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NOTE

SUR LES TRIBUS QUI HABITENT LE GABON.

Extrait d'une lettre de M. BERT, missionnaire américain,

communiquée par M. V. A. MALte-Brun.

Les tribus qui habitent le Gabon et ses affluents

sont :

1o Les M'pongués, Pongées ou Gabonnais, peuple commerçant, sur la côte.

2o Les Shekianis ou Bouloux, restes d'une tribu répandue le long des frontières des M'pongués, et entre mêlés avec les Bakalais.

3o Les Bakalais, tribu considérable qui s'étend à une grande distance sur les deux rives du Gabon. Quoiqu'ils n'aient pas encore atteint la côte, néanmoins ils pénètrent bien au loin dans l'intérieur. Ils ont, à la vérité, peu de rapports directs avec les Européens, mais ils sont très liés avec les M'pongués et les autres tribus voisines, avec lesquels ils marient leurs filles et reçoivent en échange différents objets de fabrique étrangère; ils font également avec ces tribus un commerce considérable, ce qui apporte chaque jour des modifications importantes dans leur manière d'être et leurs anciennes coutumes.

V. MARS. 2.

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4° Les Pangwés ou Pahouins-Fan sont de beaucoup les plus remarquables et les plus importants des peuples du Gabon. Ils sont descendus en grand nombre des montagnes de l'intérieur, et ils se sont établis sur les bords du Gabon et de ses tributaires. Ayant à peine quelques rapports avec les Européens et vivant loin des centres de commerce, ils n'en ont encore reçu que peu de modifications, et leurs mœurs, leurs coutumes sont encore celles qu'ils ont reçues de leurs pères, avec cette exception que, pour l'introduction de certains articles de fabrique étrangère et de récente importation, tout dépend surtout de leur appropriation à leurs besoins. Ils se distinguent principalement des peuplades de la côte par leur indépendance et leur bravoure. Les M'pongués, quoique fiers et hautains envers les autres tribus, sont néanmoins obséquieux et toujours affables vis-à-vis des étrangers, s'efforçant de gagner leur confiance dans l'espérance d'en être récompensés d'une manière ou d'une autre. Les Pangwés ou Pahouins-Fan, au contraire, s'inquiètent moins de plaire aux étrangers et offrent une remarquable apparence d'indépendance peu commune parmi les nègres. Comme race, leurs traits sont plus réguliers et leur teint plus clair que celui des autres tribus.

Ils cultivent le sol sur une plus grande étendue que leurs voisins, et déjà les tribus de la côte vont chez eux pour s'approvisionner de vivres. Ils cultivent le millet, une grande variété d'yames et la canne à sucre. Ils cultivent encore en grand une espèce de gourde dont les graines sont un article d'alimentation très estimé. Leurs animaux domestiques sont les chèvres, les mou

tons, la volaille. Pour tout vêtement, ils s'entourent les reins d'un morceau de toile. Ils fabriquent cette dernière avec l'écorce intérieure des arbres, rendue souple et flexible par le battage et le broyage. Ils fabriquent également eux-mêmes leurs instruments d'agriculture; ces derniers sont très simples et consistent principalement en haches pour abattre le bois, en contelas et en serpes pour enlever l'herbe et les broussailles. Leurs procédés agricoles sont des plus primitifs. Dans la saison sèche, ils enlèvent les broussailles et coupent les bois là où ils veulent ensemencer; au moment où les pluies commencent à tomber, ils brûlent les bois secs, les broussailles dont ils ont entièrement dépouillé le terrain. Lorsque les pluies arrivent, le sol s'humecte et s'amollit alors ils y déposent leurs grains sans autre préparation, et ne donnent plus à leurs plantations d'autres soins que de les débarrasser des plantes parasites et des herbes sauvages.

Ils fabriquent eux-mêmes leurs instruments de chasse ou de guerre ce sont principalement des lances, des arcs, des flèches: Ils trempent souvent les pointes de leurs flèches dans un poison qu'ils obtiennent avec la graine d'un fruit sauvage. Le fer dont ils font usage, ils l'obtiennent des mines situées dans leurs montagnes; ils le travaillent eux-mêmes et fabriquent leurs couteaux, leurs lances et leurs haches. Le fer sert encore parmi eux comme objet d'échange. Depuis l'introduction du commerce des armes à feu, ils en font un usage peu considérable. Ils sont polygames et ont autant de femmes qu'ils peuvent s'en procurer; beaucoup plus prolifiques que leurs voisins, leurs vil

lages fourmillent d'enfants. L'esclavage n'existe chez eux que comme une institution domestique; ils vendent souvent comme esclaves les membres de leur propre tribu. Enfin les Pangwés ou Pahouins-Fan sont cannibales, mangeant non-seulement la chair de leurs ennemis pris à la guerre, mais encore quelquefois ceux des leurs qui sont morts de maladie. Ils sont bien connus des Bakélés sous ce rapport de l'anthropophagie, car ceux-ci livrent ou vendent aux Pangwés ou Pahouins-Fan, pour être mangés, ceux d'entre eux qui sont accusés de sorcellerie.

Analyses, Rapports, etc.

RAPPORT

SUR L'OUVRAGE DE M. JULES DUVAL

INTITULÉ

HISTOIRE DE L'ÉMIGRATION EUROPÉENNE,

ASIATIQUE ET AFRICAINE
AU XIX SIÈCLE,

Par M. A. de QUATREFAGES,

Membre de l'Institut.

Messieurs,

L'ouvrage de notre collègue M. Jules Duval a été couronné en 1861 par l'Académie des sciences morales et politiques; il l'a été à la suite de deux rapports faits, l'un par M. Hippolyte Passy, l'autre par M. Franck. Cette récompense éclatante, si sérieusement motivée, me dispense d'insister sur le mérite général de l'ouvrage et simplifie beaucoup ma tâche de rapporteur. La brièveté est presque une obligation pour qui prend la parole après des juges d'une semblable autorité.

Le titre même de l'ouvrage en indique nettement le but; il précise en même temps les limites dans lesquelles l'auteur a circonscrit son œuvre essentielle. Toutefois, une introduction historique sert de préambule aux recherches détaillées portant sur le xix siècle. Cette introduction aurait pu être plus développée. M. Jules

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