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discipline en inculquant les préceptes. 4 C'est dans ces réunions encore que se font les exhortations, les corrections, les censures au nom de Dieu. Et, en effet, on y rend aussi des jugements, qui ont un grand poids, attendu que nous sommes certains d'être en présence de Dieu, et c'est un terrible préjugé pour le jugement futur, si quelqu'un d'entre nous a commis une faute telle qu'il est exclu de la communion des prières, des assemblées et de tout commerce avec les choses saintes. 5 Ce sont des vieillards éprouvés qui président; ils obtiennent cet honneur non pas à prix d'argent, mais par le témoignage de leur vertu, car aucune chose de Dieu ne coûte de l'argent. Et même s'il existe chez nous une sorte de caisse commune, elle n'est pas formée par une <«< somme honoraire », versée par les élus, comme si la religion était mise aux enchères. Chacun paie une cotisation modique, à un jour fixé par mois ou quand il veut bien, et s'il le veut et s'il le peut. Car personne n'est forcé; on verse librement sa contribution. 6 C'est là comme un dépôt de la piété. En effet, on n'y puise pas pour des festins ni des beuveries, ni pour des lieux de stériles ripailles, mais pour nourrir et inhumer les pauvres, pour secourir les garçons et les filles qui n'ont ni fortune ni parents, et puis les serviteurs devenus vieux, comme aussi les naufragés; et, si des chrétiens souffrent dans les mines, dans les îles, dans les prisons, uniquement pour la cause de notre Dieu, ils deviennent les nourrissons de la religion qu'ils ont confessée.

7 Mais c'est surtout cette pratique de la charité qui, aux yeux de beaucoup, nous imprime une marque infamante. « Voyez, disent-ils, comme ils s'aiment les uns les autres », car eux se détestent les uns les autres ; « voyez, disent-ils, comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres »>, car eux sont plutôt prêts à se tuer les uns les autres. 8 Quant au nom de « frères » par lequel nous sommes désignés, il ne les fait déraisonner, je crois, que parce que, chez eux, tous les noms de parenté ne sont donnés que par une affection simulée. Or, nous sommes même vos frères, par le droit de la nature, notre mère commune ; il est vrai que vous n'êtes guère des hommes, étant de mauvais frères ! 9 Mais avec combien plus de raison appelle-t-on frères et considère-t-on comme frères ceux qui reconnaissent comme Père un même Dieu, qui se sont abreuvés au même esprit de sainteté, qui, sortis du même sein de l'ignorance, ont vu luire, émerveillés, la même lumière de la vérité! 10 Mais peut-être nous regarde-t-on comme frères moins légitimes, parce qu'aucune tragédie ne déclame au sujet de notre fraternité, ou encore parce que nous usons en frères de notre patrimoine, qui chez vous brise généralement la fraternité. 11 Ainsi donc, étroitement unis par l'esprit et par l'âme, nous n'hésitons pas à partager nos biens avec les autres. Tout sert à l'usage commun parmi nous, excepté nos épouses. 12 Nous rompons la communauté, là précisément où les

quod *FP; quam cum R. 9 quanto (quando F) nunc FR; at quanto P. agnoverunt *FP. biberunt *FR; biberint P. expaverunt F; expaverint P. exclamat *FP; exclamant maiorum FP; malorum R.

R.

10 quia nulla *FP1 ; quia nulli P2 (in marg. corr.). ex *FP; om. R (?). - 12 loco P ; solo FR.

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iberorum causa et alibi creandorum. 13 Nescio quidem an invitas : quid enim de castitate curarent, quam mariti tam facile donaverant ? O sapientiae Atticae, o Romanae gravitatis exemplum : leno est philosophus et censor!

14 Quid ergo mirum, si tanta caritas convivatur? Nam et cenulas nostras, praeterquam sceleris infames, ut prodigas quoque suggillațis. De nobis scilicet Diogenis dictum est : << Megarenses obsonant quasi crastina die morituri, aedificant vero quasi numquam morituri ». 15 Sed stipulam quis in alieno oculo facilius perspicit quam in suo trabem. Tot tribubus et curiis et decuriis ructuantibus acescit aer; Saliis cenaturis creditor erit necessarius; Herculanarum decimarum et polluctorum sumptus tabularii supputabunt; Apaturiis, Dionysiis, mysteriis Atticis cocorum dilectus indicitur; ad fumum cenae Serapiacae sparteoli excitabuntur. De solo triclinio Christianorum retractatur !

