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sagesse de Dieu, comme le Fils de Dieu, comme le tout de Dieu. 13 Qu'ils rient donc avec vous de tout ce dont vous riez : qu'ils nient que le Christ jugera toutes les âmes depuis le commencement des temps, après la résurrection des corps; qu'ils disent, si cela leur plaît, que ce sont Minos et Rhadamanthe qui ont obtenu cette mission pour leur tribunal, suivant l'opinion commune à Platon et aux poètes. 14 Que du moins ils effacent la marque de leur honteuse condamnation ! Qu'ils nient qu'ils sont des esprits immondes, chose que suffisent à prouver et leur nourriture, qui est le sang, la fumée et la chair des animaux, brûlée sur d'infects bûchers, et les langues impures de leurs devins mêmes ! Qu'ils nient que leur malice les a fait condamner d'avance pour le jour du jugement, avec tous leurs adorateurs et leurs serviteurs !

15 Mais tout l'empire et tout le pouvoir que nous avons sur eux tire sa force de ce que nous prononçons le nom du Christ et de ce que nous énumérons tous les châtiments qui les menacent et qu'ils attendent de la part de Dieu par le Christ, leur juge. Craignant le Christ en Dieu et Dieu dans le Christ, ils sont soumis aux serviteurs de Dieu et du Christ. 16 Aussi, au seul contact de nos mains, au moindre souffle de notre bouche, effrayés par l'image et la pensée du feu qui les attend, ils sortent même du corps des hommes, obéissant à notre commandement, à contre-cœur et pleins de douleur, honteux surtout de votre présence.

17 Croyez-les, quand ils disent la vérité sur eux-mêmes, puisque vous les croyez quand ils mentent. Personne ne ment pour se déshonorer, mais plutôt par vanité. Aussi croyons-nous plus volontiers ceux qui font des aveux à leur détriment que ceux qui nient pour leur propre intérêt. 18 Enfin, ces témoignages de vos dieux ont coutume de faire des chrétiens; c'est le plus souvent en les croyant que nous croyons aussi en Dieu par le Christ. Ce sont eux qui enflamment notre foi dans nos Ecritures, ce sont eux qui affermissent la confiance que nous avons dans nos espérances. 19 Vous les honorez même, autant que je sache, en leur offrant le sang des chrétiens. Par conséquent, ils ne voudraient pas vous perdre, vous qui êtes si utiles, si zélés pour eux, quand ce ne serait que pour ne pas être mis en déroute pas vous-mêmes devenus chrétiens un jour, si, devant un chrétien qui veut vous prouver la vérité, il leur était permis de mentir.

XXIV Tout cet aveu de vos dieux, par lequel ils reconnaissent qu'ils ne sont pas dieux et attestent qu'il n'y a point d'autre dieu que celui-là seul auquel nous appartenons, est plus que suffisant pour repousser l'accusation de léser la religion publique, surtout la religion romaine. Car, s'il est certain que vos dieux n'existent pas, il est certain que

rimum *F. - per Christum et in Deum F; in christo domino P. fidentiam P; fiduciam *F. 19 ubique F; itaque P. christianis *F; a christianis P.

XXIV, 1 laesae publice et maxime F; laesae maxime P. -2 re ista F; om. P; ista RAUSCHEN. resultavit P (cf. 16, 14). · in verum FP; in vero M. — inreligio

religionis. Si enim non sunt dei pro certo, nec religio pro certo est : si religio non est, quia nec dei, pro certo, nec nos pro certo rei sumus laesae religionis.

2 At e contrario in vos exprobratio ista resultabit, qui mendacium colentes veram religionem veri Dei non modo neglegendo, quin insuper expugnando, in verum committitis crimen verae irreligiositatis. 3 Nunc ut constaret illos deos esse, nonne concederetis de aestimatione communi aliquem esse sublimiorem et potentiorem, velut principem mundi perfectae maiestatis? Nam et sic plerique disponunt divinitatem, ut imperium summae dominationis esse penes unum, officia vero eius penes multos velint, ut Plato Iovem magnum in caelo comitatum exercitu describit deorum pariter et daemonum : itaque oportere et procurantes et praefectos et praesides pariter suspici. 4 Et tamen quod facinus admittit qui magis ad Caesarem promerendum et operam et spem suam transfert nec appellationem Dei, ita ut imperatoris, in alio quam principe confitetur, cum capitale esse iudicetur, alium praeter Caesarem et dicere et audire ? 5 Colat alius Deum, alius Iovem ; alius ad caelum manus supplices tendat, alius ad aram Fidei manus; alius nubes numeret orans, alius lacunaria ; alius suam animam Deo suo voveat, alius hirci. 6 Videte enim, ne et hoc ad irreligiositatis elogium concurrat, adimere libertatem religionis et interdicere optione divinitatis, ut non liceat mihi colere quem velim, sed cogar colere quem nolim. Nemo se ab invito coli volet, ne homo quidem.

