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général qui, dans la guerre dont nous venons de parler, avoit obtenu de si grands avantages avec si peu de talents. Il devoit ses succès à son bonheur et à la médiocrité de son antagoniste. Sa présomption étoit extrême, son avarice excessive et son âme basse; il parloit beaucoup de lui-même et ne songeoit qu'à amasser des richesses. Exagéré dans ses idées prétendues patriotiques, il étoit lié avec les Jacobins les plus avancés. Il fut victorieux en Hollande parce qu'il combattit peu et que les peuples mécontents n'osoient se déclarer en faveur d'amis aussi froids que les Anglois.

LXXXIII. SUITE DE L'EXPÉDITION D'Égypte.

DE LA SYRIE.

INVASION

A peine Bonaparte se fut-il rendu maître du Caire, après la bataille des Pyramides, qu'il détacha Desaix dans la HauteEgypte pour poursuivre les restes de Marat-Bey. Lui-même suivit Ibrahim-Bey jusqu'à l'entrée du désert qui sépare l'Egypte de la Syrie, où le général ennemi fut accueilli par D'Jezzas, pacha d'Acre. De retour, il organisa le gouvernement de chaque province, fit fortifier les points principaux pour rendre sa défensive respectable en cas d'attaque, et prit possession de Suez. De là, il revint au Caire pour s'occuper de l'expédition qu'il préparoit pour la Syrie contre le pacha de Damas. On embarqua l'artillerie et les colonnes se mirent en marche à travers le désert, qu'elles traversèrent avec peine. En entrant en Syrie, on enleva quelques forts que les beys défen lirent vainement, et on s'avança jusqu'à Gaza, sans obstacles marqués.

Là, Bonaparte apprenant que l'ennemi se rassembloit en forces sur Jaffa, accourut mettre le siége devant cette ville. Il ouvre la tranchée, lui donne l'assaut et s'en empare en deux jours. Puis, la regardant comme une bonne place de dépôt,

il la met en état de défense et continue son mouvement sur Saint-Jean-d'Acre. A peine arrivé, il attaque les avant-postes ennemis, les force de rentrer dans la ville et, sans être maître de la mer, ouvre la tranchée le 30 ventôse an vii (20 février 1799). Le général Bonaparte, apprenant alors que l'escadre angloise a manqué son attaque sur Caïffa, continue ses travaux malgré les fréquentes sorties de l'ennemi; son artillerie de siège qui lui arrivoit par mer avoit été prise, il dut se servir de son artillerie de campagne, et après un assaut sans succès, il détache au delà d'Acre un corps de troupes qui ne tarde pas à s'emparer de Sour (l'ancienne Tyr).

Le commodore anglois Sydney Smith, le même qui avoit été prisonnier au Temple, s'étoit rendu près du Pacha il profita de l'affaiblissement momentané des assiégeants pour faire une sortie qui, sans avoir un succès complet, fit pourtant beaucoup de mal à l'armée françoise. Les troupes ennemies se massoient de plus en plus sur les hauteurs de la Syrie; pour empêcher leur réunion. Bonaparte fit attaquer Ibrahim-Bey, qui s'étoit rallié aux janissaires de Damas et à un corps d'Aleppois et de Mograbins, et le battit complètement. Il marcha ensuite au secours des généraux Junot et Kleber, qu'il avoit chargés spécialement de cette expédition, et les rejoignit sur le mont Thabor, où ils ne tardèrent pas à attaquer et à envelopper l'ennemi. On le poursuivit jusqu'au delà de Tabarieh, puis on revint sous les murs de SaintJean-d'Acre, dont le siège traînoit en longueur. Après de longs travaux, on fit jouer une mine qui eut un médiocre succès, tandis que le commodore anglois et d'Jezzar ajoutoient de nouveaux ouvrages à leurs défenses pour cheminer en contre-attaque, et repoussoient les assauts journaliers des François par de vigoureuses sorties. Enfin, Bonaparte fatigué de voir tomber ses plus braves soldats sans aucune apparence

de succès, fit ses préparatifs de départ et leva le siége le 1er prairial an VII (20 mai 1799), après soixante et un jours. de tranchée ouverte. La retraite se fit en bon ordre jusqu'à Jaffa; atteint là par les vaisseaux légers du commodore anglois et par les avant-gardes du pacha, il fut obligé de renvoyer à Damiette tous ses malades par des bâtiments de transport ceux-ci, mal armés et mal approvisionnés, ne tardèrent pas à tomber au pouvoir de l'ennemi. La position du général en chef étoit devenue bien difficile, craint et abhorré par les habitants du pays, à la tête d'une armée mécontente et presque en rébellion, il fit tout raser el brûler sur son passage: puis, se jetant dans le désert, il le traversa une seconde fois et revint au Caire après avoir perdu le tiers de son monde devant une véritable bicoque.

