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Son style est constamment facile, abondant; un peu négligé peut-être, mais c'est souvent une grâce de plus. Qu'on nous permette de citer quelques lignes, prises au hasard, pour faire connaître la manière habituelle de l'auteur.

« Il y a deux ans que ma tante donna une grande fête pour la naissance d'Eudoxie; tous nos voisins ayant été invités, Philippe et son père y furent admis. Le jeune homme était timide et n'osait se livrer à la société; j'étais triste, et je la fuyais; il n'était pas noble, j'étais sans fortune. Tous deux oubliés, isolés, nous remarquàmes en même tems que nous restions seuls au milieu de la foule. Ce n'est pas nous qui nous sommes cherchés; c'est la joie, ce sont les heureux qui nous ont repoussés hors de leur cercle. »>

Les romans de Mme de Souza sont tous écrits avec ce tour simple et délicat ; ils se font tous lire avec plaisir, on peut ajouter, avec fruit. Une morale pure y respire; la piété filiale, l'affection maternelle, l'amour fondé sur l'estime, l'amitié désintéressée, le dévouement, la générosité, voilà ce qu'elle peint de préférence. Elle abonde en observations fines, exprimées sous une forme ingénieuse; telles sont les suivantes, que je prends sans les choisir :

« Les défauts dont on a la prétention, ressemblent à la laideur parée; on les voit dans tout leur jour.-Presque toutes les femmes passent leur vie à se dire trop jeunes pour savoir jusqu'au jour où elles se croient trop vieilles pour apprendre.

- Je suis effrayée quand je vois dans le monde avec quelle légèreté on risque d'affliger un vieillard ou un malade : saiton si l'on aura le tems de les consoler? »

Je pourrais multiplier ces citations, et je céderais volontiers au plaisir d'en parer cet article. Mais je crois en avoir dit assez pour montrer quel est le caractère qui marque les compositions de Mme de Souza, et qui leur assure un rang fort distingué parmi les ouvrages du même genre que notre époque a produits. H. PATIN.

LITTÉRATURE ORIENTALE.

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ASIATICK RESEARCHES, etc. RECHERCHES ASIATIQUES, Ou MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ÉTABLIE AU BENGALE, pour faire des recherches sur les antiquités, l'histoire, les sciences et les arts de l'Asie. T. XIV (1).

(Second article. Voy. Rev. Encycl., T. XVII, pag. 535-546.)

VII. Mémoire sur l'ancienne géographie de l'Inde, par M.. le lieutenant-colonel Wilford. M. Wilford est un des plus actifs et des plus savans collaborateurs des Recherches Asiatiques; à compter du IVe volume de ce recueil, les dissertations nombreuses dont il l'a enrichi, décèlent une grande érudition classique et samskrite, mais quelquefois aussi, il faut en convenir, une imagination un peu trop active; et tout en profitant des notions absolument neuves et des faits importans qu'il a recueillis, on n'est pas toujours frappé de la justesse de ses conjectures ou de ses rapprochemens. Au surplus, · nous prévenons le lecteur que cette observation ne s'applique pas en général au Mémoire dont il s'agit; car il repose entièrement sur des faits, et il a été composé d'après des ouvrages samskrits. M. Colebrooke pense qu'il n'existe, dans cette langue, aucun ancien traité de géographie; ce n'est en effet qu'après un très-long séjour dans l'Inde, après des recherches long-tems infructueuses, que le hasard a procuré à M. Wilford quelques traités de géographie en samskrit. Quoique les chapitres des Pouránas, consacrés à la géographie, ne renfer

(1) Calcutta, 1822. Un fort volume in-4° de 520 pages. Londres; Murray.

ment en général que des faits mythologiques, M. Wilford en découvrit un consacré à la géographie positive, et qu'il regarde comme très-important. Il s'est ensuite procuré le Trai loky a Derpana (Miroir des trois Mondes); cet ouvrage est entièrement mythologique. Différens pourànas et d'autres ouvrages contiennent aussi des listes de pays, de rivières et de montagnes, mais les noms y sont écrits incorrectement. Ces espèces de catalogues ou de nomenciatures géographiques se nomment Déchá-Máli (guirlandes de contrées), et M. Wilford pense que leur contenu a pu être connu de Mégasthènes et ensuite de Pline, ou plutôt de Sénèque qui, dans une description de l'Inde composée par lui, comptait 60 rivières, 120 nations ou contrées différentes. Cette conjecture, je l'avoue, me paraît un peu hasardée, et n'est pas, selon moi, suffisante pour infirmer l'assertion de M. Colebrooke. M. Wilford croit pouvoir assurer qu'il existe en samskrit des traités géographiques qui sont, à la vérité, très-rares, et que les propriétaires ne veulent pas communiquer aux étrangers, comme inutiles pour ceux-ci et dangereux pour les indigènes. On prétend que ces traités sont extraits des archives de leurs gouvernemens, et M. Wilford est parvenu à en connaître sept, dont trois lui appartenaient. Le Moundja-prati déchâ vyavastha (description de différentes contrées), écrit par le râdja Monda, vers la fin du 1x siècle, a été revu, dit-on, par le râdjà Bhodja, au commencement du xe siècle. Cette nouvelle édition fut publiée sous le nom de Bhodjâ prati dếchả vyavasthấ'. Ces deux traités géographiques, dont le second surtout est très-volumineux, se trouvent encore dans le Guzarate, et ne sont pourtant cités dans aucun des nombreux ouvrages samskrits consultés par M. Wilford, qui, malgré ses recherches, n'a pu se les procurer. Le dernier traité fut composé par ordre du fameux Bokka-Raya ou Bokka-Sinha, qui gouvernait la Péninsule, vers 1285 de notre ère. Cet ouvrage