7 Atque adeo et Aegyptiis permissa est tam vanae superstitionis potestas avibus et bestiis consecrandis et capite damnandis, qui aliquem huiusmodi deum occiderint. 8 Unicuique etiam provinciae et civitati suus deus est, ut Syriae Atargatis, ut Arabiae Dusares, ut Noricis Belenus, ut Africae Caelestis, ut Mauritaniae reguli sui. Romanas, ut opinor, provincias edidi, nec tamen Romani dei earum, quia Romae non magis coluntur quam qui per ipsam quoque Italiam municipali consecratione censentur : Casiniensium Deluentinus, Narniensium Visidianus, Asculanorum Ancharia, Volsiniensium Nortia, Ocriculanorum Valentia, Sutrinorum Hostia ; Faliscorum in honorem patris Curis et accepit cognomen Iuno. 9 Sed nos soli arcemur a religionis

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perfectae F;

sitatis P; religios(itatis) F. 3 concederetis F; conceditis P. perfectae peritiae P. officia vero F; officia P. 4 suspici P; suspicari F. operam *F; opera P. in alio quam principe HAVERCAMP ; in aliquem principem *F; in aliquam principe P; in aliqui principem M. capitale P; capitalis F. praeter Caesarem (Caesarem) Van der Vliet, p. 37 (sed v. 34, 3). - 5 Fidem manus F; fidiae manus P. alius si hoc putatis P ; alius F. alias (sic) hircum F; alius hirci P. 6 elogium *F; eologium P; eulogium M. 7 atque ideo *F.- damnandis FP.- occiderit *FP.(cf. Ad nat., 2, 8, p. 108, 16: ad argatim A ; Atargatin GOTH.) Duzares F; dysares P. Noricis Belienus F; norici belenus P. — mauretaniae P ; mauritaniae M. - 8 Romani dei F ; romanos deos P. per ipsam (ipsum P2) quoque P ; ipsam quoque F. Casiniensium F; casaniensium P. — - Narniensium *F ; narnensium P. aesculanorum *FP. — Nortia F ; norcia P. — hostia F ; norcia P. — Falisc(orum) in honorem (honore P) patris Chumis (curris P), et accepit cognomen Iuno FP. - 9

- optione F; optionem P. Adargatis F; adstartes P

votre religion n'existe pas non plus ; et s'il est certain que votre religion n'existe pas, parce que vos dieux n'existent pas, il est certain aussi que nous ne sommes pas non plus coupables de lèse-religion.

2 Mais, au contraire, c'est sur vous que retombera le reproche que vous nous faites, sur vous qui adorez le mensonge et qui, non contents de négliger la vraie religion du vrai Dieu, allez jusqu'à la combattre, et qui vous rendez ainsi véritablement coupables du crime d'une véritable irreligion. 3 Maintenant, supposé qu'il fût établi que vos dieux sont des dieux, ne conviendriez-vous pas, suivant l'opinion commune, qu'il y a un Dieu plus élevé et plus puissant, le Roi du monde en quelque sorte, d'une majesté parfaite ? Car telle est l'idée que beaucoup se font de la divinité : ils veulent que le pouvoir et la souveraineté soient aux mains d'un seul, que ses offices soient aux mains d'un grand nombre; ainsi, par exemple, Platon représente le grand Jupiter dans le ciel, accompagné d'une armée de dieux et de démons. C'est pourquoi, disent-ils, il faut que ses procurateurs, ses préfets, ses gouverneurs soient honorés comme lui. 4 Et cependant, commet-il un crime celui qui s'applique plutôt à obliger César et place toutes ses espérances en lui, et qui n'attribue le nom de dieu, comme celui d'empereur, à aucun autre qu'au maître suprême, puisqu'on regarde comme un crime capital d'appeler ou de souffrir qu'on appelle César un autre que César lui-même ? 5 Que l'un soit libre d'adorer Dieu et l'autre Jupiter; que l'un puisse lever ses mains suppliantes vers le ciel, et l'autre vers l'autel de la Bonne Foi ; qu'il soit permis à l'un de compter les nuages en priant, et à l'autre les panneaux des lambris ; que l'un puisse vouer à son Dieu sa propre âme, l'autre la vie d'un bouc! 6 Prenez garde, en effet, que ce ne soit déjà un crime d'irreligion que d'ôter aux hommes la liberté de la religion et de leur interdire le choix de la divinité, c'est-à-dire de ne pas me permettre d'honorer qui je veux honorer, pour me forcer d'honorer qui je ne veux pas honorer ! Il n'est personne qui veuille des hommages forcés, pas même un homme.

