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seulement à terminer sa session, mais encore à déclarer qu'aucun de ses membres ne pourrait faire partie de la nouvelle assemblée. Des fautes aussi graves, dans un moment où elle ne pouvait ignorer quelle impulsion rapide, depuis le départ de Louis XVI, précipitait vers les idées républicaines les esprits les plus actifs de la France, c'est-à-dire, ceux qui, exerçant une plus grande influence dans les corps électoraux, seraient probablement élus députés de telles fautes eurent les résultats qu'il était impossible de ne pas en attendre, et que Louis XVI lui-même n'avait que trop prévus et redoutés. L'exercice de la royauté était suspendu, ce qui, sans exemple dans les annales de la monarchie et dans les idées des Français, était l'équivalent de détruit, à l'époque où les assemblées électorales furent convoquées; les défiances contre le monarque y étaient à peu près générales; dans un grand nombre de ces assemblées, ces défiances avaient même pris un tel caractère d'exasperation, que les mots de déchéance, de jugement du monarque, et de république, avaient été prononcés. Marseille et Bordeaux se faisaient surtout remarquer par une attitude plus menacante. Ce fut sous ces funestes auspices que Guadet, Vergniaud, Gensonné, Ducos, Grangeneuve, furent élus membres de l'assemblée législative. Il est même hors de doute, que les plus influens des électeurs, avant de leur donner leurs suffrages, exigèrent d'eux le serment d'établir la république, du moment où les circonstances et ce qu'on appelait les nouvelles trahisons du pouvoir exécutif, qu'on regardait comme inévitables et imminentes, rendraient possible ce grand événement. En blamant hautement cet engagement sacrilége, qui paraît avoir été la règle constante de la conduite de la députation de la Gironde, dans l'assemblée législative, nous devons déclarer, avec la même vérité, et d'après des documens dont l'au thenticité ne saurait être contestée, que si, arrivés à Paris, Guadet et ses amis eussent trouvé dans le gouvernement une volonté frauche et ferme de faire marcher la constitution, en n'appelant au ministère et dans les fonctions publiques

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que des hommes connus et éprouvés dans la révolution, il est plus que douteux qu'ils eussent persisté dans le projet de faire écrouler le trône. A l'objection que nous

prévoyons bien qu'on ne manquera pas de nous faire, que cet amour prétendu de la constitution ne servait qu'à voiler une ambition profonde et le désir de diriger le cabinet en dominant la personne du monarque, nous avouons que nous n'avons rien à répondre, et que ce reproche nous paraît être, en effet, celui dont nous croyons impossible de disculper la députation de la Gironde ; on verra méme, par la suite de cet article, que cette intention se manifesta dès les premières séances de l'assemblée législative. Deux sociétés rivales existaient à cette époque; toutes deux s'intitulaient amies de la constitution; mais l'une, plus ancienne, siégeait dans l'ancien local du couvent des jacobins, dont le nom lui était resté : tandis que l'autre, qui n'était qu'une fraction scissionnaire de la première, tenait ses séances dans celui de l'ancien couvent des Feuillans, dont elle avait également pris le nom. Cette scission qui s'était opérée avant les événemens du 17 juillet 1791 (voy. BAILLY), éclata avec plus de force encore, après cette époque. Les chefs des républicains qui avaient recruté leur armée de tout ce que Paris renfermait d'hommes entreprenans, et que le fanatisme ou l'intérêt rendaient avides de troubles étaient poursuivis et en fuite; et l'autorité publique protégeait ouvertement les réunions des constitutionnels, tandis que les bancs des jacobins étaient à peu près déserts, et qu'un petit nombre d'individus, plus audacieux, se chargeaient seuls de constater, par leur présence, l'existence de cette société. L'arrivée à Paris de Guadet et de ses amis, apporta de grands changemens dans l'état des affaires. Un moment incertains sur la société à laquelle ils se réuniraient, ils se décidèrent pour les Jacobins, dans lesquels ils trouvaient en effet une plus grande analogie avec les principes qu'ils s'étaient engagés à faire prévaloir, et entraînèrent avec eux un grand nombre de leurs nouveaux collègues qui, arrivés à Paris sans direction et livrés à l'enthousiasme le plus irréfléchi, se trouvaient trop malheureusement portés à ne voir de véritable patriotisme que là où l'on professait une haine plus ardente contre la cour. C'est ainsi qu'en peu de temps, les jacobins eurent repris toute leur influence; que l'effervescence populaire et les entreprises des factions s'accrurent au même dégré, et que, quoi