16 Cena nostra de nomine rationem sui ostendit : id vocatur quod dilectio penes Graecos. Quantiscumque sumptibus constet, lucrum est, pietatis nomine facere sumptum, siquidem inopes quosque refrigerio isto iuvamus, non qua penes vos parasiti affectant ad gloriam famulandae libertatis sub auctoramento ventris inter contumelias saginandi, sed qua penes Deum maior est contemplatio mediocrium. 17 Si honesta causa est convivii, reliquum ordinem disciplinae de causa aestimate. Quod sit de religionis officio, nihil vilitatis, nihil immodestiae admittit. Non prius discumbitur quam oratio ad Deum praegustetur; editur quantum esurientes capiunt; bibitur quantum pudicis utile est. 18 Ita saturantur, ut qui meminerint etiam per noctem adorandum Deum sibi esse; ita fabulantur, ut qui sciant Deum audire. Post aquam manualem et lumina, ut quisque de scripturis sanctis vel de proprio ingenio potest, provocatur in medium Deo canere : hinc probatur quomodo biberit. Aeque oratio convivium dirimit. 19 Inde disceditur non in catervas caesionum nec in classes discursationum nec in inceptiones lasciviarum, sed ad eandem curam modestiae et pudicitiae, ut qui non tam cenam cenaverint quam disciplinam.

quam leno est *FR; lenonest P; cenulas *FP; caenula R. 15 ructantibus P (cf. 48, 14); Herculanarum *FP; HerculaApaturiis *F; appaturiis

sapientiorum suorum F; suorum sapientiorum R ; sapientissimorum P. FP; quas R. donaverant FP; donaverunt R. lenones HAV. 14 convivatur FR; conviolatur P. nunquam morituri P ; nunquam moriantur FR. et ructantibus *F. Saliis edd. ; si aliis FRP. norum R. · polincto lucitorum FR ; polinctorum P. P; apparaturis R. dionysiis P; Dionysii *F; aconisi R. dilectus P; delectus *FR. inducitur *F. serapiaciae P; Serapiae F; se rapia ac R. de solo P ; de loco F; doloso R. 16 vocatur quod P ; vocatum quo F; vocatum quô R. refrigerio *FP; refrigiorio R. parasiti FP; parasti R. saginandi *FP; sagenandi R. qua *FP ; quia R. mediocrium *FP2 ; mediocrum P1. vivii *FP; convivii est R. quod sit P; quid sit *F. est utile *F. meminerint P; ut meminerint FR. deum sibi *FP; sibi deum R. audire FR; dominum audire P. - sanctis* FP; divinis R. provocatur in medium deo (de deo FR) canere P ; de deo canere provocatur in medium R. 19 inceptiones F; inreptiones R ; eruptiones P ; corrige inreptiones, ait Schoppins (IUNIUS).

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17 est con

18 ut qui deum

autres hommes la pratiquent ; car ils ne se contentent pas de s'approprier les femmes de leurs amis, mais ils prêtent très patiemment leurs propres femmes à leurs amis. Ils suivent en cela, je suppose, l'enseignement fameux de leurs ancêtres et des plus grands de leurs sages, du Grec Socrate et du Romain Caton, qui cédèrent à leurs amis des femmes qu'ils avaient épousées, sans doute, pour qu'elles leur donnassent des enfants ailleurs encore que chez eux! 13 Et peut-être n'était-ce pas malgré elles; car quel souci pouvaient-elles avoir d'une chasteté dont leurs maris avaient si facilement fait le sacrifice ? Quels modèles de la sagesse athénienne, de la gravité romaine! Un philosophe et un censeur se font entremetteurs !

14 Quoi donc d'étonnant qu'une si grande charité ait des repas communs ? Car nos modestes repas eux-mêmes, vous les décriez comme coupables non seulement d'une criminelle infamie, mais encore de prodigalité ! C'est à nous, sans doute, que s'applique le mot de Diogène : « Les Mégariens mangent comme s'ils allaient mourir demain et ils bâtissent comme s'ils ne devaient jamais mourir. » 15 Mais on voit plus facilement une paille dans l'œil d'autrui qu'une poutre dans le sien. Pendant que tant de tribus, de curies et de décuries vomissent, l'air devient acide! Quand les Saliens s'apprêtent à banqueter, il leur faudra un crédit ouvert; pour supputer les dépenses qu'occasionnent les dîmes d'Hercule et les banquets sacrés, il faudra des teneurs de livres; aux Apaturies, aux Dionysies, aux mystères attiques, on fait une levée de cuisiniers; en voyant la fumée du banquet de Sérapis, on donnera l'alarme aux pompiers! Seul, le repas des chrétiens est un objet de commentaires !

