Page images
PDF
EPUB

ple, que le rifque fur le corps commenceroit depuis que le Navire auroit pris charge, ou feroit mis fous charge, (fuprà ch. 13, fedt. 17) la prime feroit acquife aux Affureurs, quoique le voyage fût rompu avant le départ, pourvu que ce fût après que le Navire auroit pris charge, &c.

Pour ce qui eft des marchandises affurées, l'Affurance est diffoute, par cela feul qu'elles n'ont pas été chargées. C'est la décifion du Réglement d'Amfterdam, art. 22, & de l'art. 37, h. t. Ibiq. Valin, pag. 87, & Pothier, n. 179 & 183.

[ocr errors]

Voici comme parle ce dernier Auteur: » Quoique l'obliga» tion de payer ait été contractée purement & fimplement néanmoins, comme la prime eft le prix des risques que » doivent courir les Affureurs, & qu'il ne peut pas y avoir » de prix des rifques, lorfque les Affureurs n'en ont couru » aucun; cette obligation de payer la prime renferme par fa >> nature cette condition tacite, fi les Affureurs courent les rifques.

"

» Da-là il fuit, que lorsqu'un Armateur a fait affurer fon » Vaiffeau pour un certain voyage, fi le voyage a été en»tiérement rompu avant le départ du Vaiffeau, quoique par » le fait de l'Affuré, la prime ne fera pas due aux Aliu» reurs, parce que le Vaiffeau n'étant aux rifques des Affu»reurs que du jour qu'il a mis à la voile, ils n'ont en ce » cas couru aucuns rifques ; & fi elle leur avoit déja été payée, ils feront tenus de la rendre condicione fine causâ, » comme l'ayant reçue induement. C'eft la difpofition de » l'art. 27.

[ocr errors]

Pareillement, fi des Marchands ont fait affurer des mar» chandifes qu'ils fe propofoient de charger fur un certain » Vaiffeau, & que ces Marchands ayant changé d'avis, le chargement ne fe foit pas fait; la prime d'Afurance de ces » marchandises ne fera pas due aux Affureurs, qui n'ont en » ce cas couru aucun rifque ».

[ocr errors]

Molina, de juftit. & jur., difp. 507, n. 7, tom. 2, pag. 1155, décide la queftion de la même maniere: Ratio eft, dit-il, quoniam deeft materia contractûs fine quâ fubfiftère

1

§. 3. S'il y a fraude.

nequit ; & quia cenfetur factus ex hypothefi, quòd merces navi imponerentur; atque adeò, illis non impofitis, defuit confenfus ; & impofitâ folùm parte earum, defuit fimiliter confenfus quoad reliquam, quæ impofita non fuit.

Tout ce qui vient d'être obfervé, n'eft guere fufceptible de difficulté au fujet des Affurances qui fe font de fortie de l'Etranger, parce qu'on ignore ce qui s'y paffe.

Mais fi, dans Marfeille, par exemple, on fait faire pour fon compte, des Affurances fur un Navire qui parte fans qu'on y ait aucun intérêt, on doit, par un avenant, le déclarer aux Affureurs. (Guidon de la Mer, ch. 3, art. 3. Suprà ch. 2, Sect. 4. )

Si, pour rompre le filence, on attendoit que le Navire fût heureusement arrivé, on s'expoferoit à fubir les peines que méritent ceux qui font faire des Affurances après l'événement connu, (Suprà ch. 15, fect. 7,) ou qui, par fraude, font affurer des effets au-delà de leur valeur. ( Suprà ch. 9, fect. 1.)

L'ufage où l'on eft parmi nous de figner les polices en blanc, & la facilité de changer le pour compte, font fufceptibles de mille fraudes! (Suprà ch. 2, fect. 4. )

L'Affuré qui, par la police, affirmeroit avoir lui-même chargé les marchandises affurées, feroit de fon chef non recevable à foutenir qu'il n'a rien chargé. Nemo auditur allegans propriam turpitudinem. On fe trouveroit alors au cas de la doctrine de Straccha, gl. 6, n. 9; de Santerna, part. 3, n. 19 & 21, &c.

Voici un cas des plus finguliers. J**. T**. Négociant à Marseille, s'étoit avifé de faire faire des Affurances pour fon compte fur des Vaiffeaux où il n'avoit aucun intérêt. Son objet avoit été de fe procurer quelque crédit. Il fit faillite.

Les Syndics de fa direction ayant vérifié que les primes gratuites qu'il avoit payées à ce fujet, fe montoient à environ 10000 liv., préfenterent Requête en répétition contre les Affureurs.

Ceux-ci répondoient: 1°. qu'ils avoient reçu de bonne foi

[ocr errors]

es primes, & que les Syndics qui exerçoient les actions du failli, n'avoient pas plus de droit que lui. 2°. Que la Loi Paulienne ne compete pas contre ceux qui ont agi de bonne foi. L. 1 & 10, ff. quæ in fraud., cred. 3°. Que fi la turpitude eft feulement du côté de celui qui a compté l'argent, la répétition n'a pas lieu. Si dantis fit turpitudo, non accipientis, repeti non poteft. L. 1 & 4, ff. de condict. ob turp. cauf. L. 4, C. de revoc. donnat. L. 5, C. de fervo pignori dato.

Les Syndics, pour qui j'écrivois, difoient que le risque eft de l'effence de l'Affurance, & forme le principal fondement du Contrat; que s'il n'y a rien de chargé, il n'y a ni rif que, ni Affurance, ni prime; que fuivant l'Ordonnance, le ristourne a lieu dans le cas même où par le fait de l'Affuré, le voyage a été rompu. Je rappellois l'hiftoire de Thrafyle, Citoyen d'Athênes, qui s'étoit imaginé que tous les Vaiffeaux qui entroient dans le Pyrée, lui appartenoient. Il fe croyoit riche, & cette croyance faifoit fa félicité. Ses amis vinrent à bout de le guérir d'une manie fi étrange; dès-lors il fe vit pauvre, & il regreta fon erreur paffée.

