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Véritable ob

nianisme.

SECTION V.

Causes de la marche lente du neutonianisme en
France. Recherches liées à ces causes.

AVANT de pousser plus loin l'explication du neu

tonianisme, je m'arrêterai un moment sur les causes qui en ont retardé le progrès en France, et sur quelques autres recherches que ces mêmes causes ont fait naître.

I.

La curiosité humaine est insatiable; mais les jet du neuto-hommes sont paresseux; et aussitôt qu'ils sont parvenus à soulever un coin du grand voile qui couvre la nature, ils voudraient que cette première connaissance les menât à l'explication de tous les phénomènes, par une suite de corollaires d'un seul et même principe. On ne pouvait pas nier que le neutonianisme ne rendît très-bien raison des mouvemens célestes, tels que les observations les avaient fait connaître; mais les savans à systèmes demandaient de plus qu'on leur dît pourquoi toutes les planètes tournent d'occident en orient, plutôt que dans tout autre sens; pourquoi tournant

dans le même sens, elles ne suivent pas néanmoins des plans exactement parallèles; pourquoi les distances des planètes au soleil ne dépendent pas de leurs masses; pourquoi les comètes traversent les espaces suivant toutes sortes de directions, etc. Les neutoniens répondaient modestement: Notre philosophie ne va pas aussi loin que vous le désirez; nous n'avons pas assisté à la formation de l'univers, et nous ne connaissons pas l'ordre qui a dirigé sa constitution primitive; nous nous bornons à expliquer, par un même moyen, les phénomènes semblables et bien connus ; les autres phénomènes ont aussi sans doute leurs lois particulières, que la postérité découvrira peut-être un jour, si toutefois cette découverte n'est pas réservée à des intelligences supérieures à celle de l'homme ; contentezvous, pour le présent, de ce que nous vous of frons.

II.

cartésiens.

Les cartésiens se présentaient avec des pro- Promesses des messes bien plus imposantes, et on les écouta pendant long-temps. Conduits par l'imagination plus que par les principes rigoureux de la géométrie, et s'étant réservé le droit de faire prendre toutes les formes, toutes les directions qu'ils voulaient, à leur matière subtile et à leurs tourbillons,; ils prétendaient être en état d'expliquer tous les

phénomènes de la nature, présens ou futurs. L'académie de Paris demeura long-temps attachée à ce système qu'elle avait adopté dans son établissement, comme une espèce de philosophie na'tionale.

Ceux qui voudront bien réfléchir que tous les corps se font un point d'honneur de marcher à pas mesurés, et qu'ils n'admettent les nouveautés que lorsqu'elles ont reçu en quelque sorte de la voix publique la sanction de la vérité, ne seront pas surpris que notre académie n'ait abandonné le cartésianisme pour le neutonianisme, qu'après s'être bien assurée que la géométrie et la mécanique le commandaient impérieusement.

Avant d'en venir là, cette savante compagnie mit les tourbillons aux plus fortes épreuves. Elle proposa pour sujet du prix de l'année 1728, l'explication physique de la cause générale de la pesanteur. Bulfinger, qui remporta ce prix, donna pour la cause qu'on demandait la résultante de l'action de deux tourbillons qui se croisaient perpendiculairement. Quelques raisonnemens spécieux lui valurent cet honneur; mais, en examinant la chose de près, on ne tarda pas de reconnal tre que les mouvemens des deux tourbillons étaient incompatibles, et que d'ailleurs, quand même ils auraient pu avoir lieu à la fois, la résultante de leur action ne pouvait pas pousser les corps au cen

commun des deux tourbillons, ou au centre de

erre.

Le sujet du prix de 1730 fut d'expliquer pouri la figure des orbites des planètes est elique, et pourquoi le grand axe de ces ellipchange de position, ou répond successiveat à différens points du ciel. Jean Bernoulli, -obtint le prix, traita ce sujet suivant les prins de Descartes, avec une grande sagacité et profonde géométrie; il répondit d'une manièlausible à quelques fortes objections de Neucontre les tourbillons; mais tous ses efforts ne vaient pas soutenir un édifice qui croulait de es parts.

"n proposa pour sujet du prix de 1732, et ende 1734, de déterminer quelle est la cause sique des inclinaisons des orbites des plapar rapport au plan de l'équateur de la lution du soleil autour de son axe, et vient que les inclinaisons de ces orbites différentes. Le prix fut partagé entre Jean oulli et son fils Daniel.

lon Jean Bernoulli, la gravitation des planèers le centre du soleil, et la pesanteur des terrestres vers le centre de notre globe, n'ont cause ni l'attraction neutonienne, ni la force ifuge du tourbillon cartésien, mais l'impulmmédiate d'une grande quantité de matière

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fluide, qui se précipitant sans cesse, en forme de torrent, de toute la circonférence du tourbillon vers le centre, imprime à tous les corps qu'elle rencontre, une tendance vers ce même point. Le développement de ces idées générales forme l'objet d'une nouvelle physique céleste, que l'auteur étaye de toutes les raisons que le génie et le savoir peuvent fournir; mais ce nouveau système est sujet à peu près aux mêmes difficultés que les tourbillons cartésiens.

Daniel Bernoulli, sans rien prononcer sur la cause générale de la pesanteur, fait deux suppositions, savoir, 1.° qu'il existe une force générale tendante au soleil; 2.o que le soleil est environné d'une atmosphère qu'il entraîne par son mouvement de rotation autour de son axe. En vertu de cette double cause, les planètes, lancées d'abord comme on voudra, ont dû prendre des routes qui s'approchassent continuellement du plan de l'équateur solaire. Les orbites planétaires pouvaient d'abord être fort éloignées de ce plan; mais cet éloignement a diminué par degrés pendant une longue suite de siècles; il diminue encore, et toutes les planètes finiront par tourner dans un même plan, ou dans des plans parallèles. L'auteur appuie ces idées sur des calculs ingénieux, mais toujours systématiques, par le vice même du sujet.

L'académie, convaincue par toutes ces tentatives

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