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"bu citadelles, l'un à l'est, l'autre à l'ouest du fleuve, et que le château du couchant eut une triple enceinte ; ce doit être là l'objet désigné par Berosse : il aura donné le nom de ville à ces deux • forteresses, et il aura appelé extérieure celle située à l'ouest de l'Euphrate ("), parce que se trouvant dans le désert arabe, elle était réellement en dehors de la Babylonie propre; tandis que le château de l'est, situé dans l'île formée par l'Euphrate et le Tigre, était placé dans l'intérieur du pays. Admettant ces châteaux construits par Sémiramis près de six siècles auparavant, leurs murs devaient être d'autant plus ruinés, que les rois de Ninive, inquiets et jaloux, dûrent négliger ces moyens de défense d'une grande cité mécontente: Nabukodonosor dut réparer les murs de la grande enceinte ; et il put ajouter une triple muraille au château de l'est qui n'avait qu'un mur. Berosse ainsi expliqué, semblerait prétendre que Nabukodonosor les bâtit de fond en comble; mais s'il eut pour objet d'opposer un obstacle à un ennemi déjà introduit, la prudente Sémiramis n'a pu manquer d'avoir la même idée.

Enfin Berosse dit que Nabukodonosor se construisit un palais plus grand, plus somptueux que celui de son père; que dans ce château fut élevé

() Voyez le plan de Babylone, chap. VII.

le fameux jardin suspendu, et que tout ce travail ne dura que quinze jours. Ktésias est d'accord pour l'ouvrage ; mais quant au tems, Mégasthènes prétend que ce fut Babylone même que Nabukodonosor entoura d'un triple mur dans l'espace de quinze jours. On aperçoit ici une confusion évidente faite par cet écrivain, qui applique à la ville ce que Berosse entend du château, et cet exemple nous montre la probabilité d'une confusion inverse, mais du même genre, faite soit par Josephe, soit par Berosse même, ou par ses copistes.

En résumant cet article, il nous semble que les ouvrages réels de Nabukodonosor sont,

1°. Le palais du jardin suspendu, qui ne lui est contesté par personne ;

2° La forteresse de Teredon;

3° Les écluses et les digues contre les reflux du golfe Persique;

4° Le bassin et les vannes en faveur de la ville de Siparis;

5° La réparation des murs de la grande enceinte de Babylone;

6. L'application des portes d'airain à ces murs; 7° La réparation du château à triple enceinte, et la reconstruction du château de l'est sur pareil plan.

Il reste toujours à Sémiramis,

1° La construction première et fondamentale du grand mur de 360 stades;

2°. Le quai le long de l'Euphrate;

3° Le boyau ou galerie sous-fluviale;

4° Les deux châteaux aux issues de cette galerie et du pont;

5° Le grand bassin de dérivation;

6° Enfin la tour ou pyramide du temple de Belus.

CHAPITRE IV.

Autorités respectives de Berosse et de Ktésias, comparées et appréciées.

DANS le conflit de Berosse et de Ktésias, tel que nous le voyons, une difficulté se présente. Comment concevoir, pourra-t-on dire, qu'un indigène babylonien, qu'un prêtre chaldéen ait eu sur la fondation de sa métropole, des notions moins exactes que des étrangers perses, mèdes ou assyriens, de qui Ktésias a emprunté ses documens? Deux considérations nous rendent ceci très-concevable.

La première est que, relativement aux Babyloniens, les Ninivites étaient des usurpateurs dont

le joug dut être odieux et pesant; Sémiramis dut personnellement laisser une mémoire flétrie par l'assassinat du roi son époux, par la publicité de ses débauches, par les vexations de ses immenses travaux ; et l'opinion put lui refuser les honneurs de la fondation, ne fût-ce que par respect pour le dieu Belus, à qui les traditions attribuaient toute l'organisation du pays.

La seconde est que le roi babylonien NabonAsar ayant supprimé tous les actes de ses prédécesseurs, afin que désormais la liste des rois de Babylone commençât par lui, il ne dut rester en cette ville et dans ce pays aucune archive ancienne, aucun document officiel sur la fondation par Sémiramis. Dès-lors Berosse n'a dû avoir aucun moyen national de remonter historiquement au-delà du règne de Nabonasar, c'est-à-dire au-delà de l'an 747; et voilà pourquoi les observations recueillies par Berosse, ainsi que Pline nous l'apprend, ne remontaient qu'à 480 ans (voyez la note page 18) avant la publication de son livre, en l'an 268; en effet, ajoutez 268 à 480, vous arrivez juste à l'année 747, première de Nabonasar. Il était politiquement interdit à Berosse de connaître rien au-delà, comme il fut interdit aux écrivains perses depuis Ardeschir, de connaître le vrai tems et le vrai nombre des rois écoulés entre Alexandre et ce prince.

Par inverse, nous trouvons à l'avantage de Ktésias une circonstance qui nous avait d'abord échappé, et que l'équité nous fait un devoir, de rétablir ici. Cette circonstance nous est fournie par un passage du livre d'Esdras, dont la conséquence est que les archives citées par Ktésias comme la source où il puisa, furent réellement des archives assyriennes, soit en original, soit traduites par les Perses: voici le passage d'Esdras.

<<< Aux jours d'Artahshatah (au tems de Smerdis) >> les Samaritains voulant empêcher les Juifs de >> rebâtir le temple, écrivirent au roi la lettre sui» vante, en langue araméenne ou syriaque. »

« Qu'il vous soit connu que les Juifs renvoyés » par le roi (Kyrus) à Jérusalem, veulent main>> tenant en rebâtir les murs; et que le roi sache » qu'au cas où les Juifs rebâtiront cette ville, >> de tout tems rebelle, elle refusera le tribut : >> nous, serviteurs du roi, qui avons mangé le » sel et le pain de sa maison, nous l'en ́aver>> tissons et vous supplions de faire rechercher » dans le livre de vos pères (parce que) vous >> trouverez dans le livre des histoires, que cette » ville est de tout tems une ville rebelle, enne>> mie des rois, en révolte dès les tems les plus >> anciens; c'est pour cela qu'elle a été détruite. >>> Or voici la réponse que fit le roi :

«L'extrait (ou plutôt la traduction) de la lettre

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