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LETTRE PREMIÈRE.

DE L'ABBÉ BOSSUET AU MINISTRE FERRY (*).

Il lui demande de pouvoir conférer avec lui.

MONSIEUR,

J'ENVOIE apprendre des nouvelles de votre santé, et vous supplier de me mander quel jour nous pourrons conférer ensemble. Ce sera dès aujourd'hui, si votre commodité le permet, sinon le jour que vous en aurez le loisir. Je me rendrai chez vous et en votre bibliothèque, vous suppliant seulement que nous soyons seuls et en liberté. Songez à votre santé, et croyez que je suis très-parfaitement à vous.

A Metz, 1666.

BOSSUET, grand doyen de Metz.

(*) Paul Ferry, celui même dont Bossuet a réfuté le Catéchisme.

LETTRE II.

DE L'ABBÉ BOSSUET AU MÊME,

sur L'ÉCRIT SUIVANT QU'IL LUI envoie.

Je vous envoie, Monsieur, par écrit, ce que j'eus l'honneur de vous dire dernièrement. Je l'aurois fait plutôt, si j'en eusse eu le loisir. Je vous prie de me mander si je pourrai avoir l'honneur de vous entretenir jeudi matin, et de me croire à jamais,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

BOSSUET.

EXPLICATION

DE DIFFÉRENS POINTS DE CONTROVERSE,

Donnée aux Protestans de Metz par l'abbé Bossuet, pour parvenir à les réunir à l'Eglise.

DU MÉRITE DES OEUVRES.

Sur le mérite des œuvres, l'Eglise catholique croit que la vie éternelle doit être proposée aux enfans de Dieu, et comme une grâce qui leur

est miséricordieusement promise par notre Seigneur Jésus-Christ, et comme une récompense qui leur est fidèlement rendue en vertu de cette promesse (1).

Elle croit que le mérite des œuvres chrétiennes provient de la grâce sanctifiante, qui nous est donnée gratuitement par Jésus-Christ, et que c'est un effet de l'influence continuelle de ce divin chef sur ses membres.

Comme c'est le Saint-Esprit qui fait en nous, par sa grâce, tout ce que nous faisons de bien, l'Eglise catholique ne peut croire que les bonnes œuvres des fidèles ne soient très-agréables à Dieu, et de grande considération devant lui; et elle se sert du mot de mérite pour signifier la valeur, le prix et la dignité de ces œuvres, que nous faisons par la grâce du Saint-Esprit. Mais comme toute leur sainteté vient de Dieu, qui fait les bonnes œuvres en nous, elle enseigne, qu'en couronnant les mérites de ses serviteurs, il couronne ses dons (2).

Enfin elle enseigne, que nous qui ne pouvons rien de nous-mêmes, pouvons tout avec celui qui nous fortifie; en telle sorte, que l'homme n'a rien de quoi se glorifier ni de quoi se confier en lui-même, mais que toute sa confiance et toute

(1) Ce sont les propres paroles du concile de Trente. Sess. v, сар. 16.

(2) Absit ut christianus homo in se ipso vel confidat vel glorietur, et non in Domino; cujus tanta est erga omnes homines bonitas, ut eorum velit esse merita quæ sunt ipsius dona. Ibid.

sa gloire est en Jésus-Christ, en qui nous vivons, en qui nous méritons, en qui nous satisfaisons, faisant des fruits dignes de pénitence, qui ont de lui toute leur force, par lui sont offerts au Père, et en lui sont acceptés par le Père (1). C'est pourquoi nous demandons tout, nous espérons tout, nous rendons grâces de tout par notre Seigneur Jésus-Christ, etc. Nous ne comprenons pas qu'on puisse nous attribuer une autre pensée.

DE L'EUCHARISTIE ET DU SACRIFICE.

Sur la sainte Eucharistie, l'Eglise distingue deux choses; savoir, la consécration, et la manducation ou participation actuelle de cette viande céleste (2).

Par la consécration, nous croyons que le pain et le vin sont changés réellement au corps et au sang de Jésus-Christ.

Par la manducation, nous croyons recevoir ce corps et ce sang aussi réellement et aussi substantiellement qu'ils ont été donnés pour nous à la croix.

Nous croyons que ces deux actions distinctes,

(1) Nam qui ex nobis tanquam ex nobis ihil possumus, eo cooperante qui nos confortat omnia possumus ita non habet homo unde glorietur; sed omnis gloriatio nostra in Christo est, in quo vivimus, in quo meremur, in quo satisfacimus, facientes fructus dignos pœnitentiæ, qui ex illo vim habent, ab illo offeruntur Patri, per illum acceptantur à Patre. Sess. XIV, cap. Ș.

(2) Notez, par ce qui suit, que la doctrine du sacrifice de l'Eucharistie est une dépendance de celle de la réalité. ( Edit. de Déforis.)

c'est-à-dire, tant la consécration que la manducation, sont très-agréables à Dieu.

C'est en la consécration que consiste principalement l'action du sacrifice que nous reconnoissons dans l'Eucharistie, en tant que la mort de Jésus-Christ y est représentée, et que son corps et son sang y sont mystiquement séparés par ces divines paroles: Ceci est mon corps; ceci est mon sang.

Nous croyons donc que, par ces paroles, nonseulement Jésus-Christ se met lui-même actuellement sur la sainte table, mais encore qu'il s'y met revêtu des signes représentatifs de sa mort. Ce qui nous fait voir que son intention est de s'y mettre comme immolé; et c'est pourquoi nous disons que cette table est aussi un autel.

Nous croyons que cette action, par laquelle le Fils de Dieu est posé sur la sainte table sous les signes représentatifs de sa mort, c'est-à-dire, la consécration, porte avec soi la reconnoissance de la haute souveraineté de Dieu, en tant que JésusChrist présent y renouvelle la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix, et l'y perpétue en quelque sorte.

Nous croyons aussi que cette même action nous rend Dieu propice, parce qu'elle lui remet devant les yeux la mort volontaire de son Fils pour les pécheurs, ou plutôt son Fils même revêtu, comme il a été dit, des signes représentatifs de cette mort par laquelle il a été appaisé.

C'est pour cela que nous disons que Jésus-Christ

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