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que les députés constitutionnels qui s'attachèrent aux feuillans, fussent numériquement beaucoup plus forts que ceux qui allèrent siéger aux jacobins, il n'en était pasmoins aisé de prévoir que le triomphe serait bientôt du côté des talens et de l'audace. A peine Guadet eut-il pris place dans l'assemblée, qu'il se prononça avec vehemence contre les ministres, les ennemis de la révolution, les émigrés et les prêtres insoumis. Les 28 et 30 octobre 1791, il ft décréter la proposition de M. de Girardin, tendante à ce qu'il fût fait une proclamation constitutionnelle, pour requérir Monsieur, aujourd'hui Louis XVIII « de rentrer dans le royaume, dans le délai de deux mois; faute de quoi il serait déclaré déchu de son droit éventuel de régence. » Cette proclamation eut lieu dans tout Paris, le 31 octobre. Quelques jours après, Guadet parla en faveur de la loi qui réputait conspirateurs les émigrés qui ne seraient pas rentrés le janvier 1792; et sur la demande d'un de ses collègues, qui voulait que l'on remontát à la source du mal, en mettant en accusation les princes émigrés, frères du roi, Guadet proposa d'ajourner cette mesure jusqu'au 1er janvier, ajoutant plaisamment « qu'il fallait la donner au peuple,pour ses etrennes. » L'assemblée rit, et l'ajournement fut décrété sans opposition: tant il est vrai que dès-lors l'opinion nationale s'était déjà unanimement déclarée, dans tous les partis, contre le systême, non moins absurde que coupable, de l'émigration armée. Le 12 novembre, Guadet fit rendre un décret d'accusation contre Varnier; le 24, il prit la défense du jeune Delâtre, impliqué dans les projets contrerévolutionnaires de son père qui venait aussi d'être frappé d'un décret d'accusa tion. Le 31 décembre 1791, Guadet fit appliquer aux soldats du régiment suisse de Chateau-Vieux (voy. BOUILLÉ), les dispositions de l'amnistie du 31 septembre précédent. Le 2 janvier 1792, le décret d'accusation contre les princes, demandé en novembre et ajourné à cette époque sur la proposition de Guadet, fut rendu à la presque unanimité par l'assemblée, contre Monsieur, le comte d'Artois, le prince de Condé, et MM. de Calonne, Mirabeau le jeune et de la Queille. Dans les premiers jours du même mois, Guadet, dans un discours remarquable par la force du raisonnement et une haute éloquence,

signala le congrès des puissances de l'Europe contre la France et sa révolution, et fit décréter. en méme-temps, que tout agent français et autre régnicole qui y prendrait part, ou à tout autre projet tendant à détruire la constitution, serait poursuivi comme coupable du crime de lesenation et puni de mort. Porté le 22 janvier au fauteuil de la présidence, il prit la defense des sociétés populaires, proposa d'examiner la conduite des ministres à l'égard du roi, dévoila ce qu'il appelait les manoeuvres perfides des ministres et les trahisons de la cour, appuya le 17 février la dénonciation de Fauchet contre le ministre des affaires étrangères de Lessart, et insista, avec force, le 10 mars, pour que le décret d'accusation proposé par Bris sot contre ce ministre, fût immédiatement adopté. Le 14 avril suivant, lors de la discussion sur les épouvantables événe mens de la glacière d'Avignon, Guadet, livré à des erreurs qu'on ne saurait assez déplorer dans un tel homme, et interver tissant, avec une inexcusable imprudence, les principes les plus sacrés de l'humanité et de la justice, prononça, avec son éloquence ordinaire, un discours fort étendu, et dans lequel., s'efforçant de réunir les plus puissantes considérations politiques, il invoqua l'amnistie en faveur des assassins, rejetant sur l'exaltation de quelques têtes ardentes, des forfaits horribles qu'il devait poursuivre, six mois après, dans les bourreaux de sep tembre, avec une énergie bien autrement utile à sa gloire.Le 3 mai, il dénonça comme également coupables et payés par les mêmes mains, Marat, redacteur de l'Ami du peuple, et Royou, rédacteur de l' Ami du roi: le premier, en ne cessant d'exciter le peuple au pillage et à l'assassinat; le second, en établissant des principes contraires à tou tehberté, et en provoquant à la guerrecivi le. Le 19 du même mois, il fit décreter la suppression du traitement d'un million que la nation avait payé, jusques-là, aux frères de Louis XVI. Le 20, il proposa et fit rendre, à la suite d'un rapport, un decret d'accusation contre le juge-de-paix Étienne Larivière, qui, sur une plainte portée au nom de la reine, avait lancé, la veille, un mandat d'amener contre les députés Merlin, Chabot et Bazire, dénonciateurs d'un comité autrichien qui, disaient-ils, se réunissait chez cette princesse. Le 27, il reclama un rapport sur douze Suisses

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