Depuis son retour en Egypte, Bonaparte étoit occupé à prévenir les insurrections que les Mamelouks et le pacha fomentoient contre lui, et à se préparer à l'attaque qu'on attendoit sur les côtes.

Il mit ses colonnes mobiles en campagne pour apaiser les désordres intérieurs, puis apprenant que les Turcs avoient débarqué douze à quatorze mille hommes avec de l'artillerie à Aboukir et s'étoient emparés du fort, il se mit aussitôt en marche de ce côté. Il ne tarda pas à joindre l'ennemi, le perce par son centre, le déborde par ses ailes en même temps, et le culbute dans la mer, le 7 thermidor an x11 (25 juillet 1799), après avoir fait prisonnier Hussein-Mustapha, pacha qui commandoit l'expédition.

Après ce glorieux succès, Bonaparte, perdant tout espoir de renfort, quitte secrètement l'Afrique, laissant son armée aux ordres de Kleber et de Desaix. Il débarque à Fréjus, en Provence, et, sans faire de quarantaine, part immédiatement pour Paris.

17e année. Janvier à Juillet 1871.- Docum.

LXXXIV.-RÉUNION DES FLOTTES FRANÇOISES ET ESPAGNoles.

On armoit en silence une flotte considérable dans le port de Brest, lorsque Bruix, ministre de la marine, partit de Paris pour aller visiter les ports.

A peine arrivé à Brest, il arbore le pavillon amiral sur le vaisseau l'Océan, et met à la voile le 7 floréal an VII (26 avril 1799). Il passe par le Ray, arrive à la hauteur de Cadix avec vingt-quatre vaisseaux de ligne, mais il ne peut rallier la flotte espagnole qui n'étoit pas encore prête. Alors, il passe le détroit pour aller à Toulon attendre les Espagnols, et ceux-ci, sortant enfin de Cadix, se réunissent à Carthagène au nombre de treize vaisseaux. Il n'y avoit pas de temps à perdre pour agir avant que la flotte angloise eût le temps de se concentrer dans la Méditerranée; Bruix met donc brusquement à la voile, mouille devant Vado, où il dépose quelques vivres dont avoit besoin le général Moreau, et se joint devant Carthagène à la flotte de l'amiral Massaredo. Puis, jugeant un plus long séjour inutile dans la Méditerranée, les deux flottes combinées passent le détroit et mettent le cap sur Brest, où elles ne tardent pas à arriver après de trèsbelles évolutions.

De là elles menaçoient l'Angleterre, et cette menace étoit pour nous un grand avantage, d'un autre côté le gage de treize vaisseaux nous répondoit de la conduite à venir du gouvernement espagnol.

LXXXV. - Fin de la constitution de l'an trois, du dIRECTOIRE ET DES CONSEILS. 18 et 19 BRUMAIRE AN VIII (9 ET 10 NOVEMBRE 1799).

Le gouvernement directorial tomboit en dissolution après

quatre années d'existence, et tout présageoit une crise des plus violentes quand Bonaparte débarqua d'Egypte. On s'empressa de lui mettre sous les yeux notre triste situation, et tous les partis, notamment les Jacobins, le recherchèrent. Mais lui, sûr de jouer partout le premier rôle, préféra décliner l'alliance d'hommes justement abhorrés et se joindre à Syeyès et à quelques meneurs du Conseil pour frapper un grand coup. On résolut de changer sans secousse et militairement la forme du gouvernement, dont les défauts bien reconnus attestoient l'insuffisance et les complications. Lorsque tout fut bien concerté, le Conseil des Anciens se rassembla à l'improviste et rendit une loi pour transférer le lieu des séances du Corps législatif à Saint-Cloud, afin de l'éloigner de Paris, le foyer des anarchistes. La même loi confioit sa garde au général Bonaparte. Syeyès et RogerDucos se joignirent au promoteur de ces nouveaux changements, tandis que les trois autres directeurs, pris au dépourvu, isolés et étonnés de cette entente, se virent obligés de donner honteusement leur démission. Le Corps législatif se réunit effectivement le lendemain au lieu indiqué, mais les Jacobins du Conseil des Cinq-Cents y balancèrent un moment la victoire et voulurent mettre Bonaparte hors la loi. Ils essayèrent même de le poignarder, mais lui, semblable à Cromwell dissolvant le Long-Parlement, entra dans leur salle pour leur expliquer ses intentions, et finit par leur dicter ses volontés.

Échappé à ce premier danger, il songea à sauver les jours de son frère Lucien, qui présidoit ces furieux. Il réussit à le faire évader et, ayant fait entrer de la troupe dans leur salle, il les dispersa facilement,

Les alliés de Bonaparte reprirent bientôt après leurs séances; ils formèrent deux nouvelles commissions législatives et instituèrent trois nouveaux consuls à la place des

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