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qu'une colonie contrainte par la nécessité et pourvue de moyens suffisans, pût y construire des citernes, y élever des murs, y bâtir des maisons et tous les ouvrages qui caractérisent une cité. Or cette colonie paraît avoir été la portion d'habitans échappés à la ruine de l'ancienne Tyr continentale: c'est donc celle-ci dont Josephe nous dit, en un autre passage, que les archives phéniciennes plaçaient la fondation 240 ans avant le temple des Juifs par Salomon. Cette date répond, selon ses calculs, à l'an 1256 avant J.-C.; car nous avons vu qu'il compte 470 ans entre la fondation et sa ruine par Nabukodonosor (en 586 avant J.-C.). Justin semble dire la même chose quand il place cette fondation de Tyr l'année avant la ruine de Troye; en effet, selon quelques historiens grecs, la ruine de Troye eut lieu vers

1255 ou 1256.

Contre Josephe et Justin, on pourrait alléguer le livre intitulé Josué, qui fait mention de Tyr comme d'une ville frontière des tribus juives dans leur acte de partage; mais pour quiconque a lu avec attention le livre intitulé Josué, il est dé

Justin., liv. XVIII, chap. III. Il attribue aux Philistins d'Ascalon la prise de Sidon, qui occasionną la fondation de Tyr; et la plus grande puissance des Philistins fut au tems des. juges,

montré que ses récits vagues et sommaires d'évé nemens sans date et désignés comme anciens ( ne sont qu'une compilation posthume de traditions et de monumens déjà écrits, laquelle a pu se retarder jusqu'au tems de Samuel; et la citation du nom de Tyr, loin d'être une objection contre les annales officielles et régulières des Phéniciens, devient plutôt une preuve nouvelle et décisive de la composition tardive du livre juif intitulé Josué, sans auteur nommé, ni tems

connu.

Après la réduction de Tyr et de Jérusalem (1),

(1) Josué, chap. IX, v. 27. «Et Josué accorda aux Ga» baonites d'être les coupeurs de bois et les porteurs d'eau » habituels à l'Autel-de-Dieu, jusqu'à ce jour..... Ibid., » chap. vi, v. 25: Et les descendans de la courtisane » Rahab ont vécu au milieu du peuple (d'Israël) jusqu'à » ce jour.....» On trouve jusqu'à dix faits cités avec cette expression jusqu'à ce jour, qui désigne une durée déjà prolongée depuis l'origine. Les Gabaonites paraissent avoir joui jusqu'à Salomon, de leur privilége, qui ne fut troublé que par Saül. Ainsi la rédaction du livre de Josué prend une grande latitude.

(2) Si l'on voulait en croire les Juifs, ces guerres opiniâtres et meurtrières que leur firent pendant un siècle et demi les rois de Ninive et de Babylone, n'avaient d'autre motif que la colère du dieu d'Abraham contre le culte des idoles pratiqué par sa race. Mais pour peu que l'on réfléchisse sur

Nabukodonosor, possesseur tranquille de toute la Syrie, paraît s'être retiré à Babylone, et y avoir passé le reste de son règne à la construction des immenses ouvrages dont nous avons parlé, chap. III, pag. 15.

C'est l'indication qui résulte du silence absolu de Berosse sur aucune autre expédition étrangère et lointaine, et de celui de Josephe, qui continuant l'histoire de la Judée à cette époque, et qui ayant en main les écrits de Berosse et des autres historiens, n'eût pas manqué de citer une expédition importante; enfin c'est encore le résultat des écrits de Jérémie, qui fut un écrivain contemporain et vécut plusieurs années après la ruine de Jérusalem. En quel tems donc, à quelle époque faut-il placer cette prétendue conquête de l'Egypte que supposent les écrivains dits ecclésiastiques, et cette grande expédition de Nabukodonosor en Lybie et en Ibérie, qui n'a de garant que Mégasthènes, cité

l'état politique et civil de ces tems reculés, il est facile de voir que la richesse territoriale et commerciale des Juifs et des Phéniciens fut le véritable motif des guerres que leur firent les rois de l'Euphrate et du Tigre, jaloux d'ailleurs du commerce que les Tyriens et les Palestins faisaient par la mer Rouge dans le golfe Persique, où ils causaient une dérivation des richesses, qui sans cela seraient remontées à Babylone et à Ninive.

ensuite par Strabon, par Polyhistor, etc., par Josephe, etc.

CHAPITRE XV.

Prétendue expédition en Égypte, en Lybie, en Ibérie, sans preuves et sans vraisemblance.

A L'ÉGARD de l'Égypte, Hérodote qui a bien connu l'histoire de cette contrée pendant toute cette période 1, n'indique pas un mot, ne donnè pas un soupçon de cette prétendue conquête, qui eût dû faire beaucoup de bruit. Il y voyageait cent ans après Nabukodonosor, et voici l'extrait de tout ce qu'il dit de relatif à cette période.

<< Nekos, après un règne de 16 ans, meurt (en 602) sans autre échec que sa dernière campagne (bien détaillée par les Hébreux). Psammis, son fils, lui succède, sans la moindre mention d'une invasion récente de la part des Kaldéens, dont les conquêtes se bornèrent au torrent d'Egypte, selon les Hébreux. Psammis ne règne que six ans et

(1) Hérod., liv. II, depuis le n° 158 jusqu'au 169o.

meurt (597), après avoir fait en Ethiopie une expédition qui prouve sa sécurité. Son fils Apriès lui succède (en 596), et fut après Psammiticus, son bisaïeul, le plus heureux des rois ses prédécesseurs. Il règne 25 ans ; il a sur mer des succès contre les Sidoniens et les Syriens; mais il termine par un revers contre les Kyrénéens. Ses troupes se révoltent, et couronnent Amasis (en 570) qui le fait étrangler, et qui règne très-heureusement. Dans tous ces règnes, on n'aperçoit aucun indice, aucupe trace de la prétendue conquête des Babyloniens.

Jérémie dont on réclame ici l'autorité comme prophête, prouve la négative comme historien; car après la ruine de Jérusalem et l'assassinat de Godolias, gouverneur kaldéen, les Juifs qui craignaient la vengeance de Nabukodonosor, se retirèrent en Egypte, dit Jérémie, parce qu'ils crurent y vivre en paix et en sûreté : donc le pays n'était pas au pouvoir de Nabukodonosor. L'Egyptien Apriès y régnait tranquille et heureux . II est bien vrai que Jérémie dit au chapitre XLIV, v. 30: « Je livrerai Pharaon, Haphra (Apriès),

(1) Voyez Jérémie, chap. XLII, XLIII, XLIV. Le ch. LII, v. 3o, indique cette fuite l'an 22 de Nabukodonosor(l'an 583). L'année suivante (582), son général Nabusardan vint faire un enlèvement de Juifs pour châtiment.

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