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celui

et exploité; et l'un de nous a cherché à prouver que de la Prusse, qui est le plus recherché par sa belle qualité et par son abondance, venait d'un terrain géologiquement analogue à celui de nos glaises de la plaine d'Arcueil; mais les lieux les plus voisins du bassin de Paris, proprement dit, où l'on ait trouvé cette belle résine fossile, étaient vers le N. E., les environs de Soissons, et vers le N., ceux de Gisors. M. Bequerel l'a reconnu dans le lignite de l'argile plastique d'Auteuil; il y est en nodules assez volumineux. Il y présente tous les caractères optiques, chimiques et minéralogiques qui constituent le vrai succin. Voilà pour les corps qui étaient déjà connus pour appartenir à l'argile plastique, et que M. Bequerel a retrouvés dans celle d'Auteuil.

Les corps que ce physicien y a observés, et qu'on n'y avait pas encore indiqués, au moins dans celles du bassin de Paris et de ses annexes, sont : 1o La strontianite ou strontiane sulfatée en cristaux, dans le lignite lui-même ou sur des nodules calcaires qui accompagnent ce dépôt, et dont la texture est celle d'un agrégat très-compliqué. La présence de ces cristaux et de cet agrégat nous instruit sur la position d'une masse semblable trouvée à Bougival, et qui, avant cette observation, était un fait isolé, n'ayant d'autre intérêt que celui d'une rareté minéralogique. 2o Des nodules cylindroïdes de chaux phosphatée terreuse, substance qu'on n'avait pas encore vue, du moins à notre connaissance, dans une position géologique semblable. 3° De la blende ou zinc sulfuré; il a fallu toute la sagacité de M. Bequerel pour découvrir cette substance sur les morceaux de lignite pyriteux où il l'a reconnue ; car elle y est en cristaux presque microscopiques. Mais

c'est un fait intéressant, en ce qu'il nous montre, dans un terrain qu'on regardait comme très-récent, un minerai qui appartient à des terrains regardés généralement comme anciens; en ce qu'il lie la formation de l'argile plastique avec les phénomènes qui ont accompagné celle de la craie et des terrains qui peuvent être de la même époque qu'elle; en ce qu'il semble indiquer que les phénomènes qui avaient amené dans ces terrains des substances métalliques, n'étaient pas tout-à-fait terminés lors de la formation de l'argile plastique; enfin, en ce qu'il contribue avec d'autres observations à séparer encore davantage l'époque du dépôt de cette argile de celle du dépôt des terrains calcaires, gypseux et siliceux qui la recouvrent. 4° Nous avons dit que la position inférieure de l'argile plastique, supposant une époque géologique très-éloignée de l'époque actuelle, devait nous faire présumer que les débris organiques qu'on y trouverait, indiqueraient des êtres très-différens de ceux qu'on voit vivre actuellement dans les environs de Paris. Mais ce dépôt étant principalement lacustre (c'est-à-dire formés dans les lacs ou dans les eaux douces stagnantes), ne pouvait pas présenter, comme les dépôts marins, ces nombreuses familles de coquilles dont les espèces sont souvent si bien caractérisées. Les coquilles d'eau douce, au contraire, peu nombreuses, peu ornées, peu différentes dans leurs formes, et se ressemblant beaucoup dans tous les climats de la surface actuelle de la terre, doivent aussi se ressembler beaucoup dans les différentes couches du globe, quelque différentes que soient les époques de leur formation. Ce n'était donc pas parmi ces corps qu'il fallait espérer trouver de grandes différences, surtout dans

un canton où l'argile plastique et les lignites se présentent si rarement et sous une si petite étendue; c'était plutôt parmi les végétaux et les grands animaux. M. Bequerel n'a point trouvé à Auteuil des empreintes de plantes reconnaissables; mais il y a trouvé des ossemens assez bien conservés, pour que M. Cuvier ait pu y reconnaître des parties d'un animal vertébré, qui devait être de la grande famille des crocodiles.

Or, ce seul aperçu, parfaitement d'accord avec la règle observée et que nous ne rappellerons pas une troisième fois, suffit pour la confirmer; ces ossemens contribueront peut-être, quand ils seront exactement déterminés, à confirmer l'identité de formation que l'un de nous a cherché à établir entre le terrain d'argile plastique, avec son faible dépôt de lignite des environs de Paris, et le terrain étendu composé de puissantes couches de combustibles fossiles qu'on exploite en Provence, sous le nom de houille et de charbon de terre.

