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ouvrier reconnut qu'il se trouvait accidentellement percé d'un trou: c'était en tombant goutte à goutte, par ce trou, dans l'intérieur du cylindre, que l'eau froide, condensant plus rapidement la vapeur, accélérait, comme on l'avait observé, les mouvements du piston. Cette remarque porta ses fruits. On avait opéré jusque-là la condensation de la vapeur en dirigeant un courant d'eau froide dans une enveloppe métallique qui entourait extérieurement le cylindre; cette enveloppe fut supprimée, et l'on condensa la vapeur en injectant une pluie d'eau froide dans l'intérieur même du cylindre, à l'aide d'un tube se terminant en pomme d'arrosoir. Grâce à ce perfectionnement, la machine put donner huit à dix coups de piston par minute.

Amenée à cet état, la machine de Savery, Newcomen et Cawley, qui fut désignée généralement sous le nom de machine de Newcomen, se répandit rapidement en Angleterre, et fut adoptée dans presque toutes les exploitations de mines; elle y remplaça l'ancienne pompe de Savery, et de nos jours encore, dans certaines parties de l'Angleterre où le combustible n'a que peu de valeur, on la voit fonctionner avec quelque succès. Ainsi l'admirable conception de Papin était entrée d'une manière définitive dans le domaine de l'industrie.

La figure suivante fera comprendre les divers éléments qui composent la machine de Newcomen.

Une chaudière A, munie d'une soupape de sûreté O, dirige sa vapeur dans l'intérieur du cylindre & qui là surmonte. Le piston H qui parcourt ce cylindre est fixé, par une chaîne de fer, à l'une des extrémités d'un lourd balancier L, qui peut tourner sur son point d'appui ; l'autre extrémité de ce balancier est munie d'une seconde chaîne supportant un contre-poids M et une longue tige N qui lui fait suite, et qui descend dans le puits de la mine pour y faire mouvoir les pompes destinées à l'épuisement des eaux. Quand la vapeur arrive dans l'intérieur du cylindre, elle soulève le piston de bas en haut, en surmontant

l'effort de la pression atmosphérique; dès lors le contre-poids M s'abaisse en vertu de la pesanteur, il fait basculer le balancier, qui achève de soulever le piston jusqu'au haut de sa course. Si l'on ferme alors le robinet a pour arrêter l'afflux de la vapeur venant de la chaudière, et qu'en même temps on ouvre le robinet b de manière à faire couler dans l'intérieur

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du cylindre un courant d'eau froide qui descend, par un tuyau d, du réservoir G, on détermine la condensation subite de la vapeur qui remplissait le cylindre. La condensation de la vapeur opère le vide dans cet espace, et dès lors le poids de l'atmosphère au-dessus du piston, n'étant plus contre-balancé au-dessous de lui par la tension de la vapeur, précipite jusqu'au bas

de sa course le piston qui entraîne le balancier dans sa chute. Il suffit donc d'ouvrir alternativement les deux robinets a et b pour obtenir, d'une manière continue, les mouvements ascendant et descendant de la tige N. L'eau qui a servi à la condensation s'écoule hors du cylindre à l'aide d'une ouverture F et d'un tuyau c, muni d'un robinet que l'on ouvre de temps en temps. Comme l'effet de la machine dépend uniquement de la pression exercée par l'air atmosphérique sur la tête du piston, on comprend que l'on peut obtenir une puissance motrice aussi grande qu'on le désire, en donnant à la surface du piston les dimensions convenables.

Tel est le mécanisme de la pompe à feu de Newcomen, dont le principe moteur est, à proprement parler, le poids de l'atmosphère, et qu'il faudrait, d'après cela, désigner sous le nom de machine atmosphérique, ou, si l'on veut, de machine à vapeur atmosphérique. Elle présente la plus remarquable application des travaux exécutés par les physiciens du XVIIe siècle sur la pesanteur de l'air et sur l'emploi de cette force motrice; il était donc nécessaire de rappeler l'histoire de ces travaux pour faire comprendre les dispositions primitives de la machine à

vapeur.

CHAPITRE VII.

Progrès Découverte

Perfectionnements apportés à la machine de Newcomen. de la physique touchant la théorie de la chaleur. du thermomètre. Travaux de Black sur la chaleur latente et la vaporisation.

