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les autres, et dans leur fâcherie mettroient en jeu l'absent pour lui faire dire ce qu'il n'a point dit, et tirer de quelques mots des inductions toutes contraires à ce qu'il a jamais pensé. M. Furia imprime qu'on lui a allégué que j'avois défendu de lui rien remettre : c'est, je dois le dire, une fausseté, de quelque part qu'elle vienne. On a vu plus haut que j'avois desiré une copie prompte, mais je ne l'ai jamais demandée exclusive. MM. Furia et Courier savent très bien cela l'un et l'autre. Ma recommandation à ce dernier, au moment de nous quitter, fut de me donner la première copie, ainsi qu'il étoit convenu, et de me la donner assez promptement pour que je pusse être mis en état d'imprimer aussitôt après mon arrivée à Paris.

C'étoit bien peine perdue que cette recommandation, puisque je n'ai jamais rien reçu, ni le texte du fragment, déjà copié quand je suis parti de Florence, ni la traduction faite depuis, qu'on m'avoit pareillement promise, et que j'ai connue, avec le public seulement, quand elle a été imprimée. Qu'on vienne après cela dire que c'est pour se conformer à mes intentions qu'on a refusé la copie demandée ; ceci a en vérité un peu trop l'air d'une mauvaise plaisanterie.

Si l'on eût scrupuleusement réservé cette pièce pour moi, on me l'eût envoyée: si l'on s'étoit cru lié par une interdiction que je n'avois pas plus le droit que la volonté de prononcer, cette cause eût entièrement cessé par l'offre que M. Furia déclare avoir faite de ne communiquer à qui que ce soit cette copie avant qu'on ait imprimé à Paris, et même de la cacheter et dé

poser, si l'on croyoit une telle précaution nécessaire : cependant le refus a continué, et probablement dure encore. J'en ai dit assez pour prouver que quels qu'en puissent être les motifs, ils me sont et doivent m'être parfaitement étrangers.

Au reste, si l'on veut trouver à M. Courier quelque tort, ce ne sera du moins pas celui de l'amour du gain; car dans son travail tout étoit gratuit, comme dans mon édition à peu près tout devoit être pour moi pure dépense. Aussi M. Furia dans sa longue épître ne l'attaque point de ce côté ; il réserve ce gracieux compliment pour le libraire. Il est tout simple pour M. Furia qu'un libraire n'a pu aller voir des manuscrits que dans l'espoir de gagner quelque argent: deux ou trois pages inédites de grec ont enflammé sa convoitise; et per fas et nefas il a fallu arriver aux moyens de ravir cette riche toison, et de la ravir pour soi seul. Ma réponse est ma vie entière; et, assurément, jamais l'amour du gain ne m'a fait dévier de la route que doit suivre un commerçant honnête : ce n'est point là mon péché capital. Quant à cette importante spéculation, non littéraire, mais mercantile, selon M. Furia; il a trop de bon sens pour être la dupe de sa petite injure: il sait très bien que, soit à Paris, soit à Florence, il y avoit dans cette exiguë publication, quelque argent à dépenser, pour imprimer la pièce, la vendre à peu de personnes, en faire cadeau à un grand nombre, et en être pour les frais de l'édition. Au reste, ce n'étoit pas trop payer le plaisir de cette petite conquête littéraire, et j'y eusse, s'il l'eût fallu, dépensé bien davantage. M. Furia sait

très bien aussi que, dans l'intérieur même de la bibliothèque j'ai dépensé, je ne dis pas à son profit, mais à celui des subalternes, bien plus que n'auroit jamais pu rapporter la vente la plus miraculeuse de cette niaiserie grecque. Cette indemnité, je la devois sans doute, pour la complaisance avec laquelle on voulut bien, pendant ce temps des vacances, tenir la bibliothèque ouverte pour laisser travailler sur ce manuscrit qui ne devoit pas être déplacé. Quant à M. Furia, ses complaisances et sa peine ne pouvoient se payer que par de la reconnoissance; et je n'en conserve pas moins pour lui que si le manuscrit me fût venu, qu'il me fût venu en temps utile, que mon impression eût été bien et promptement faite; et enfin que j'eusse eu de cette petite affaire autant de satisfaction et d'agrément qu'elle m'a déjà donné d'ennui. Mais aussi, que M. Furia me fasse la grace de ne point s'occuper de moi plus qu'il ne doit et plus que je ne veux; qu'il ne me fasse pas dire ce que je n'ai point dit: ou, si l'on me prête un langage inconvenant, que sa haute sagacité, aidée d'un peu de charité chrétienne, lui fasse rejeter comme absurdes tout langage, toute conduite qui n'auroient pu être le langage, la conduite d'un homme honnête et non en démence.

Que conclure de tout ceci, et des vingt-deux pages de M. Furia; que le libraire a eu le tort de ne pas voir du premier coup-d'œil, que l'accident arrivé au manuscrit exigeoit qu'avant toutes choses copie fût remise à la bibliothèque; mais qu'au reste, la remise de cette copie n'a dépendu aucunement de sa volonté,

et qu'il n'est point du tout la cause du refus. On lui reprochera encore, si l'on veut, de n'avoir pas su prévoir que le desir bien franc, un peu enthousiaste, de publier deux vieilles pages de grec seroit officieusement transformé en avidité mercantile. Quant au littérateur, il est probable qu'il aura cru avoir le droit de retenir ce qu'il avoit trouvé, ou au moins de ne le publier que quand bon lui sembleroit. Il n'aura pas aperçu qu'avant la tache il avoit bien ce droit, mais que la tache une fois faite, son devoir étoit de rendre aussitôt une copię manuscrite: ou, s'il ne la vouloit rendre qu'imprimée, de la donner avec une promptitude telle qu'on eût à peine eu le temps de s'affliger de la dégradation. La plus grande partie du mal est encore réparable. Que M. Courier imprime son fragment, ou qu'il le rende en manuscrit à la bibliothèque ; il fera cesser les justes réclamations des amis des lettres ; et dès lors la dégradation du manuscrit ne sera plus qu'un accident, très fâcheux sans doute, mais sans aucun préjudice pour la littérature.

Paris, le 5 juillet 1810.

ANT. AUG. RENOUARD.

DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET.

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