est cité dans le commentaire sur la géographie du Mahâbhirata, et contient la description de 310 royaumes de l'Inde. Il y est fait mention de la ville de Palibothra; c'est probablement la même que le Bhouvana-Sagard, ou mer des demeures dans le Dekin ou Dekhan. (Le midi de l'Inde.)

Le quatrième traité est un commentaire géographique sur le poème du Maha-bhârata, composé par ordre du rådjâ de Paultastaya, dans la Péninsule, par un Pandit du Bengale, contemporain du sulthan Hhocéin-Châh, qui commença de régner dans l'Inde en 1489. Ce commentaire est volumineux et très-curieux; M. Wilford est parvenu à s'en procurer une copie, à laquelle manque seulement une faible portion de la fin.

Le cinquième est intitulé: Vikrama - Sâgara, par un auteur inconnu. Celui du Kchétra Samâça en fait souvent mention et usage; il dit que Palibothra y est mentionnée, et l'attribue à un écrivain du Dekhan, qui florissait sous le règne de Bokka Raya; M. Wilford ne possédait que 17 feuilles de ce livre, qui existait au Bengale, en 1648, et qu'on trouve encore dans la Presqu'île. On y lit des détails sur Vata ou Bata, ville du Tritchimâ-Vâlî; c'est la Bata de Ptolémée, située dans le Bataranya (forêt de Vât, ou Ficus indica); c'était anciennement une ville considérable, mais presque inconnue dans le Káli-Youga, tout auprès de Trimbalingali-Gráma.

Le sixième traité, intitulé: Bhouvana kocha, n'est qu'une section du Bhavichy a pourána, qui a été revu et auginenté; M. Wilford possédait la partie qui traite des provinces situées sur les bords du Gange.

Le septième traité est le Kchétra-Samâça, dont nous avons déjà parlé, écrit par ordre du dernier rådjà du Bahâr; la mort surprit l'auteur au milieu de ses travaux, et lorsqu'il n'avait décrit que les provinces gangétiques et le TritchinaT. XIX.-Septembre 1823.

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Palî dans la Presqu'île. Le dernier chapitre, qui formait originairement un ouvrage détachée, renferme des documens géographiques, historiques et mythologiques, et une histoire de la famille du rådjà. M. Wilford eroit que cet ouvrage date de 150 ans; il y a vu le nom de Pondichéry, où les Français s'établirent, vers 1674. Le Kchétra-Samaça fait mention de deux autres traités géographiques : l'un est le Dakcha Khandaça, et l'autre le Déchá Valí, ouvrages d'un grand poids. Celui-ci date de deux cents ans, et contient des particularités très-intéressantes; M. Wilford n'en possèdait que 80 feuilles. L'article de la Presqu'île offre une liste de 56 pays, nommés dans les dialectes parlés de l'Inde Tch'hapana Déchá, c'est-à-dire, les cinquante-six pays. M. Bailly a connu cet ouvrage, et le cite, sous le titre de Chapanna de Chabou. Ce sont des listes plus ou moins inexactes de pays dont les noms sont mal orthographiés, sans le moindre détail. Elles se retrouvent dans le Târâ tantra; et le savant missionnaire, M. Ward, en a dernièrement publié une traduction. M. Wilford possédait encore une autre liste de pays, accom. pagnée de remarques précieuses du reste, ces deux listes exigent beaucoup de discernement de la part de celui qui en fait usage; car elles contiennent prodigieusement de méprises et d'erreurs. Tels sont les matériaux géographiques que M. Wilford parvint à se procurer, après plus de 30 années de recherches laborieuses et dispendieuses, faites dans l'Inde. Ce faible résultat confirme pleinement, ce me semble, l'opinion que j'ai rapportée et développée, dans mon ouvrage şur les Monumens anciens et modernes de l'Hindoustan, d'après celle du savant M. A. T. Colebrooke, qui affirme positivement qu'il n'existe en samskrit aucun ouvrage spécial sur la chronologie, la géographie ou l'histoire. Nous laissons au lecteur le soin de tirer les conséquences de cette importante lacune dans la littérature samskrite, et de ladat etrès-peu recu

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