La pensée qui nous guide dans cette notice, c'est de montrer que la création des différents organes de la machine à vapeur fut toujours la conséquence et l'application des découvertes

théoriques successivement réalisées dans la science. On a vu qu'avant l'institution de la physique moderne, rien de ce qui ressemble à la machine à vapeur n'avait été et n'avait pu être conçu. Mais dès que la physique, issue des travaux de Galilée, commence à essayer ses premiers pas, dès le moment où les découvertes de Pascal et d'Otto de Guericke ont marqué ses brillants débuts, on voit ces faits passer immédiatement dans la pratique, et le génie de Papin s'en emparer presque aussitôt pour en tirer des applications mécaniques par la création d'un nouveau moteur. Cette liaison étroite qui se fait remarquer entre la situation de la science et les progrès de la machine à vapeur, deviendra plus sensible et plus évidente encore à mesure que nous avancerons dans l'histoire de ses perfectionnements. Nous allons voir une période de plus de soixante années s'écouler sans apporter aucune amélioration aux principes mécaniques concernant l'emploi de la vapeur d'eau. L'explication de ce fait, qui a beaucoup étonné jusqu'ici, paraîtra fort simple, si l'on considère que, dans ce long intervalle, la théorie de la chaleur resta complétement stationnaire. Les physiciens, tout entiers à l'étude nouvelle et si remplie d'attraits des phénomènes électriques, n'avaient pas encore abordé l'examen des faits qui se rapportent à la chaleur; ce n'est que vers l'année 1760 que les théories de la vaporisation, de la condensation et du changement d'état des corps, furent établies par Joseph Black. Aussi, durant cette longue suite d'années qui s'étend depuis la construction de la première machine atmosphérique par Newcomen, jusqu'aux travaux de Black en 1760, l'histoire de la machine à vapeur n'offre-t-elle à signaler que des perfectionnements apportés à la partie exclusivement mécanique des appareils. Tout ce qui concerne le principe d'action de la machine reste entièrement en dehors de ces modifications secondaires qu'il nous suffira dès lors de mentionner en quelques mots. Le premier perfectionnement apporté au mécanisme de la

pompe à feu est dû à une circonstance qu'il est assez curieux de connaître. Dans la machine telle que Newcomen l'avait construite, les deux robinets destinés à donner accès à la vapeur, et à introduire l'eau de condensation dans l'intérieur du cylindre, s'ouvraient et se fermaient à la main. Un ouvrier, et souvent un enfant, étaient chargés d'exécuter cette opération, et quelles que fussent leur habitude ou leur adresse, on ne pouvait obtenir ainsi plus de dix à douze coups de piston par minute; en outre, la moindre distraction de la part de l'apprenti, non-seulement retardait le jeu de la machine, mais pouvait compromettre son existence. En 1713, un enfant chargé de ce soin, contrarié, dit-on, de ne pouvoir aller jouer avec ses camarades, imagina un moyen de se soustraire à cette sujétion forcée. Il avait remarqué que l'un des robinets devait être ouvert au moment où le balancier a terminé sa course descendante, pour se fermer au commencement de l'oscillation opposée la manœuvre du second robinet était précisément l'inverse. Les positions du balancier et du robinet se trouvant ainsi dans une dépendance nécessaire, l'enfant reconnaît que le balancier lui-même pourrait servir à ouvrir et à fermer les robinets. Son plan est aussitôt conçu et mis à exécution. Il attache à chacun des robinets deux ficelles de longueur inégale, et après de longs tâtonnements, il fixe leur extrémité libre à des points convenablement choisis sur le balancier; de telle sorte qu'en s'élevant ou s'abaissant par l'action de la vapeur, le balancier ouvrait ou fermait lui-même les robinets au moment nécessaire. La machine put ainsi marcher sans surveillant, et l'apprenti s'en alla triomphalement rejoindre ses camarades. La tradition nous a conservé le nom de cet utile paresseux: il s'appelait Humphry Potter.

Le mécanicien Beighton substitua aux ficelles du jeune Potter des tringles de fer verticales. C'est en 1718 que Beighton établit à Newcastle une machine de Newcomen dans laquelle,

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