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plit de flamme sa capacité entière, pour que l'air en fût complétement chassé, et que le tube placé au-dessous du piston restat tout à fait vide d'air. On dit alors que le résultat n'avait pas été satisfaisant, et que, malgré toutes les précautions dont on a parlé, il était toujours resté dans le tube environ la cinquième partie de l'air qu'il peut contenir. De là deux inconvénients : 1° On n'obtient que la moitié de l'effet désiré, et l'on n'élève à la hauteur d'un pied qu'un poids de 450 livres au lieu de 300, qui auraient dû être élevées si le tube avait été parfaitement vide; 2" à mesure que le piston descend, la force qui le presse du haut en bas diminue graduellement, comme on l'a observé au même endroit. Il est donc indispensable que nous tentions, par un moyen quelconque, de diminuer la résistance dans la même proportion que la force motrice diminue elle-même, pour que cette force motrice la surpasse jusqu'à la fin. C'est ainsi que dans les horloges portatives (les montres) on ménage avec art la force inégale du ressort qui meut tout le système, afin que pendant tout le temps il puisse vaincre, avec une égale facilité, la résistance des roues. Mais il serait bien plus commode encore d'avoir une force motrice toujours égale depuis le commencement jusqu'à la fin. On a donc fait dans ce but quelques essais pour obtenir un vide parfait à l'aide de la poudre à canon; car par ce moyen, comme il n'y aurait plus d'air pour résister au piston, toute la colonne atmosphérique supérieure pousserait ce piston jusqu'au fond du tube avec une force uniforme. Mais jusqu'à ce moment toutes les tentatives ont été infructueuses, et après l'extinction de la poudre enflarmée il est toujours resté dans le tube environ la cinquième partie de l'air. J'ai donc essayé de parvenir par une autre route au même résultat, et comme, par une propriété qui est naturelle à l'eau, une petite quantité de ce liquide, réduite en vapeur par l'action de la chaleur, acquiert une force élastique semblable à celle de l'air, et revient ensuite à l'état liquide par le refroidissement, sans conserver la moindre apparence de sa force élastique, j'ai été porté à croire que l'on pourrait construire des machines où l'eau, par le moyen d'une chaleur modérée, et sans frais considérables, produirait le vide parfait que l'on ne pouvait pas obtenir à l'aide de la poudre à canon. Parmi les différentes constructions que l'on peut imaginer à cet effet, voici celle qui m'a paru la plus commode.

A est un tube d'un diamètre partout égal, exactement fermé

dans sa partie inférieure; B est un piston adapté à ce tube; H un manche, ou tige, fixé au piston; EH une verge de fer qui se meut horizontalement autour de son axe : un ressort presse la verge de fer EH, de manière à la pousser nécessairement dans l'ouverture Haussitôt que le piston et sa tige sont élevés à une hauteur telle que l'ouverture soit au-dessus du couvercle; C est un petit trou pratiqué dans le piston, par lequel

E

Α

M

l'eau peut sortir du fond du tube A lorsqu'on enfonce, pour la première fois, le piston dans ce tube.

Voici quel est l'usage de cet instrument. On verse dans le tube A une petite quantité d'eau, à la hauteur de trois ou quatre lignes, puis on introduit le piston, et on le pousse jusqu'au fond, jusqu'à ce qu'une partie de l'eau versée sorte par le trou C; alors ce trou est fortement bouché par la verge M; on place ensuite le couvercle où sont pratiquées les ouvertures nécessaires. Au moyen d'un feu modéré, le tube A, qui est en métal très mince, s'échauffe bientôt, et l'eau changée en vapeur exerce une pression assez forte pour vaincre le poids de l'atmosphère, et pousser en haut le piston B jusqu'au moment où le trou H de la tige du piston s'élève au-dessus du couvercle; alors on entend le bruit de la verge EH, poussée dans l'ouverture H par le ressort. Il faut, dans ce moment, ôter aussitôt le feu, et les vapeurs renfermées dans le tube à minces parois se résolvent bientôt en eau par l'action du froid, et laissent le tube parfaitement vide d'air. On retire ensuite la verge EH de l'ouverture H, ce qui permet à la tige de redescendre; aussitôt le piston B éprouve la pression de tout le poids de l'atmosphère, qui produit avec d'autant plus de force ce mouvement désiré que le diamètre du tube est plus grand. On ne peut douter que le poids de la colonne atmosphérique ne soit mis tout entier à profit dans. des tubes de cette espèce. J'ai reconnu, par expérience, que le piston élevé par la chaleur au haut du tube redescendait peu après jusqu'au fond, et cela à plusieurs reprises, en sorte que l'on ne peut supposer l'existence de la plus petite quantité d'air qui res