7 Aussi bien, on accorde aux Egyptiens la liberté de s'adonner à leur superstition si inepte, de mettre des oiseaux et des bêtes au rang des dieux et de condamner à mort quiconque a tué un pareil dieu. Chaque province, chaque cité a aussi son dieu à elle; ainsi la Syrie a son Atargatis, l'Arabie son Dusarès, le Norique son Bélénus, l'Afrique a Célestis, la Maurétanie ses petits rois. 8 Ce sont des provinces romaines, je pense, que je viens de nommer ; et cependant leurs dieux ne sont pas des dieux romains; car, à Rome, ils ne sont pas plus honorés que ceux qui, dans toute l'Italie, sont créés dieux par une consécration municipale, à savoir : Delventinus à Casinum, Visidianus à Narnia, Ancharia à Asculum, Nortia à Volsinii, Valentia à Ocriculum, Hostia à Sutrium, et la Junon des Falisques, qui reçut son surnom (de Curitis) en l'honneur du vénérable Curis. 9 Nous sommes les seuls à qui l'on refuse le droit de posséder une religion à nous. Nous offensons les Romains et nous ne sommes pas regardés comme des Romains, parce

proprietate! Laedimus Romanos nec Romani habemur, quia nec Romanorum deum colimus. 10 Bene quod omnium Deus est, cuius, velimus ac nolimus, omnes sumus. Sed apud vos quodvis colere ius est praeter Deum verum, quasi non hic magis omnium sit, cuius omnes

sumus.

XXV Satis quidem mihi videor probasse de falsa et vera divinitate, cum demonstravi, quemadmodum probatio consistat, non modo disputationibus nec argumentationibus, sed ipsorum etiam testimoniis, quos deos creditis, ut nihil iam ad hanc causam sit retractandum.

2 Quoniam tamen Romani nominis proprie intercedit auctoritas, non omitto congressionem, quam provocat illa praesumptio dicentium, Romanos pro merito religionis diligentissimae in tantum sublimitatis elatos et impositos, ut orbem occuparint, et adeo deos esse, ut praeter ceteros floreant, qui illis officium praeter ceteros faciant.

3 Scilicet ista merces Romano nomini a deis praerogativa expensa est! Sterculus et Mutunus et Larentina provexit imperium ! Peregrinos enim deos non putem extraneae genti potius quam suae maluisse nec patrium solum, in quo nati, adulti, nobilitati sepultique sunt, transfretaneis dedisse. 4 Viderit Cybele, si urbem Romanam ob memoriam Troiani generis adamavit, vernaculi sui scilicet, adversus Achivorum arma protecti, si ad ultores transferre prospexit, quos sciebat Graeciam Phrygiae debellatricem subacturos. 5 Itaque maiestatis suae in urbem collatae grande documentum nostra etiam aetate proposuit, cum Marco Aurelio apud Sirmium subito interempto die sexto decimo kalendarum aprilium archigallus ille sanctissimus die nono kalendarum earundem, quo sanguinem impurum lacertos quoque castrando libabat, pro salute Marci iam intercepti solita aeque imperia mandavit. 6 Ō nuntios tardos, o somniculosa diplomata, quorum vitio excessum imperatoris non ante Cybele cognovit, ne deam talem riderent Christiani! 7 Sed non statim et Iuppiter Cretam suam Romanis fascibus concuti sineret, oblitus antrum illud Idaeum et aera Corybantia et iucundissimum illic nutricis suae odorem. Nonne omni Capitolio tumulum illum suum praeposuisset, ut ea potius orbi terra praecelleret, quae cineres Iovis

quia nec F; qui non P.

10 velimus ac nolumus P1 M; velimus ac nolimus P2; velimus nolimus *F (cf. De an., 58, p. 394, 9: velis ac nolis). — magis omnium F; magis omnium deus P.

P.

