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rer à la campagne de 1813, et les deux monarques, Alexandre et Frederic-Guillaume, ne cessèrent plus d'étre ensemble, se concertant sur toutes leurs opérations, et vivant dans la meilleure intelligence. Ils firent dès-lors, l'un et l'autre, beaucoup d'efforts pour attirer l'Autriche dans leur alliance mais la cour de Vienne parut encore dans l'incertitude; et les armées russe et prussienne dûrent soutenir seules, au commencement de 1813, les efforts des Français, qui avaient reçu de puissans renforts, et que Napoléon était revenu commander en personne. Les deux batail les de Bautzen et de Lutzen furent trèssanglantes, mais ne furent pas décisives: cependant les alliés se virent obligés de se retirer derrière l'Elbe; et là, ils convinrent avec l'empereur des Français d'un armistice de quarante jours. Pendant ce temps, des négociations furent entamées à Prague par la médiationde l'Autriche ("oy. FRANÇOIS Ier). Mais Napoléon espérait encore pouvoir rappeler la fortune sous ses drapeaux: il rejeta des propositions qui laissaient la France grande et puissante, et les hostilités recommencérent. Alors l'Autriche se décida, et de médiatrice elle devint ennemie. Malgré le poids que je tait dans la balance son accession à la cause des alliés, les Prussiens eurent, pendant quelque temps, à supporter le principal fardeau de la guerre. Divers combats sanglans furent livrés en Silésie avec des succès variés; un avantage remporté par les Français sembla leur ouvrir le chemin de Berlin : déjà ils n'étaient plus qu'à quel ques lieues de cette capitale, menacée de la plus terrible vengeance, et où régnait déjà l'épouvante: mais les talens du prince royal de Suède, accouru à sa défense, et la fureur avec laquelle combattirent les troupes prussiennes à la journée de Dennewitz, sauverent cette ville, et forcèrent les assaillans à se retirer en désordre. La ba taille dont il s'agit, et en général tous les faits d'armes qui signalerent cette campagne, rendirent aux Prussiens leur antique renommée, et, en dépit d'une ancienne rivalité, on entendit des officiers-généraux de l'armée autrichienne déclarer « que quand ils rencontraient un soldat prussien, ils lui ôtaient leur chapeau. » Enfin la victoire de Leipzig (16, 17 et 18 octobre) acheva d'assurer l'indépendance germanique, et les Français furent rejetés sur la rive gauche du Rhin. Le roi de

Prusse fonda, à cette époque (décembre 1813), l'ordre de la Croix-de-fer, pour récompenser les militaires qui s'étaient distingues, et il fit fondre, avec les canons pris sur l'ennemi, une médaille qui fut donnée à tous ceux qui avaient fait la campagne de 1813. Arrivés à Francfort, les souverains alliés firent encore quelques tentatives pour obtenir la paix (novembre 1813). Ces tentatives n'ayant eu aucun succès, ils prirent le parti d'entrer en France, en se faisant précéder de proclamations dont le contenu était plus propre à disposer favorablement les esprits, qu'il ne fut exécuté avec fidélité. Les Prussiens passèrent le Rhin sur différens points; ils traversèrent la Lorraine, occupèrent Nanci à la suite d'une action fort vive, et entrèrent en Champagne. Victorieuse à Brienne, leur armée de Silésie fut repoussée à Champ-Aubert, où elle éprouva des pertes considérables,ainsi que dans la sanglante affaire de Montmirail : mais la discipline et la fermeté dont elle avait pris l'habitude, ainsi que le sangfroid de son général (voy. BLUCHER), la mirent en état d'opérer sa retraite en bon ordre. Enfin, les allies ayant pris la résolution de marcher droit sur Paris, au lieu de s'attacher à la poursuite de Napoléon, qui ne cherchait qu'à les en éloigner, se présentérent devant cette ville le 30 mars 1814, et dès le lendemain, ils l'attaquèrent avec beaucoup de vivacité. La garde royale prussienne déploya surtout un grand courage, et perdit beaucoup de monde, en enlevant les hauteurs qui défendent le nord de cette capitale. Le roi n'avait pas cessé de suivre tous les mouvemens de ses troupes, et de les animer par sa présence: et l'on assure que, témoin de l'héroïque dévouement des élè ves de l'École polytechnique, qui, avec quelques pièces d'artillerie s'efforçaient de defendre les approches de la ville, il donna l'ordre de ménager autant qu'il serait possible, cette courageuse jeunesse. Il fit son entrée dans Paris avec l'empereur de Russie, le 31 mars, et il prit part à toutes les négociations qui amenèrent le traité de Fontainebleau. Pendant le séjour de près de trois mois que ce monarque fit dans la capitale de la France, il visita tous les établissemens utiles, et se montra partout avec modestie et simplicité. Le traité de Paris ( 30 mai 1814) fixa les premières bases des ac

