grave maladie à Alger, au retour d'un voyage qui a duré près de trois ans, et me sentant encore sous l'influence de cette crise, je vous demande beaucoup d'indulgence pour la note que je vais lire.

Peut-être ai-je été téméraire en m'engageant à rendre compte dans cette séance annuelle des résultats de mon voyage chez les Touareg, mais je me sentais lié par la reconnaissance envers la Société de géographie, envers son Président, M. d'Avezac, et son Secrétaire, M. Malte-Brun, pour l'accueil que je reçus en 1859, lorsque je vins exposer à la Société de géographie mon plan d'exploration dans le Sahara.

Pendant toute la durée de mon voyage, je reçus de ces messieurs les marques du plus vif intérêt, et je leur suis redevable de conseils qui m'ont été très utiles. Je prie ces messieurs de recevoir ici mes sincères remercîments.

J'entre en matière.

Avant de parler des Touareg et de signaler les faits qui caractérisent leur état comme peuple et comme société, je dois essayer de donner une idée du pays qu'ils habitent et des ressources qu'il offre en minéraux, végétaux et animaux, si peu nombreuses qu'elles soient.

GÉOGRAPHIE PHYSIQUE, OROGRAPHIE ET HYDROGRAPHIE.

Les meilleures cartes de l'Afrique présentaient le Sahara, surtout la partie habitée par les Touareg, comme une immense région plane, quand M. le docteur Barth, il y a peu d'années, vint y signaler une série de reliefs orographiques: ceux du plateau de Mourzouk, ceux des environs de Rhât et du pays d'Aïr.

Mon exploration, spéciale au pays des Touareg du Nord, m'a permis de lever plusieurs routes nouvelles, et je me suis efforcé, au moyen de nombreuses et minutieuses informations, de rattacher les reliefs des lieux que je traversais à ceux des contrées voisines. C'est ce qui me permet de combler de nombreuses lacunes.

Pour abréger, je laisse de côté toute la partie du Sahara qui est au nord de la région des Dunes, c'est-àdire jusqu'à la latitude de Ghadāmės (30° 6′ N.).

Le plateau du Ahaggar (le Hoggar des Arabes) est le point culminant du Sahara depuis la frontière algérienne jusqu'à l'ancien royaume du Haoussa, dans la Nigritie. Ce plateau, traversé par le tropique du Cancer dans sa partie méridionale, n'a encore été reconnu par aucun voyageur européen, et même il n'a

été visité que par un très petit nombre de voyageurs arabes.

Le centre du Ahaggar (Atakōr-n-Ahaggār), qui se trouve par 3° 30' de longitude orientale de Paris, est la partie la plus élevée du plateau, et deux pics jumeaux Ouatellen et Hikena, le couronnent.

D'après les renseignements que j'ai recueillis, et me basant sur la nature de la végétation, sur la durée des neiges, plus encore que sur les assertions directes des indigènes dont il est bon de se méfier quant à l'exagération, je crois pouvoir assigner une altitude approximative de 2000 mètres aux sommets de ce massif.

L'altitude du Ahaggar, modeste si on la compare à celle des montagnes célèbres de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique, mais considérable pour une région que nous nous figurions plane, est démontrée par trois faits qui, réunis, ont une grande importance pour les géographes.

Par les gouttières d'écoulement de son versant sud, réunies dans le Tafasässet, le Ahaggär envoie ses eaux au Niger, et de là au golfe de Benin. Par celles du versant nord, l'Igharghar le fait communiquer avec le golfe de Gabès par les chotts Melghigh et Firáoūn, dont la liaison avec la mer existait encore au temps des anciens géographes grecs. Enfin, de son versant ouest, différentes vallées, lits d'anciens fleuves desséchés, semblent se diriger vers l'ouādi Dráa, qui débouche dans l'Océan, en face des îles Canaries. -Les dunes de sable du désert d'Iguīdi, de formation plus récente, barrent aujourd'hui le passage des eaux de cet ouādi et leur servent de réservoir.

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