En remettant sous les yeux de l'Académie les principaux faits renfermés dans la Notice de M. Bequerel, nous en avons un peu étendu et développé les conséquences, afin d'en faire ressortir plus facilement l'intérèt, et de montrer qu'avec un œil observateur et un esprit judicieux, on peut trouver encore dans le sol des environs de Paris, beaucoup de sujets dignes de l'attention des naturalistes. Nous avons l'honneur de proposer à l'Académie d'approuver le jugement favorable que nous portons sur le Mémoire de M. Bequerel, et d'encourager ainsi ce physicien, qui lui est déjà connu par des travaux d'un autre genre, à ne pas abandonner les recher

ches géologiques pour lesquelles il a montré tant de sa

gacité et un si bon esprit.

BRONGNIART, de l'Institut.

NOTICE SUR L'ÉTABLISSEMENT D'UNE ÉCOLE PRIMAIRE ET D'INDUSTRIE A HOMEL, EN RUSSIE.

S'il est un orgueil excusable et légitime, c'est assurément celui d'un peuple se glorifiant d'avoir répandu les lumières et hâté la civilisation parmi les barbares qui ont triomphé de sa vaillance. Cette conquête, obtenue sur ses vainqueurs, est un titre de gloire qui l'emporte sur tous les autres, autant que les facultés morales et intellectuelles sont placées dans l'estime des hommes au-dessus de la force musculaire. Cet hommage, rendu par le plus fort au plus éclairé, ennoblit les revers de ce dernier, et le console de ses maux : il sent que des représailles morales lui sont offertes; et sa dignité ressemble à celle de la sagesse commandant ie respect à la fortune.

Telle fut l'attitude de la France, lorsqu'elle vit son sol sacré envahi, malgré le courage de ses enfans, par d'innombrables légions descendues du Nord. Plus heureuse que les empires détruits jadis par de semblables débordemens, elle obtint l'hommage et l'admiration de ses vainqueurs. Ses monumens, ses musées, ses écoles furent respectés, et les chefs étrangers, déposant les armes à l'entrée du sanctuaire des sciences, tinrent à honneur d'y être admis, et d'entendre les doctes leçons des savans et des philosophes de la moderne Athènes.

Bien plus, au sein même des hordes barbares, des écoles s'élèvent, et les monarques auxquels ces hordes appartiennent appellent des Français pour semer parmi elles les premiers germes de la civilisation. L'histoire publicra un jour, à la

gloire de notre patrie, que les soldats du Don et de la Néva ont appris à lire en France; qu'ils ont emporté de chez nous notre langage, nos livres, la connaissance de nos mœurs et de nos institutions. Leurs progrès dateront du séjour qu'ils ont fait au milieu de nous; et certes, cette circonstance devra suffire pour effacer, aux yeux de la postérité, la tache de leur apparition sur notre territoire.

Déjà, les effets de cette heureuse contagion se font sentir en Russie. On sait que, dans ce vaste empire où les classes supérieures jouissent de tous les bienfaits de la civilisation, le peuple est demeuré jusqu'à ce jour plongé dans une ignorance profonde et dans un abrutissement sauvage. Enfin, la lumière a frappé les yeux de quelques-uns de ces aveugles, et l'humanité a parlé au cœur des hommes puissans. Le désir de savoir commence à se faire sentir aux premiers, et la volonté d'instruire est inspirée à ceux qui peuvent associer au nom de maître celui de bienfaiteur. Nous nous faisons un devoir, et il est doux à remplir, de donner une nouvelle publicité à un fait déjà publié en Angleterre, mais qui ne peut être trop connu. Honorable pour ceux qui y ont eu et qui y ont part encore, il est satisfaisant et encourageant pour tous les amis de l'humanité; car les amis de l'humanité voient leurs frères et leurs concitoyens dans tous les pays; tout bienfait accordé à des hommes obtient leur reconnaissance personnelle, comme toute guerre à leurs yeux est une guerre civile, une cause directe d'affliction et d'horreur.

Le comte de Romanzof, chancelier de l'empire, l'un des plus riches seigneurs de Russie, et l'un des hommes qui, par sa bienfaisance et ses nobles sentimens, justifie le mieux les faveurs de la fortune; possesseur d'une vaste terre renfermant une ville, quatre-vingt-dix villages et une population de plus de 30,000 âmes, concut, en 1820, le projet d'assurer à ses nombreux vassaux le bienfait de l'instruction, et de

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