croissemens que la Prusse fit consacrer définitivement au congrès de Vienne. Les provinces du Bas-Rhin, une partie de la Saxe voy. FREDERIC - AUGUSTE ) et de la Pologne, lui offrirent une forte com pensation des pertes qu'elle avait essuyées. Frederic-Guillaume quitta Paris le 4 juin, pour se rendre en Angleterre avec l'empereur Alexandre; et ces deux monarques furent accueillis dans ce royaume, par le prince régent et par toute la population, avec une magnificence et un empressement sans exemple (voy. ALEXANDRE). Le roi de Prusse se rendit ensuite à Vienne par la France et par la Suisse; il s'arreta quelque temps à Neufchatel; arrivé au congrès, il y suivit toutes les négociations,jusqu'au moment oùBonaparte, échappé de l'ile d'Elbe, reparut sur les côtes de la France. Frederic-Guillaume s'empressa d'adhérer à tous les actes des puissances contre ce retour, et il écrivit lui-même au roi de France pour l'informer de cette résolution. Il adressa en même temps, à ses peuples, une proclamation par laquelle il promit de grandes récompenses aux volontaires, et déclara inhabiles à remplir toutes fonctions civiles ceux qui, n'ayant pas concouru au service de la patrie depuis 1790, refuseraient encore d'y concourir. Le seul nom de Napoléon, et la crainte du retour des maux dont il avait accablé les Prussiens,suf. firent pour soulever encore une fois cette nation. De nombreuses arméesse dirigèrent bientôt contre la frontière de France, que cependant elles nedépassèrent pas, et ce ne fut que vers le milieu de juin, que Bonaparte passa la Sambre, et vint lui même attaquer les Prussiens, sur lesquels il remporta d'abord àLigny un avantage considé rable (voy. BLUcher). Les Prussiens ayant ensuite occupé la position de Wavre, qui couvrait Bruxelles, s'y défendirent avec fermeté, et bientôt un de leurs corps d'armée, commandé par le général Bulow, en se portant sur la droite de l'armée française, determina la victoire des alliés à Waterloo. Pendant ce temps, le roi de Prusse était à Francfort avec l'empereur de Russie. Il se rendit à Paris avec ce monarque, peu de jours après l'entrée de ses troupes dans cette capitale, et il y suivit encore les négociations du traité, dont les conditions devaient être bien plus dures pour les Français que celles de l'année précédente. Par ce nouveau traité,