terait dans le fond du tube; or mon tube, dont le diamètre n'excède pas deux doigts, élève cependant un poids de 60 livres avec la même vitesse que le piston descend dans le tube, et le tube lui-même pèse à peine 5 onces. Je suis donc convaincu qu'on pourrait faire des tubes pesant au plus 40 livres chacun, et qui cependant pourraient à chaque mouvement élever à 4 pieds de haut un poids de 2000 livres. J'ai éprouvé, d'ailleurs, que l'espace d'une minute suffit pour qu'avec un feu modéré le piston soit porté jusqu'au haut de mon tube; et comme le feu doit être proportionné au diamètre des tubes, de très grands tubes pourraient être échauffés presque aussi vite que des petits on voit clairement par là quelles immenses forces motrices on peut obtenir au moyen d'un procédé si simple, et à quel bas prix. On sait en effet que la colonne d'air pesant sur un tube de 4 pied de diamètre égale à peu près 2000 livres; que si le diamètre est de 2 pieds, ce poids sera environ de 8000 livres, et que la pression augmentera, ainsi de suite, en raison des diamètres. Il suit de là que le feu d'un fourneau qui aurait un peu plus de 2 pieds de diamètre suffirait pour élever à chaque minute 8000 livres pesant à une hauteur de 4 pieds, si l'on avait plusieurs tubes de cette hauteur, car le feu, renfermé dans un fourneau de fer un peu mince, pourrait être facilement transporté d'un tube à un autre; et ainsi le même feu procurerait continuellement, soit dans l'un, soit dans l'autre tube, ce vide dont les effets sont si puissants. Si l'on calcule maintenant la grandeur des forces que l'on peut obtenir par ce moyen, la modicité des frais nécessaires pour acquérir une quantité de bois suffisante, on avouera sans doute que notre méthode est de beaucoup supérieure à l'usage de la poudre à canon, dont on a parlé plus haut, surtout puisqu'on obtient ainsi un vide parfait, et qu'on obvie aux inconvénients que nous avons énumérés.

Comment peut-on employer cette force pour tirer hors des mines l'eau et le minerai, pour lancer des globes de fer à de grandes distances, pour naviguer contre le vent et pour faire beaucoup d'autres applications? C'est ce qu'il serait beaucoup trop.long d'examiner. Mais chacun, dans l'occasion, doit imaginer un système de machines approprié au but qu'il se propose. Je dirai cependant ici en passant sous combien de rapports une force motrice de cette nature serait préférable à l'emploi des rameurs ordinaires pour imprimer le mouvement aux vaisseaux : 1o Les