XXV, 1 XXIIII. DE RELIGIOSITATE ROMANORUM P. testimoniis P; test. de Romanis F. 2 proprie intercedit auctoritas, non omitto F; propriae menti (mentis M) occurrit, non omittam P. — religionis dil. F; religiositatis diligentissimae elatos et in positos F; elatos P. - et adeo deos gratos > esse VAN DER VLIET, p. 38. 3 a (om. Romanis) Deis praerogativa expensa est F; a romanis deis pro gratia expensa est P. Mutunus F; muthunus P. et Larentia *F. potius usque ad maluisse nec F; magis fatum (= fautum vel factum) voluisse quam suae et P; cf. Ad nat., 2, 17, p. 130, 11. transfretaneis F; transfretanis P. · 4 ob F ; ut P. vernaculis et mox protectis *F. transferre F (= transferri, transire, ut monstravit LOEFSTEDT, p. 40); transire P. quos sciebat *F; quo sciebat P ; quo M. - 5 cum m. aurelio *FP. · apud

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debellatricem *F; debellatorem P.

que le Dieu que nous adorons n'est pas un dieu des Romains. 10 Heureusement qu'il est le Dieu de tous les hommes, à qui, bon gré mal gré, nous appartenons tous. Mais chez vous, il est permis d'adorer tout, hors le vrai Dieu, comme s'il n'était pas plutôt le Dieu de tous, celui à qui nous appartenons tous.

XXV Je crois avoir assez prouvé la fausseté de vos dieux et la vérité du nôtre, en faisant voir, non seulement par des discussions et des raisonnements, mais encore par les témoignages de ceux-là mêmes que vous croyez dieux, que ma démonstration est solide je n'ai donc plus à revenir sur cette accusation. 2 Cependant, puisque l'autorité du nom romain intervient tout spécialement ici, je ne veux pas éviter le débat qu'on fait naître en prétendant que c'est en récompense de leur religion très zélée que les Romains ont été élevés et établis au faîte d'une grandeur telle, qu'ils sont devenus les maîtres de la terre; que la meilleure preuve de l'existence des dieux, c'est que ceux-là sont les plus florissants, qui rendent le plus d'hommages aux dieux.

3 Eh! oui, sans doute, ce sont les dicux qui ont accordé cette récompense au nom romain, comme un privilège ! C'est Sterculus, c'est Mutunus et Larentina qui ont étendu l'empire! En effet, les dieux étrangers n'ont pas, je suppose, voulu plus de bien à une nation étrangère qu'à la leur, et ils n'ont pas livré à des gens d'outre-mer le sol de la patrie, où ils sont nés, où ils ont grandi, où ils se sont illustrés et où ils sont ensevelis. 4 C'est l'affaire de Cybèle, si elle s'est éprise de la ville de Rome en souvenir de la race troyenne, race de son pays, qu'elle protégea sans doute contre les armes des Grecs, et si elle a pris soin d'avance de se faire transférer chez des vengeurs qu'elle savait destinés à vaincre les Grecs, vainqueurs de la Phrygie ! 5 Aussi a-t-elle donné publiquement, de nos jours même, une preuve magnifique de sa majesté transportée à Rome : après la mort de Marc-Aurèle, enlevé subitement près de Sirmium le seizième jour des calendes d'avril (17 mars 180), le très respectable archigalle, faisant des libations d'un sang impur et se déchirant les bras, le neuvième jour des mêmes calendes (24 mars), ordonna les prières ordinaires pour le salut de l'empereur Marcus, qui déjà était mort! 6 0 courriers trop lents, ô somnolentes dépêches ! C'est par votre faute que Cybèle n'a pas appris plus tôt la mort de l'empereur, pour empêcher les chrétiens de rire d'une telle déesse ! 7 Mais Jupiter, de son côté, n'eût pas facilement permis que son île de Crète subît le choc des faisceaux romains et il n'eût pas oublié l'antre fameux du mont Ida, et les cymbales d'airain des Corybantes, et le délicieux parfum de la nourrice qu'il avait cue là-bas. N'eût-il pas préféré à tous les Capitoles son fameux tombeau, afin d'assurer l'empire du monde à cette terre qui recouvrit les cendres

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Syrmium *F; apud sermium P. subito interemto F; reipublicae exempto P. die sexto decimo P; die 18. (sic) F. sanctissimus P.; impurissimus F. Marci F; imperatoris marci P. — iam interempti *F. 7 fascibus *F; facibus P

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