Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

mer

la renonciation de Philippe V à la couronne de France. Ces états-généraux n'ont point été convoqués depuis ce temps..

ÉTERNITÉ.

J'ADMIRAIS, dans ma jeunesse, tous les raisonnements de Samuel Clarke; j'aimais sa personne, quoiqu'il fût un arien déterminé ainsi que Newton, et j'aime encore sa mémoire, parce qu'il était hon homme; mais le cachet de ses idées, qu'il avait mis sur ma cervelle encore molle, s'effaça quand cette cervelle se fut un peu fortifiée. Je trouvai, par exemple, qu'il avait aussi mal combattu l'éternité du monde, qu'il avait mal établi la réalité de l'espace infini.

J'ai tant de respect pour la Genèse et pour l'Église qui l'adopte, que je la regarde comme la seule preuve de la création du monde depuis cinq mille sept cent dixhuit ans, selon le comput des Latins, et depuis sept mille deux cent soixante et dix-huit ans, selon les Grecs.

Toute l'antiquité crut au moins la matière éternelle; et les plus grands philosophes attribuèrent aussi l'éternité à l'ordre de l'univers.

Ils se sont tous trompés, comme on sait; mais on peut croire, sans blasphème, que l'éternel formateur de toutes choses fit d'autres mondes que le nôtre.

Voici ce que dit sur ces mondes et sur cette éternité un auteur inconnu, dans une petite feuille, qui peut aisément se perdre, et qu'il est peut-être bon de conserver: Foliis tantùm ne carmina manda.

S'il y

a

dans cet écrit quelques propositions téméraires, la petite société qui travaille à la rédaction du recueil, les désavoue de tout son cœur (1).

(1) Voyez le Dialogue intitulé les Adorateurs, etc.

ÉVANGILE.

C'EST une grande question de savoir quels sont les premiers Évangiles. C'est une vérité constante, quoi qu'en dise Abadie, qu'aucun des premiers Pères de l'Église inclusivement jusqu'à Irénée, ne cite aucun passage des quatre Évangiles que nous connaissons. Au contraire, les alloges, les théodosicus rejetèrent constamment l'Évangile de saint Jean, et ils en parlaient toujours avec mépris, comme l'avance saint Épiphane dans sa trentequatrième homélie. Nos ennemis gemarquent encore que non-seulement les plus anciens Pères ne citent jamais rien de nos Évangiles, mais qu'ils rapportent plusieurs passages qui ne se trouvent que dans les Évangiles apocryphes rejetés du canon.

Saint Clément, par exemple, rapporte que notre Seigneur ayant été interrogé sur le temps où son royaume. aviendrait, répondit: « Ce sera quand deux ne feront » qu'un, quand le dchors ressemblera au dedans, et quaud » il n'y aura ni mâle ni femelle. » Or il faut avouer que ce passage ne se trouve dans aucun de nos Évangiles. Il y a cent exemples qui prouvent cette vérité; on les peut recueillir dans l'Examen critique de M. Fréret, secrétaire perpétuel de l'Académie des Belles-Lettres de Pâ

ris.

Le savant Fabricius s'est donné la peine de rassembler les anciens Évangiles que le temps a conservés; celui de Jacques paraît le premier. Il est certain qu'il a encore beaucoup d'autorité dans quelques Églises d'orient. Il est appelé premier Évangile. Il nous reste la passion et la résurrection, qu'on prétend écrites par Nicodème. Cet Évangile de Nicodème est cité par saint Justin et par Tertullien; c'est là qu'on trouve les noms des accusateurs de notre Sauveur, Annas, Caiphas, Soumas, Dathan, Gamaliel, Judas, Lévi, Nephtali; l'attention de rapporter ces noms donne une apparence de candeur à l'ouvrage.

Nos adversaires ont conclu que, puisqu'on supposa tant de faux Évangiles reconnus d'abord pour vrais, on peut aussi avoir supposé ceux qui font aujourd'hui l'objet de notre croyance. Ils insistent beaucoup sur la foi des premiers hérétiques qui moururent pour ces Évangiles apocryphes. Il y eut donc, disent-ils, des faussaites, des séducteurs et des gens séduits, qui moururent pour l'erreur; ce n'est donc pas une preuve de la vérité de notre religion, que les martyrs soient morts pour elle.

Ils ajoutent de plus, qu'on ne demanda jamais aux martyrs: Croyez-vous à l'Évangile de Jean ou à l'Évangile de Jacques? Les païens ne pouvaient fonder des interrogatoires sur des livres qu'ils ne connaissaient pas: les magistrats punirent quelques chrétiens très injustement, comme perturbateurs du repos public; mais ils ne les interrogèrent jamais sur nos quatre Évangiles. Ces livres ne furent un peu connus des Romains que sous Dioclétien; et ils eurent à peine quelque publicité dans les dernières années de Dioclétien. C'était un crime abominable, irrémissible à un chrétien, de faire voir un Évangile à un gentil. Cela est si vrai, que vous ne rencontrez le mot d'Evangile dans aucun auteur profane.