rameurs ordinaires surchargent le vaisseau de tout leur poids, et le rendent moins propre au mouvement; 2° ils occupent un grand espace, et par conséquent embarrassent beaucoup sur le vaisseau; 3o on ne peut pas toujours trouver le nombre d'hommes nécessaire; 4 les rameurs, soit qu'ils travaillent en mer, soit qu'ils se reposent dans le port, doivent toujours être nourris, ce qui n'est pas une petite augmentation de dépense. Nos tubes, au contraire, ne chargeraient, comme on l'a dit, le vaisseau que d'un poids très faible; ils occuperaient peu de place; on pourrait se les procurer en quantité suffisante s'il existait une fois une fabrique pour les confectionner; et enfin ces tubes ne consumeraient du bois qu'au moment de l'action, et n'entraîneraient aucune dépense dans le port. Mais comme des rames ordinaires seraient mues moins commodément par des tubes de cette espèce, il faudrait employer des roues à rames telles que je me souviens d'en avoir vu dans la machine construite à Londres par l'ordre du sérénissime prince palatin Rupert. Elle était mise en mouvement par des chevaux à l'aide de rames de cette espèce, et laissait de bièn loin derrière elle la chaloupe royale, qui avait cependant seize rameurs. Il n'est pas douteux que nos tubes pussent imprimer un mouvement de rotation à des rames fixées à un axe, si les tiges des pistons étaient armées de dents qui s'engrèneraient nécessairement dans des roues également dentées et fixées à l'axe des rames. Il serait nécessaire seulement que l'on adaptât trois ou quatre tubes au même axe, pour que son mouvement pût continuer sans interruption. En effet, tandis qu'un piston toucherait au fond de son tube, et ne pourrait plus, par conséquent, faire tourner l'axe avant que la force de la vapeur l'eût élevé au sommet du tube, on pourrait, au moment même, éloigner l'arrêt d'un autre piston qui, en descendant, continuerait le mouvement de l'axe. Un autre piston serait ensuite poussé de la même manière et exercerait sa force motrice sur le même axe, tandis que les pistons, abaissés en premier lieu, seraient de nouveau élevés par la chaleur, et se retrouveraient ainsi en état de mouvoir le même axe de la manière précédemment décrite. D'ailleurs, un seul fourneau et un peu de feu suffiraient pour élever successivement tous les pistons. Mais on objectera peut-être que les dents des tiges engrenées dans les dents des roues exerceront sur l'axe des actions en sens inverse quand elles descendront et quand elles remonteront, et qu'ainsi les pistons montants contrarieront le mouvement

des pistons descendants, et réciproquement. Cette objection est sans force. Tous les mécaniciens connaissent parfaitement un moyen par lequel on fixe à un axe des roues dentées qui, mues dans un sens, entraînent l'axe avec elles, et qui, dans l'autre sens, ne lui communiquent aucun mouvement, et le laissent obéir librement à la rotation opposée. La principale difficulté est donc d'avoir une fabrique où l'on forge facilement ces grands tubes, comme on l'a dit en détail dans les Actes des érudits, du mois de septembre 1688. Et cette nouvelle machine doit être un nouveau motif pour accélérer cet établissement, car elle démontre clairement que ces grands tubes pourraient être appliqués très commodément à plusieurs usages importants.

(Actes des érudits, août 1690.)

NOTE III.

NOUVEAUX DOCUMENTS SUR L'HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE
DES BATEAUX A VAPEUR.

Par le professeur Kuhlmann, de Hanovre.

Dans l'histoire des bateaux à vapeur, le nom de Papin est connu de tous ceux qui s'intéressent à cette branche des arts. Mais on avait ignoré jusqu'ici la part véritable que Papin avait prise à cette découverte. En effet, ce que rapportent à ce sujet M. Arago dans sa Notice, et M. Mellet dans sa traduction de l'ouvrage de Tredgold sur la Machine à vapeur (p. 43 et 87), fait seulement connaître les idées de Papin sur cette question, mais ne nous apprend rien sur la participation personnelle de ce savant à cette découverte au point de vue pratique. C'est donc avant autant de surprise que de bonheur que l'on a appris, depuis qu'il a été permis d'examiner les manuscrits de Leibnitz dans la bibliothèque de Hanovre, qu'il existe dans ces manus crits une correspondance entre Leibnitz et Papin, qui prouve jusqu'à l'évidence que, le 27 septembre 1707, Papin a navigué

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