la Prusse obtint une part considérable de la contribution que l'on imposa à la France; tous les monumens et objets d'arts qui avaient été enleves de ses états lui furent rendus, et 30,000 hommes de ses troupes dûrent faire partie du corps des tiné à occuper les frontières pendant cinq ans. Frederic-Guillaume fit toutefois cesser quelques actes d'une violence sauvage, auxquels les Prussiens s'étaient livrés dès les premiers jours de leur entrée à Paris, et dont la généreuse intervention de l'empereur de Russie n'avait pu que modérer les effets. Ce prince retourna dans ses états vers la fin de septembre. Il recut bientôt après, dans sa capitale, l'empereur Alexandre, et les deux monarques cimentèrent, de plus en plus, les liens qui semblent avoir uni leurs intérets et leur politique,d'une manière indissoluble.Rentré dans ses états, le roi a opéré dans l'administration divers changemens qui ne paraissent pas tous avoir répondu auvœu national. Le souhait le plus ardent des Prussiens, souhait universel aujourd'hui en Europe, était d'obtenir une constitution libérale, appuyée sur un bon système représentatif, qui leur avait été promis aux jours du danger, dans grand nombre de proclamations. Une commission a été nommée depuis long-temps pour en régler les bases; mais on ignore jusqu'ici le résultat de ses trayaux. La réponse faite par les organes de la volonté royale, que les circonstances n'étaient pas encore favorables à un changement de cette nature (argument favori des ministres de tous les pays, lorsque les citoyens réclament une amelioration),paraît ne pas avoir contenté un peuple qui semble croire que son dévouement et ses sacrifices méritaient que l'on daignât déférer à son vœu. Divers symptômes ont manifesté ce mécontentement. Les opinions libérales, dont la puissance est d'autant plus grande que c'est dans l'armée meme qu'elles ont jeté de plus profondes racines, se sont fait entendre avec plus ou moins de force, tantôt dans les écrits de quelques publicistes, auxquels les tribunaux n'ont imposé silence qu'en irritant le sentiment national: tantôt dans les discours de l'ardente jeunesse des universités, que des rigueurs impolitiques ont poussée à la révolte, et en qui l'emploi même des moyens les plus violens n'a fait qu'accroître une tendance dejaremarquable à l'esprit démocratique. Des plaintes

plus amères se sont élevées sur la rive gauche du Rhin, où des habitudes contractées pendant vingt ans, et les regrets qu'a laissé l'anéantissement de quelques institutions révérées, ont fait accueillir la nouvelle domination avec plus de défaveur. Ce sentiment s'est encore accru par les pertes que font éprouver au commerce, les entraves qu'ont mises les lois fiscales à ses rap ports, particulièrement avec les Pays-Bas; et par les ordonnances récentes qui assujétissent tous les citoyens au service militaire. Le roi Frederic-Guillaume a assisté aux conférences d'Aix-la-Chapelle(1818), mais il ne s'est point rendu, comme l'empereur Alexandre, à Bruxelles, où il était attendu, ce qui a donné lieu à des bruits que le temps seul peut éclaircir.-FREDE RIC-GUILLAUME, prince-royal de Prusse, est né en 1795. A peine sorti de l'enfance, il s'est distingué par des talens militaires et une rare intrépidité dans les batailles de 1813.

FREDERIC VI, roi de Danemarck, fils de Christian VII et de Caroline-Mathilde d'Angleterre, né le 28 janvier 1768, fut élevé par le docteur Struensée, que la protection de la reine avait porté aux premières places de l'état, et qui devint la cause principale des malheurs de cette princesse. (Voy. CHRISTIAN VII.) Né au sein d'une cour gaie et insouciante, à l'époque d'une tranquillité parfaite, tant au dedans qu'au dehors, Frédéric VI semblait appelé à continuer un jour cette série de règnes sans caractère qui, depuis 1720, avaient fait descendre le Danemarck de son ancien rang parmi les puissances. Un étranger ambitieux avait mis un terme à ce long assoupissement. Struensée, devenu le premier ministre d'un monarque faible d'esprit et de corps, changea entièrement tout le système po litique et administratif de la monarchie danoise. Affranchir l'état de la dangereuse influence de la Russie, circonscrire les priviléges de la noblesse, en attendant l'instant de les anéantir, abolir la servitude du paysan, asseoir les impositions sur le principe des économistes français, réduire les dépenses de la cour et surtout ses libéralités, l'une des grandes causes qui préparent de loin les révolutions, telles étaient les principales vues qu'annonçait cet homme extraordinaire, philosophe par ses idées, visir par sa conduite, qui employait à créer la liberté les ressour