16 Notre repas fait voir sa raison d'être par son nom : on l'appelle d'un nom qui signifie « amour » chez les Grecs (agape). Quelles que soient les dépenses qu'il coûte, c'est profit que de faire des dépenses par une raison de piété : en effet, c'est un rafraîchissement par lequel nous aidons les pauvres, non que nous les traitions comme vos parasites, qui aspirent à la gloire d'asservir leur liberté, à condition qu'ils puissent se remplir le ventre au milieu des avanies, mais parce que, devant Dieu, les humbles jouissent d'une considération plus grande. 17 Si le motif de notre repas est honnête, jugez d'après ce motif la discipline qui le régit tout entier. Comme il a son origine dans un devoir religieux, il ne souffre ni bassesse ni immodestie. On ne se met à table qu'après avoir goûté auparavant d'une prière à Dieu. On mange autant que la faim l'exige; on boit autant que la chasteté le permet. 18 On se rassasie comme des hommes qui se souviennent que, même la nuit, ils doivent adorer Dieu; on converse en gens qui savent que le Seigneur les entend. Après qu'on s'est lavé les mains et qu'on a allumé les lumières, chacun est invité à se lever pour chanter, en l'honneur de Dieu, un cantique qu'on tire, suivant ses moyens, soit des saintes Ecritures, soit de son propre esprit. C'est une épreuve qui montre comment il a bu. Le repas finit comme il a commencé, par la prière. 19 Puis chacun s'en va de son côté, non pas pour courir en bandes

20 Haec coitio Christianorum merito sane illicita, si illicitis par, merito sane damnanda, si non dissimilis damnandis, si quis de ea queritur eo titulo, quo de factionibus querela est. 21 In cuius perniciem aliquando convenimus? Hoc sumus congregati quod et dispersi, hoc universi quod et singuli, neminem laedentes, neminem contristantes. Cum probi, cum boni coeunt, cum pii, cum casti congregantur, non est factio dicenda, sed curia.

XL At e contrario illis nomen factionis accommodandum est, qui in odium bonorum et proborum conspirant, qui adversus sanguinem innocentium conclamant, praetexentes sane ad odii defensionem illam quoque vanitatem, quod existiment omnis publicae cladis, omnis popularis incommodi a primordio temporum Christianos esse in causa. 2 Si Tiberis ascendit in moenia, si Nilus non ascendit in rura, si caelum stetit, si terra movit, si fames, si lues, statim « Christianos ad leonem ! » Tantos ad unum?

3 Oro vos, ante Tiberium, id est ante Christi adventum, quantae clades orbem et urbem ceciderunt ? Legimus Hieran, Anaphen et Delon et Rhodon et Co insulas multis cum milibus hominum pessum abisse. 4 Memorat et Plato maiorem Asiae vel Africae terram Atlantico mari ereptam. Sed et mare Corinthium terrae motus ebibit, et vis undarum Lucaniam abscisam in Siciliae nomen relegavit. Haec utique non sine iniuria incolentium accidere potuerunt. 5 Ubi vero tunc, non dicam deorum vestrorum contemptores Christiani, sed ipsi dei vestri, cum totum orbem cataclysmus abolevit, vel, ut Plato putavit, campestre solummodo ? 6 Posteriores enim illos clade diluvii contestantur ipsae urbes, in quibus nati moratique sunt, etiam quas condiderunt ; neque enim alias in hodiernum manerent, nisi et ipsae postumae cladis illius. 7 Nondum Iudaeorum ab Aegypto examen Palaestina susceperat, nec iam illic Christianae sectae origo consederat, cum regiones affines

ut *FP ; et R. 20 damnanda (sane damnanda R), si non dissimilis damnandis FR; damnanda P. de ea P; dea R. quo *FP; quô R. 21 cuius *FP ; civius R. neminem laedentes *FP ; om. R.

