Page images
PDF
EPUB

Dans notre opinion ce seraient les débris de ces quatre tribus, qui se seraient écoulés vers l'Égypte, et nous en trouverions les restes dans les Thamudeni et dans les Madianites et les Amalekites leurs parens : quant à la date de cet événement, ce que les auteurs musulmans nous indiquent ne laisse pas que de se rapprocher. « Le Prince qui vainquit ces Arabes, ajoutent>> ils, s'appeloit Abd-el- Chems; il prit le >> surnom de Saba (le victorieux); son fils » (ou descendant) Homeir, fut l'auteur du » nom de Hemiarites ou Homerites, donné >> aux tribus victorieuses. Celui-ci chassa les >> Arabes Tamoud de l'Iemen dans le Hedjâz. >> Son quinzième descendant fut Haret - el» Raïes » (que nous avons prouvé être contemporain de Ninus et associé à ses conquêtes).

Or Ninus ayant régné en 1230, les 15 générations, si on les évaluait à la manière égyptienne, nous porteraient au-delà de 1700 ans avant J.-C. Mais de plus, il est constant que dans cette antiquité, et même assez généralement dans des tems moins reculés, les Arabes omettent ou suppriment des degrés de filiation; que par le nom de fils ils entendent très-souvent un simple descendant, ensorte qu'il n'est pas du tout prouvé que Homeir ait été le fils immédiat de Saba : d'autre part, l'historien Nouèïri ajoute que Homeir

fut contemporain d'Ismael, fils d'Abraham: ce qui veut dire que Noueiri comparant les calculs arabes aux calculs juifs, a trouvé l'analogie citée. Or dans les calculs des Juifs, Abraham se place entre 1900 et 2000, et cela cadre singulièrement avec nos données. Ce n'est donc pas sans quelque vraisemblance que nous regardons les pasteurs de Manethon comme étant les anciens Arabes chassés par Saba et Homeir, et que nous plaçons l'époque de cet événement vers les années 1800 à 1810.

Nous trouvons d'autres probabilités dans le caractère hardi et féroce de ces expulsés, aigris par leurs malheurs ; dans les idées militaires qu'ils montrent et que leur avaient enseignées des guerres longues et sanglantes; enfin même dans la persécution religieuse qu'ils exercent, attendu qu'étant élevés dans le culte simple du Soleil et des astres, ils dûrent prendre en haine les idoles bizarres des Égyptiens dont ils ne conçurent point le sens allégorique. Ces pasteurs étant de la branche des Arabes noirs, ils furent, en style oriental, des enfans de Kush, en style grec, des Æthiopiens; à ce titre ils étaient parens des Phéniciens, dont Africanus leur applique le nom. Ce nom de Kush serait-il la base de celui d'Y-ks-os que leur donnèrent les Égyptiens? cela n'est pas impossible; mais ce qui est presque certain, c'est que sous

[ocr errors]

le nom d'Éthiopiens, leurs Rois sont du nombre des 18 de ce sang, qu'Hérodote dit avoir régné en Égypte. Il serait étonnant que les prêtres eussent omis cette dynastie qui posséda la BasseÉgypte pendant plus de 200 ans; elle dut même Ꭹ laisser quelques traces de son langage: malheureusement nous n'avons presque rien de l'ancien égyptien (1). Peut-être la pratique de l'Arabe en cette contrée fut elle un des moyens qui en ouvrit aux Phéniciens le commerce, et leur procura la connaissance des idées théologiques et scientifiques de l'Égypte, qu'ils répandirent dans la Grèce plus de 1600 ans avant notre ère; enfin les pasteurs chassés se perdirent dans le désert sans laisser de trace sensible, et il semble qu'il n'y a que des Arabes qui puissent paraître, vivre, et disparaître ainsi.

Un dernier moyen de nous éclairer pourra se trouver dans les monumens pittoresques apportés d'Égypte par les savans français : nous y voyons des scènes de combats qui représentent, d'une part, des Égyptiens reconnaissables à leur physionomie et à leurs costumes; d'autre part, des étrangers dont la tête est ornée de cou

(1) Shât signifie en copte comme en arabe, un canal une rivière.

ronnes de plumes en forme de diadèmes. Il s'agit de savoir si ces physionomies, très-bien exprimées, trouvent leur ressemblance sur quelques médailles ou autres monumens phéniciens ou arabes. Le vainqueur ayant été Roi de Thèbes, il serait naturel que le tableau de son triomphe eût été gravé sur les murs de son palais en cette ville. Les savans descripteurs de ces tableaux ont voulu y voir des Indiens; cela ne réfuterait pas notre conjecture, puisque les habitans de l'Arabie, et surtout de l'Iemen, ont été, comme ceux de l'Éthiopie, désignés en plusieurs occasions par les Grecs et par les Latins, sous le nom d'Indi; voilà tout ce que nous pouvons dire sur ce sujet. Il nous reste un mot à joindre sur les Juifs, d'après les idées de Manethon et de quelques autres anciens historiens.

§. Époque de l'entrée et de la sortie des Juifs,

selon Manethon.

Nous avons prouvé dans le tome Ier de cet ouvrage, chap. 2, 3 et 4°, que les livres juifs ne nous donnent aucune idée claire et précise du tems où se fit la sortie d'Égypte, et cela parce que la période anarchique des Juges présente un vide absolu d'archives et d'annales régulières. Il semble que l'historien Josephe, muni de celles des Phéniciens et des Égyptiens, publiées par Me

nandre l'Éphesien, par Manethon, Lysimaque, Cheremon et d'autres auteurs, eût pu éclaircir cette difficulté ; mais ce prêtre juif fortement imbu de ses préjugés religieux, s'est plutôt occupé de disputer que d'instruire, et ce sont moins des résultats qu'on obtient de lui, que des matériaux. Voyons quel parti l'on peut tirer de ce qu'il nous dit être l'opinion de Manethon dans la question dont il s'agit.

2

Selon Manethon, « les ancêtres du peuple » juif furent un mélange d'hommes de diverses >> castes, même de celles des prêtres égyptiens » qui, pour cause d'impuretés, de souillures >> canoniques, et spécialement pour la lèpre >> furent, sur l'ordre d'un oracle, expulsés d'É» gypte par un Roi nommé Amenoph... » Les livres juifs ne s'éloignent pas de ce récit, lorsqu'ils disent (dans l'Exode) que beaucoup de menu peuple et d'étrangers suivirent la maison d'Israël ; les ordonnances répétées du Lévitique contre la lèpre, prouvent que toutes ces maladies furent dominantes. Un autre reproche d'impureté de la part d'un Égyptien, est la vie pastorale; et les Juifs conviennent qu'ils furent pasteurs:

(1) Joseph, lib. I°, contre Appion, § 26.

(2) Exod., ch. XII.

« PreviousContinue »