ces du despotisme, et dont l'ame ardente, impétueuse, peut-être corrompue, nourrissait quelques vœux dignes d'un grandhomme. Précipité dans l'abîme, que son inexpérience et sa fougue avaient creusé sous ses pas, et que rendit plus profond encore ce titre d'étranger, si détesté dans un ministre, Struensée laissa au Danemarck deux héritages précieux : l'un fut la liberté de la presse, qu'il avait le premier proclamée, pour son malheur, mais qui fut dès-lors d'un immense avantage pour la nation, puisqu'elle réveilla le grand et noble caractère scandinave, obéissant par respect pour l'ordre, mais trop fier pour ne pas abhorrer la corruption et l'esclavage. En même temps que Struensée, dont cette seule action honore la mémoire, avait restitué à un peuple qui jadis s'etait volontairement dépouillé de ses droits, le plus précieux de tous, celui d'exprimer sa pensée, il avait rendu à la nation un autre service non moins important, dans la personne de celui qui devait la gouverner un jour : il avait veillé à ce que le prince royal reçût une éducation male et sévère, entièrement opposée à la mollesse des cours, éducation dont les résultats se sont fait sentir depuis, dans des conjonctures de la plus haute importance. C'est donc en quelque sorte à ce ministre que les Danois sont redevables de la conservation du trône, et de la renaissance de cette énergie et de ce sentiment d'honneur, qui seuls, dans les momens d'orage, peuvent sauver les monarchies. Le berceau de Fréderic VI fut entouré de dangers. Dès l'âge de quatre ans, sa position devint extrémement critique. Sa mère, sœur du roi d'Angleterre, languissait dans l'exil. Son père se trouvait dans un etat qui le rendait incapable d'avoir aucune volonté en propre. On savait que la veuve de Frederic V, l'ambitieuse JulianeMarie, était à la téte d'une branche puînée, qui, proche héritière du trône, pouvait tout espérer de l'inaction de la branche régnante. L'animosité qu'avait manifestée cette princesse contre la reine Ca roline, pouvait s'étendre jusqu'au fils de cette infortunée, et les alarmes de la nation lui supposaient un but ultérieur, et plus criminel encore. Toutefois l'opinion s'était trompée dans le genre de machiavélisme qu'elle luisupposait. La reine douairière parut avoir borné ses plans à une tutelle sévère, qui lui eût assuré le

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droit, si vivement désiré par elle, de ne quitter les rénes du gouvernement qu'avec la vie. Ces projets ambitieux furent de joués par la prévoyance et l'énergie du jeune prince, que secondèrent quelques amis fidèles, et surtout la volonté nationale. Dirigé par les conseils du comte de Bernstorff, il prépara de loin le jour de son affranchissement. Dès l'an 1784, à peine agé de 16 ans il écarta le parti de la reine Juliane, et se mit à la tête du gouvernement. Ses ministres et ses principaux conseillers furent successivement les comtes de Bernstorff, père et fils. Ce fut dès cette époque, que Frédéric commença a reconnaître la vérité de cette maxime, qui lui avait été adressée par un poète danois, et qu'il répéta souvent lorsqu'il fut monté sur le trône : Que gouver ner les hommes est un travail, et non pas un amusement Au reste, la régence imprima au gouvernement un caractère de publicité, de loyauté et de justice qui lui concilia l'estime des partis les plus opposés; et, malgré tous les orages qui ont agité l'Europe, la sagesse du prince royal et de ses ministres conserva aux deux royaumes la paix intérieure et extérieure. Cette tranquillité ne fut interrompue qu'en 1788, lorsque l'alliance de la Russie força le Danemarck à envoyer un corps de troupes contre la Suède; mais, dès le mois d'octobre de la même année, un armis tice, conclu par la médiation de l'Angleterre et de la Prusse, lui rendit la neutralité, qu'il a conservée pendant les premières guerres de la révolution française, et qui a tant contribué à la prospérité de l'état et à celle des habitans. Le papiermonnaie, dont la première émission eut lieu en 1736, avait commencé à tomber après la guerre d'Amérique; et, en 1789, il perdait déjà un quart de sa valeur nominale: mais le commerce se releva ensuite et devint très-florissant, au point que pendant plusieurs années, ce pays fut le plus tranquille de l'Europe, et l'un de ceux où régnait le plus d'aisance et de bonheur. Une convention obligea le Danemarck, conjointement avec la Suède, depuis 1794 jusqu'en 1799, à protéger Ja neutralité de ces deux royaumes par une flotte composée de vaisseaux des deux nations, et le déploiement seul de cette force maritime contraignit l'Angleterre à traiter ces puissances avec plus de modération. Un léger succès que la valeur