XL XL. ET CONTRA ETHNICAM RATIONEM P. nomen factionum *F.- qui adversum *FP; quid adversus R. sane *FP; plane R. — omnis publicae usque ad incommodi *FP; omnis popularis omnis publicae cladis incommodi R. in primordio temporum FR; om. P. - in causa F; in causam P ; cf. Ad nat., 1, 9, p. 73, 5. 2 rura FR ; arva P. stetit *FP; non stetit R. - inclamant (post leonem F; adclamatur P ; om. R. 3 orbem et urbem *F; orbem (urbem P1) et urbes P; cf. Ad nat., 1, 9, p. 73, 12. - hieran napean et delon et rhodon et cho P ; Hienarranda penes Delon et Rhodon F.- abiisse *F.- 4 Asiae et Africae *F. ereptam

d'assassins, ni en troupes de flâneurs, ni pour se livrer à la débauche, mais avec le même souci de modestie et de pudeur, en gens qui ont pris à table une leçon plutôt qu'un repas.

20 Oui, c'est à juste titre que cette « coalition » des chrétiens est déclarée illicite, si elle est semblable aux réunions illicites ; c'est à juste titre qu'on la condamne, si elle ne diffère pas de celles qui sont condamnables, si elles donnent lieu aux mêmes plaintes que les « factions ». 21 Mais nous sommes-nous jamais unis pour perdre quelqu'un ? Nous sommes en corps ce que nous sommes séparés; tous ensemble nous sommes ce que nous sommes en particulier, ne nuisant à personne, ne contristant personne. Quand des hommes doux, quand des hommes honnêtes s'unissent, quand des hommes pieux, quand des hommes chastes s'associent, ce n'est point une « faction », c'est une « curie ».

XL Mais ce nom de factieux, il faut l'appliquer, au contraire, à ceux qui conspirent pour exciter la haine contre des gens honnêtes et doux, et qui réclament à grands cris le sang des innocents. A la vérité, pour justifier leur haine, ils allèguent, entre autres vains prétextes, qu'ils regardent les chrétiens comme la cause de tous les désastres publics, de tous les malheurs nationaux. 2 Si le Tibre a débordé dans la ville, si le Nil n'a pas débordé dans les campagnes, si le ciel est resté immobile, si la terre a tremblé, si la famine ou la peste se sont déclarées, aussitôt on crie : « Les Chrétiens au lion ! » Eh quoi ! tant d'hommes à un seul lion!

3 Je vous le demande : avant Tibère, c'est-à-dire avant l'avènement du Christ, combien de calamités ne désolèrent pas la terre et les cités ! Nous avons lu que les îles d'Hiéra, et d'Anaphé, et de Délos, et de Rhodes, et de Cos s'abîmèrent dans les flots avec des milliers de personnes ! 4 Platon raconte aussi qu'une terre plus vaste que l'Asie ou que l'Afrique fut engloutie par l'Océan Atlantique. Un tremblement de terre mit aussi à sec le golfe de Corinthe et la violence des flots détacha la Lucanie de l'Italie et la mit à part sous le nom de Sicile. Assurément, tout cela n'a pu se produire sans dommage pour les habitants. 5 Mais où étaient, je ne dirai pas les chrétiens, ces contempteurs de vos dieux, mais vos dieux eux-mêmes, au temps où le déluge détruisit la terre entière, ou seulement, comme l'a cru Platon, les plaines ? 6 Ils sont, en effet, postérieurs à ce déluge : c'est ce qu'attestent les villes mêmes où ils sont nés et où ils ont demeuré, qu'ils ont même fondées; car ces villes ne subsisteraient point aujourd'hui, si elles n'étaient pas, elles aussi, postérieures à cette catastrophe. 7 La Palestine n'avait pas encore reçu l'essaim des Juifs venant d'Egypte et le peuple d'où est sortie la secte chrétienne ne s'était pas

P; inereptam F.-5 vel, ut *F ; velud P. - 6 nati moratique F ; nati mortuique P (cf. 12, 5; 25, 3 ; Ad nat., 1, 9, p. 73, 25 : in quibus nati morati sepulti sunt). alias in hodiernum Parisinus 2616, Erlang. (OEHLER); illae in hodiernum F; alias hodiernum P (Ad nat., l. c., 1. 26 : non alias enim superfuissent ad hodiernum, nisi postuma cladis illius). — 7 Iudaeorum F; Iudaeum P. consederat *FP.

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