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flexion et c'est aussi ce qu'ils ont essayé. Mais tous les efforts du génie n'ont pu en venir à bout; car le génie ne change pas la nature des choses: il ne fera pas qu'il n'y ait qu'une seule origine d'idées, ou qu'il n'y en ait que deux, quand la nature a voulu qu'il y eût quatre origines. ( Leç. 3 et 4. )

Ce n'était pas assez de faire venir des sens toutes nos idées. On a voulu expliquer comment elles en viennent; comment un ébranlement dans l'organe, est suivi d'une idée dans l'âme. Et ceci n'a pas été particulier aux philosophes qui voient dans les sens l'origine de toutes les idées : il a suffi à d'autres d'en faire dériver quelques-unes de la même source, pour se croire obligés de nous montrer le lien de communication qui unit la substance matérielle à la substance immatérielle.

Voici ce qu'ont imaginé, pour résoudre ce problème, et ceux qui nous assurent que toutes les idées, sans aucune exception, viennent des sens, et ceux qui pensent qu'ils n'en vient qu'un certain nombre.

Il s'agit de faire voir comment des impressions sur les sens occasionent des idées, dans l'âme. On a dit :

1. Les objets extérieurs, en frappant nos

organes, leur communiquent un mouvement qui se transmet au cerveau. Le cerveau agit sur l'âme; et l'âme une idée ou une sensation, car on a presque toujours confondu ces deux choses. L'âme, ayant ainsi une sensation, est affectée en bien ou en mal. Si elle souffre, elle cherche à se délivrer de la douleur. Elle agit à son tour sur le cerveau, qu'elle remue : le cerveau remue l'organe; et l'organe écarte, ou s'efforce d'écarter, l'objet, cause de la sensation.

Le cerveau est donc le siége de l'âme, que l'on compare à une araignée placée au centre de sa toile. Dès qu'il se fait le moindre mouvement aux extrémités, l'insecte est averti, et il se tient sur ses gardes. De même, l'âme placée dans le cerveau, à un point auquel aboutissent les filets nerveux, est avertie de ce qui se passe dans les différentes parties du corps; et à l'instant, elle apporte des secours où elle les juge nécessaires. Le corps agit donc réellement sur l'àme, et l'âme agit réellement sur le corps. Cette action, cette influence, étant réelle ou physique, on a dit que le corps influait physiquement sur l'âme, et l'àme physiquement sur le corps; et c'est ce qu'on a appelé influence physique ou influx physique. Ce sytème est extrêmemtnt simple: mais

la simplicité n'a de prix, qu'autant qu'elle est unie à la vérité. Le corps étant une substance étendue, et l'âme une substance inétendue, conçoit-on l'action physique de l'une sur Tautre? Tangere enim aut tangi nisi corpus nulla potest res, une chose ne peut toucher, ou être touchée, qu'autant qu'elle est corps, qu'autant qu'elle a des parties. L'âme ne saurait donc recevoir le contact du corps, et l'influx physi que est impossible.

Euler, dans ses Lettres à une princesse d'Allemagne, se déclare pour cet influx; il est vrai qu'il le modifie, car il n'admet pas de contact entre l'âme et le corps. L'âme, dit-il, a la perception du mouvement des fibres du cerveau; et cette perception lui donne des sensations agréables ou désagréables, selon que les rapports qui se trouvent entre les mouvement des fibres, sont perçus avec plus ou moins de facilité.

Cette opinion est démentie par l'expérience: car, il n'est pas vrai que l'âme aperçoive les mouvemens des fibres du cerveau : elle ne sait pas même qu'il existe un cerveau ; et nous l'ignorons tous jusqu'à ce qu'on nous l'ait appris. D'ailleurs, la sensation ne dérive pas de la perception: c'est le contraire; car nous sentons, avant de connaître.

2o. Pour rendre raison de ce commerce entre l'esprit et la matière, quelques philosophes modernes, et particulièrement Cudwort et Leclerc, ont admis, d'après les anciens, un agent intermédiaire, ou un médiateur entre Tame et le corps. Interposé entre deux substances de nature contraire, ce médiateur participe de l'une et de l'autre : il est en partie matériel, et en partie spirituel. Comme il est matériel, le corps peut agir sur lui, et comme il est spirituel, il peut agir sur l'àme. C'est le moyen terme entre les deux extrêmes d'une proportion continue. C'est un pont jeté sur les deux bords de l'abîme qui sépare la matière de l'esprit.

Un pareil médiateur n'est bon à rien. Pour vouloir réunir en une seule nature, deux natures opposées, il s'anéantit lui-même. Entre une substance étendue et une substance inétendue, il n'y a pas de milieu. Si le médiateur n'est, ni esprit ni corps, c'est une chimère : s'il est, tout à la fois, esprit et corps, c'est une contradiction; ou si, pour sauver la contradiction, vous voulez qu'il soit, comme nous, la réunion de l'esprit et de la matière, il a lui-même besoin d'un médiateur.

L'influx physique, et le médiateur, laissent

:

à la difficulté toute sa force on ne voit pas comment l'âme et le corps se modifient réciproquement. Néanmoins, le fait reste. Toutes les fois que le corps reçoit quelque impression, l'âme éprouve une sensation; et lorsque l'âme prend une détermination, le corps l'exécute: où trouverons-nous la raison de cette correspondance de phénomènes? on l'a cherchée hors de l'homme, et dans la Divinité même.

3o. Dieu, a-t-on dit, gouverne le monde et tous les êtres qui le composent, d'après les lois suivant lesquelles il les a créés; et, comme le monde n'a pu recevoir l'existence que par un acte de la volonté divine, il ne persévère dans l'existence que par la même vclonté toujours persévérante. Que Dieu cesse un instant de le soutenir par sa main toutepuissante, aussitôt il rentrera dans le néant. L'existence des êtres ne se maintient donc que par une création incessamment renouvelée, en quelque sorte. Dieu est la cause nécessaire de toutes les modifications des corps, et de toutes les modifications des esprits. Or, cela suffit pour nous faire concevoir l'union des deux substances.

Les objets extérieurs impriment à nos or

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