danoise obtint dans la Méditerranée, valut à son pavillon l'avantage de naviguer dans ces parages avec securité. Quelques nuages qui semblèrent menacer cette heureuse situation, furent encore écartés pendant l'année 1800. Ce fut alors que le Da. nemarck entra dans la ligue du nord formée par Paul Ier et Bonaparte, et qu'il s'engagea à mettre sa flotte en mer contre l'Angleterre. Cette puissance sentit bientôt les dangers auxquels l'exposait une pa reille coalition, et la guerre devint inévitable. Des mesures énergiques furent prises par le cabinet de Copenhague : un corps de troupes danoises оссира Hambourg, pour en exclure les Anglais. Ceuxci crurent ne devoir pas perdre de temps pour attaquer un ennemi qui débutait d'une manière aussi vigoureuse; et de grandes forces navales, sous les ordres de l'amiral Nelson, entrèrent dans la Baltique, et présenterent le combat à l'escadre ennemie, qui l'accepta. Après une longue et sanglante action, où les marins danois obtinrent par leurs talens et leur intrépidité, les éloges de leurs adversaires, les Anglais remportérent une victoire chèrement achetée. « Je m'étais trouvé à bien des combats de mer », mandait Nelson dans une lettre que publièrent les journaux anglais : « mais jamais je n'avais rien vu de pareil. Ces Da nois sont de vrais diables ('true devils ) Néanmoins Frederic crut devoir à son peu ple de ne pas prolonger une lutte aussi inégale : etcomme les Anglais, de leur côté, ne cherchaient qu'à diminuer, àdes conditions supportables, le nombre de leurs ennemis, il fut conclu, dans la rade même de Copenhague, une convention par laquelle le Danemarck rentra à la vérité en possession des îles de St-Thomas et de Ste-Croix, dans les Indes-Occidentales, mais il fut contraint d'évacuer Hambourg. En 1804, le prince royal s'étant rendu, à la tete de quelques troupes, dans le voisinage de cette ville, cette démarche donna de l'ombrage au gouvernement français. Ce pendant la paix ne fut pas interrompue, et le Danemarck en jouit jusqu'en 1807. Mais bientôt l'arrogance des croiseurs anglais, et les déprédations qu'ils exerçaient sur les bâtimens neutres, donnèrent lieu à des plaintes amères, et excitèrent le ressentiment du gouvernement danois. Napoléon, dont l'adroite politique épiait toutes les semences de haine que pouvait