Sentence rendue en 1781 par notre Amirauté, qui condamna les Affureurs à reftituer les primes, avec intérêts depuis la demande, & dépens. Cette Sentence fut acquiefcée. Si J**. T**. n'eût pas fait faillite, il auroit été non recevable à alléguer fa propre honte pour s'en faire un titre; mais la même exception ne pouvoit pas être oppofée aux Syndics de la maffe.

[ocr errors][merged small]

Nul riftourne, fi les Affureurs ont commencé à courir les rifques.

» Les Affureurs ne font pas tenus de reftituer la prime, » s'ils ont commencé à courir les risques. » Art. 27, h. t. Ibiq. Valin, pag. 73; & Pothier, n. 184 & 185.

[ocr errors]
[ocr errors]

Il fuffit que le rifque ait commencé, pour que la prime foit due, quand même il n'auroit duré qu'un moment.

Cela paroît répugner aux principes établis ci-deffus. La prime eft periculi pretium. La prime pour être équitable, doit être le jufte prix des risques dont l'Affureur fe charge. (Suprà ch. 3, fect. 2. ) L'Afsurance eft un Contrat de bonne foi, dans lequel l'égalité doit régner. (Suprà ch. 1, fed. 5.)

Toutes ces regles font vraies dans leur généralité; mais 1°. quoique le Contrat d'Affurance foit principalement du droit des gens, il tient auffi parmi nous quelque chofe du droit civil. (Suprà ch. 1, fec. 6.)

La tranquillité publique, la paix des familles, la néceffité de prévenir les procès, portent fouvent le Législateur à faire des Réglemens qui, malgré leur impuiffance à prévenir toute injuftice particuliere, procurent le plus grand bien : ce qui fuffit pour qu'on doive s'y foumettre fans répugnance. Le droit naturel n'eft pas alors violé; il eft fimplement modifié, parce que l'intérêt de la Société civile l'exige. » Il en eft des » loix comme des autres ouvrages humains; on n'en voit point qui n'ait quelque imperfection, ou qui ne foit fufceptible de quel» que difficulté. Toute la fageffe du Législateur, & toute la per»fection de la Loi, confiftent fouvent, non pas à faire une difpo>> fition qui foit exempte de toutes fortes d'inconvéniens, mais à préférer celle qui en a le moins. M. d'Agueffeau, tom. 9, pag. 412. Nulla lex fatis commoda omnibus eft; id modò quæritur, fi majori parti, & in fummam prodeft. C'eft ainfi que parloit Caton le Cenfeur, dans fon Oraifon pro lege Opiâ, rapportée par Tite-Live, lib. 34, n. 3.

[ocr errors]

Ainfi, quoique le Navire pris foit auffitôt remis en liberté, l'action d'abandon n'en eft pas moins ouverte contre les A fureurs. ( Suprà ch. 12, fect. 19. Infrà ch. 17, fect. 2.) Ainfi,

dès que le voyage a été changé, les Affureurs ne répondent

plus des rifques, quand même le Navire reviendroit dans la voie prefcrite. (Suprà ch. 13, fec. 16.) Ainsi, l'augmentation des primes fut adjugée au fujet de tous les Navires qui se trouvoient en route le 17 Juin 1778, quoiqu'il n'y eût

alors aucun rifque effectif, procédant de la guerre. ( Suprà ch. 3, fect. 4.)

Il n'est donc pas furprenant que pour prévenir les litiges, l'Ordonnance ait établi en l'article 27, que les Affureurs ne feront pas tenus de reftituer la prime, s'ils ont commencé à courir les rifques. Cette décifion eft générale; elle ne reçoit aucune exception. Un moment de rifque fuffit donc pour que les Affureurs acquierent définitivement la prime. (Vide fuprà ch. 3, fect. 1, où je parle du Navire qui ne fait point de retour.Ch. 12, fect. 16, où je parle du changement de Navire ; & fect. 31, où je parle de l'interdiction de commerce. Ch. 13, fed. 11, où il s'agit du voyage rompu. Sec. 12, où je parle du voyage raccourci, du Navire forti du Port, & qui y rentre auffitot, de la marchandife remife à terre. Même ch. 13, fect. 14, où je parle du voyage changé. Ch. 6, sed. 4, §. 1, où il s'agit du Vaiffeau qui quitte l'escorte, ou qui part fans escorte.)

2o. Voici la véritable raifon de décider. La prime eft le prix du péril qu'on a envisagé ou pu envisager dans le principe. Si ce péril augmente ou diminue, on doit l'imputer au hafard : vrai caractere des Contrats aléatoires. ( Incertitudo, tempore contractus æquè fe habet ad lucrum, ficut ad damnum. Dumoulin, contr. ufur., n. 471 & 816.) Et, comme je l'ai dit fuprà tom. I, pag. 7, la perte ou le dommage confidérés dans l'incertitude des événemens, font la matiere de l'Affurance.

SECTION III.

De la vente des effets assurés, & du transport des Assurances.

§. 1.

Transport de

Après avoir fait affurer un Navire, ou les marchandises qui y font chargées, on peut les vendre, & céder à l'Acheteur les Affurances faites. Celui-ci repréfente fon cédant; & en l'Affurance fait à cas de finiftre, il jouit du bénéfice des Affurances, pourvu l'Acheteur des efque le voyage n'ait fets déja aflurés. pas été changé, & que tout foit en regle.

« PreviousContinue »