Les sociniens rigides ne regardent donc nos quatre di vins Évangiles que comme des ouvrages clandestins, fabriqués environ un siècle après Jésus-Christ, et cachés soigneusement aux gentils pendant un autre siècle ;ouvrages, disent-ils, grossièrement écrits par des hommes grossiers, qui ne s'adressèrent long-temps qu'à la populace de leur parti. Nous ne voulons pas répéter ici leurs autres blasphèmes. Cette secte, quoique assez répandue, est aujourd'hui aussi cachée que l'étaient les premiers Évangiles. Il est d'autant plus difficile de les convertir, qu'ils ne croient que leur raison. Les autres chrétiens ne combattent contre eux que par la voix sainte de l'Écriture: ainsi il est impossible que les uns et les autres, étant toujours ennemis, puissent jamais se rencontrer.

Pour nous, restons toujours inviolablement attachés à nos quatre Évangiles avec l'Église infaillible; réprouvons les cinquante Évangiles qu'elle a réprouvés ; n'examinons point pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ permit qu'on fit cinquante Évangiles faux, cinquante histoires fausses de sa vie, et soumettons-nous à nos pasteurs, qui sont les sculs sur la terre éclairés du Saint-Esprit.

Qu'Abadie soit tombé dans une erreur grossière, en regardant comme authentiques les lettres, si ridiculement supposées, de Pilate à Tibère, et la prétendue pro. position de Tibère au sénat, de mettre Jésus-Christ au rang des dieux: si Abadie est un mauvais critique et un très mauvais raisonneur, l'Église est-elle moins éclairée? devons-nous moins la croire? devons nous lui être moins soumis ?

EUCHARISTIE.

DANS cette question délicate, nous ne parlerons point en théologiens. Soumis de cœur et d'esprit à la religion dans laquelle nous sommes nés, aux lois sous lesquelles nous vivons, nous n'agiterons point la controverse; elle est trop ennemie de toutes les religions qu'elle se vante de soutenir, de toutes les lois qu'elle feint d'expliquer, et surtout de la concorde qu'elle a bannie de la terre dans tous les temps.

Une moitié de l'Europe anathématise l'autre au sujet de l'eucharistie, et le sang a coulé des rivages de la mer Baltique au pied des Pyrénées, pendant près de deux cents ans, pour un mot qui signifie douce charité.

Vingt nations, dans cette partie du monde, ont en horreur le système de la transsubstantiation catholique. Elles crient que ce dogme est le dernier effort de la folie humaine. Elles attestent ce fameux passage de Cicéron, qui dit (1) que les hommes ayant épuisé toutes les épou (1) Voyez la Divination de Cicéron.

vantables démences dont ils sont capables, ne se sont point encore avisés de manger le dieu qu'ils adorent. Elles disent que presque toutes les opinions populaires étant fondées sur des équivoques, sur l'abus des mots, les catholiques romains n'ont fondé leur système de l'eucharistie et de la transsubstantiation que sur une équivoque; qu'ils ont pris au propre ce qui n'a pu être dit qu'au figuré, et que la terre, depuis seize cents ans, a été ensanglantée pour des logomachies, pour des malentendus. Leurs prédicateurs dans les chaires, leurs savants dans leurs livres, les peuples dans leurs discours, répètent sans cesse que Jésus-Christ ne prit point son corps avec ses deux mains pour le faire manger à ses apôtres; qu'un corps ne peut être en cent mille endroits à la fois, dans du pain et dans un calice; que du pain qu'on rend en excréments, et du vin qu'on rend en urine, ne peuvent être le Dieu formateur de l'univers; que ce dogme peut exposer la religion chrétienne à la dérision des plus simples, au mépris et à l'exécration du reste du genre humain.

C'est là ce que disent les Tillotson, les Smaldrige, les Turretin, les Claude, les Daillé, les Amyraut, les Mestrezat, les Dumoulin, les Blondel, et la foule innombrable des réformateurs du seizième siècle; tandis que le mahométan, paisible maître de l'Afrique, de la plus belle partie de l'Europe et de l'Asie, rit avec dédain de nos disputes, et que le reste de la terre les ignore.

Encore une fois, je ne controverse point; je crois d'une foi vive tout ce que la religion catholique-apostolique enseigne sur l'eucharistie, saus y comprendre un seul

mot.

Voici mon seul objet. Il s'agit de mettre aux crimes le plus grand frein possible. Les stoïciens disaient qu'ils portaient Dieu dans leur coeur; ce sont les expressions de Marc-Aurèle et d'Épictète, les plus vertueux de tous les hommes, et qui étaient, si on ose le dire, des dieux

[ocr errors]
« PreviousContinue »