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receler contre l'Angleterre chaque nation européenne, profita de cette disposition des esprits pour faire des ouvertures tendant à renouer la ligue du nord. Le cabinet de St-James en fut instruit: craignant le succès de ces négociations, que semblaient devoir accélérer ses torts récens envers les neutres, et calculant tout ce qu'ajouterait aux forces navales de son ennemi l'accession du Danemarck, il demanda que la flotte danoise lui fût livrée jusqu'à la paix générale : et sur le refus du gouvernement danois, refus auquel il s'était attendu, et qui fut accompagné du langage d'une profonde indignation, les forces britanniques attaquèrent Copenhague, que la résistance de la garnison, et les efforts patriotiques d'une partie des habitans, ne purent sauver des dangers d'une attaque que l'on n'avait pas assez prévue. Cette capitale fut bombardée pendant trois jours; des magasins immenses furent incendiés, l'arsenal de la marine fut dépouillé, et des navires chargés de marchandises pour plus de cent millions, furent pris en mer. L'armée anglaise ne se retira qu'au mois de mars 1808, emmenant dans les ports d'Angleterre la flotte danoise, composée de quinze vaisseaux de ligne, quatorze frégates ct cinq bricks, outre un grand nombre de navires marchands, et jusqu'aux plus petites embarcations: à tel point qu'on prétendit qu'à cette époque l'amiral anglais Popham avait déclare: <qu'il lui était ordonné d'emmener tout ce qui flottait. » Cette attaque, qui, par la manière dont elle avait été exécutée, constituait une violation révoltante du droit des gens, et contre laquelle s'éleva un cri général, même en Angleterre, fit encore perdre aux Danois leurs colonies, les îles d'Anholt et de Heligoland, et enfin le fruit de dix-sept années de paix et de travaux. Pendant cette malheureuse catastrophe, le prince royal s'était empressé de se rendre de Kiel à Copenhague, pour ramener sur le continent danois le roi son père : mais Christian VII mourut à Rensbourg, le 13 mars 1808 (Voy. CHRISTIAN VII), et Frederic VI, regardé depuis long-temps par les Danois comme leur génie tutélaire, monta sur le tróne. Des événemens de la plus haute importance signalèrent le commencement de son règne. La conduite du cabinet de Stockholm, et les rela

tions qu'il entretenait avec l'Angleterre, dont il recevait les vaisseaux dans ses ports, et qui lui payait des subsides, furent regardées par le gouvernement Dano's, comme des marques d'hostilité de la part de la Suède : et les explications qui eurent lieu à ce sujet, n'ayant été rien moins qu'amicales, Frederic VI, déjà entraîné par son alliance avec la Russie, déclara, la veille même de son avénement, la guerre à Gustave-Adolphe. Dans le manifeste publié à cet effet, après avoir rappelé les démarches faites inutilement, par la cour de Copenhague, pour opérer un rapprochement entre les deux puissances, le gouvernement danois ajoutait ce qui suit: «Le cabinet suédois a-t-il vraiment pu se dissimuler, que les violences com. mises dans le Sund, que la violation de la Baltique, qu'un brandon jeté d'une main féroce dans le nord, provoqueraient de la part des puissances lésées, insultées ou menacées, une résistance qui réduirait la Suède, promptement et nécessairement, à l'alternative, ou de concourir à la dé fense et à la vengeance du nord outragé, ou d'abjurer ses intérêts les plus évidens, ses plus anciens principes, et ses droits les plus légitimes, pour se rendre l'instrument aveugle des vues forcénées d'un gouvernement qui a cru diriger ses attaques contre les premières bases de la sûreté, de la prospérité, et de la dignité des puissances du nord? Ces considerations peuvent-elles étre balancées par l'avantage frivole des subsides, au prix desquels le cabinet de Londres se montre toujours prêt à acheter des alliés, qu'il prétend se réserver, par-là même, le droit de traiter en mercénaires? Les résolutions du roi de Suède ayant cependant frustré les dernières espérances de ses voisins le gouvernement danois ne saurait plus hésiter à prendre à son tour le parti que sa sûreté, l'intérêt général du nord, son attachement pour la Russic, et la nature de ses liens avec cette puissance, lui prescrivent impérieusement. Au moment où la Sélande est de nouveau menacée par des forces anglaises, auxquelles déjà les ports de Suede servent de point de réunion; où l'ennemi du nord vient de s'assurer de la dépendance de la cour de Stockholm, par de nouveaux secours pécuniaires; où les propos publics du ministère anglais dévoilent suffisamment la nature des engagemens encore sub

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