Page images
PDF
EPUB

IV.

An 1691.

Le problème de la chaînette fut résolu par Huguens, Leibnitz et Jean Bernoulli. Comme les deux frères Bernoulli travaillaient alors ordinairement en commun, on présume que la solution de Jean Bernoulli est l'ouvrage de l'un et de l'autre. On ne considéra d'abord que des chaînettes uniformément pesantes: Jacques Bernoulli étendit la solution au cas où le poids de la chaînette varierait d'un point à l'autre suivant une loi donnée. De · proche en proche, et par l'analogie des matières, le même géomètre détermina la courbe que forme un arc tendu, celle d'une lame élastique arrêtée solidement par un bout, et chargée à l'autre d'un poids donné; il fixa plus particulièrement son attention sur la courbure que prend une voile flexible enflée par le vent, espérant que cette recherche pourrait être utile à la navigation; il trouva que dans la supposition où le vent, après An 1692. avoir frappé la voile, aurait toute liberté de s'échapper, la courbe de la voile est une chaînette ordinaire, mais que si la voile, toujours supposée parfaitement flexible, était enflée par un fluide qui pesât sur elle verticalement, comme l'eau pèse sur les parois d'un vase qui la contient, elle formerait une courbe connue sous le nom de lintéaire, et dont la nature est exprimée par la même équation

que la courbe élastique ordinaire, où les extensions sont supposées proportionnelles aux forces appliquées à chaque point. L'identité des deux courbes n'était pas facile à reconnaître : Jacques Bernoulli montra dans cette question, et quelques autres du même genre, une profonde sagacité.

V.

A mesure qu'il avançait dans ses méditations sur la courbure de la voile, il en communiquait successivement les progrès par lettres à son frère, alors absent de Bâle. On voit clairement que ces ouvertures conduisirent Jean Bernoulli à la solution qu'il publia du même problème, dans le journal des saAn 1692. Vans, et d'où il résulte également que la courbe de la voile est une chaînette. Lui-même, par la manière dont il expose les faits, nous fournit la preuve du secours qu'il avait emprunté. N'a-t-on pas droit après cela d'être un peu surpris de trouver ici les premiers traits de cette jalousie qu'il montra dans la suite trop ouvertement contre son ancien maître ?

Propriétés de certaines cour

bes.

VI.

La théorie des courbes qui, roulant sur ellesmêmes, en produisent d'autres, fut pour Jacques An 1692. Bernoulli un champ de découvertes remarquables. suppose qu'une courbe quelconque étant donnée

[ocr errors]

lette

et considérée comme immobile, on fasse rouler sur elle une courbe égale et semblable; il détermine la développée et la caustique de l'espèce de rouque décrit un point de la courbe roulante; il en tire deux autres courbes analogues, qu'il appelle l'antidéveloppée et la péricaustique. Toutes ces courbes offraient une foule de propriétés bien dignes de piquer la curiosité des géomètres, surtout dans un temps où ils étaient encore peu exercés à manier la nouvelle analyse. En appliquant ses méthodes à la spirale logarithmique, Jacques Bernoulli trouva que cette courbe est elle-même sa développée, sa caustique, son antidéveloppée et sa péricaustique caractère singulier, dont il fut tellement émerveillé, qu'il ne put s'empêcher de témoigner avec chaleur que si l'usage était encore, comme au temps d'Archimède, de placer des figures et des inscriptions sur le tombeau des géomètres, il eût désiré que l'on gravât sur le sien une spirale logarithmique, avec ces mots : Eadem mutata re

surgo.

:

La cycloïde a des propriétés analognes à celles que je viens de rapporter de la spirale logarithmique: Jacques Bernoulli les fit connaître dans une addition à son premier mémoire; il avertit en même temps que son frère était parvenu de son côté à des résultats semblables.

Je ne dois pas omettre un écrit de Leibnitz sur

Problème de

la voûte car

rable.

An 1692.

VIVIANI,

né en 1622,

les courbes qui se forment d'une infinité de lignes. droites ou courbes, qui vont concourir en une suite de points soumis à une loi donnée. Cet écrit peu développé contient des vues générales pour la solution de plusieurs problèmes, tels que ceux des caustiques, des courbes qui en coupent une suite d'autres sous un angle donné, etc. Leibnitz se livrait rarement aux ouvrages de détail : aussitôt qu'il se voyait en possession d'une méthode, il l'abandonnait, laissant à d'autres le plaisir de l'étendre et de la perfectionner.

VII.

Dans cette multitude de problèmes, il en parut un fort curieux, proposé par Viviani, célèbre géomètre italien, sous ce titre : Ænigma geometricum de miro opificio testitudinis quadrabilis mort en 1703. hemisphærica. L'auteur feignait que, parmi les monumens de l'ancienne Grèce savante, il existait encore un temple de forme hémisphérique, percé de quatre fenêtres égales, avec un tel art, que le reste de la voûte était absolument carrable; et il espérait que les illustres analystes du siècle (il désignait ainsi les géomètres en possession des nouveaux calculs), devineraient facilement cette énigme. Il ne fut pas trompé dans son espérance : le jour même où Leibnitz et Jacques Bernoulli reçu-, rent le programme de Viviani, ils résolurent le

problème; et les autres géomètres infinitaires l'eussent sans doute aussi résolu, s'il était parvenu assez tôt à leur connaissance. Viviani ̧ était profond dans l'ancienne géométrie : il s'était principalement distingué par la divination ou la restitution des cinq livres des coniques de l'ancien Aristée, qui sont perdus; mais lorsque la géométrie des infiniment petits parut, il était trop âgé pour l'étudier et l'approfondir; c'était d'ailleurs un homme véritablement modeste, et qui n'avait point eu l'intention d'embarrasser les illustres analystes. Néanmoins il faut reconnaître que sa propre solution, fondée sur la méthode synthétique des anciens, est très-recommandable par sa simplicité et son élégance : il démontra qu'on satisfait à la question en élevant perpendiculairement à la base de la voûte hémisphérique deux cylindres droits, dont les axes passent par les milieux de deux rayons qui forment un même diamètre du cercle de la base.

VIII.

Un problème qui se rapporte à la méthode de maximis et minimis, occupa long-temps sans suc-cès les frères Bernoulli; c'était de trouver le jour du plus petit crépuscule pour un lieu dont la latitude est donnée. Cette question, traitée par la méthode analytique, mène à une équation du quatrième degré, dont il est embarrassant de sé

An 16924

« PreviousContinue »