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- La loi suivant laquelle l'acide chlorhydrique précipite un certain nombre de chlorures de leur solution aqueuse n'étant pas connue, M. R. Engel a cherché à la déterminer en étudiant les variations que subit la solubilité dans l'eau à 0o de divers chlorures métalliques sous l'influence de quantités croissantes d'acide chlorhydrique. Il a été ainsi conduit à observer la loi approchée suivante: « La solubilité des chlorures que l'acide chlorhydrique précipite de leur solution aqueuse diminue, en présence de cet acide, d'une quantité correspondant sensiblement à un équivalent du chlorure pour chaque équivalent d'acide chlorhydrique en plus.» M. Engel ajoute que cette loi est vraie, tant que la solubilité du chlorure en liqueur acide n'a pas été diminuée de plus des trois quarts environ de la solubilité dans l'eau pure; elle n'est qu'approchée, car le phénomène est continu, et les nombres qui représentent la somme des équivalents sont d'abord plus faibles que ne l'exigerait cette loi, puis plus forts.

- D'une note de M. G. Rousseau, il résulte que la décomposition des manganates alcalino-terreux dans un feu oxydant semble parcourir un cycle. A peu près nulle au rouge sombre, elle devient très sensible à la flamme du bec Bunsen et le manganite produit correspond au type Mn O2, RO. A une température comprise entre la fusion de l'argent et celle du cuivre, la dissociation atteint un maximum qui correspond à la formation d'un dimanganite. Plus tard, dans un intervalle compris entre la fusion du cuivre et celle de l'or, le manganite du type ci-dessus reparaît. Enfin, à une température encore plus élevée, ce composé reforme du manganate.

Mais le phénomène est, en réalité, plus complexe et il y a lieu de distinguer deux actions inverses d'une part, une dissociation progressive du manganate sous l'action calorifique, et, d'autre part, une transformation au contact de l'air du manganite en manganate conformément au principe maximum, d'où une série d'équilibres entre le manganate, le manganite et l'oxygène de l'air.

Dans une communication très intéressante, M. A. Müntz démontre que les éléments du sucre de lait que sécrétent les glandes mammaires des herbivores se trouvent en abondance dans les aliments végétaux. Pour le glucose, le fait était prouvé; mais il n'en était pas encore de même du galactose qui n'avait pas été signalé jusqu'à présent dans les plantes ni dans les produits de dédoublement des substances végétales.

C'est ainsi que ses nouvelles recherches lui ont montré que l'arabinose, par exemple, cette substance sucrée, cristallisable que l'on extrait de la gomme arabique, n'était autre chose que du galactose identique au galactose du sucre de lait, ainsi que tout galactose provenant des autres gommes commerciales d'origines diverses ou de celles que l'auteur a prélevées sur des fruits, sur des troncs d'arbres, ou qu'il a extraites de plantes très diverses. Il en est de même des mucilages du gui, des fucus, du lichen d'lslande, de la pectine des carottes, des poires blettes, etc.

- La note de M. G. Wyrouboff sur le dédoublement des racémates sodico-ammonique et sodico-potassique est une réponse à la récente communication de M. Bichat. Elle se termine par les conclusions suivantes :

1o Les germes inorganiques que M. Bichat fait intervenir ne jouent pas un autre rôle que celui de désursaturer les

solutions susceptibles de se sursaturer; leur action est nulle lorsqu'on se met à l'abri de la sursaturation, en opérant à vase ouvert ou en faisant cristalliser par refroidissement en tubes fermés à une température à laquelle les tartrates, même sursaturés, sont moins solubles que le racémate.

2o Dans le cas du sel sodico-potassique, on peut, suivant la température, provoquer, par l'introduction d'un cristal de sel correspondant, la cristallisation du racémate ou du tartrate.

3o Le dédoublement des racémates sodico-ammonique et sodico-potassique est donc une simple question de solubilité qui est elle-même fonction de la température.

ZOOLOGIE. M. Joannes Chatin étudie le labre des hyménoptères dans son développement, depuis sa forme la plus simple dans l'espèce Larra, où il se montre comme une petite plaque cornée, échancrée en son milieu et bordée de longs poils très rapprochés, jusque dans l'Eucère où il acquiert une complexité exceptionnelle. En effet, chez ce dernier, on retrouve toutes les parties essentielles d'une paire de mâchoires, et le labre de l'Eucère marque le dernier terme de cette série de formes organiques dont l'examen méthodique permet d'affirmer que, loin de différer du labium et des autres organes buccaux, la lèvre supérieure est constituée primordialement par deux parties latérales. Des nouvelles recherches de M. J. Gazagnaire sur le siège de la gustation chez les insectes coléoptères, il résulte que, dans la famille des Dyticidæ, qu'il a principalement étudiée, les renflements avec poils transformés, portant des boutons chitineux couverts de poils spéciaux sur leur contour interne principalement, en rapport avec des muscles qui leur donnent une mobilité permanente, avec des glandes qui les lubrifient, avec des nerfs nombreux, sont naturellement désignés comme détenant la fonction de tâter, de différencier, de goûter.

Chez les coléoptères, le siège de la gustation est localisé dans la région antérieure de la paroi dorsale du pharynx.

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PALEONTOLOGIE. M. B. Renault adresse une note sur les fructifications des Calamodendrons.

La plupart des paléontologistes rangent les Calamodendrons parmi les Cryptogames; leurs fructifications viennent de décider cette question controversée. Les fructifications sont en forme d'épis, rappelant ceux des Annularia, mais ne renfermant qu'une seule espèce de corps reproducteurs. Les bractées verticillées sont alternativement stériles et fertiles; ces dernières, en nombre moitié moindre et de forme peltée, portent quatre sacs renfermant les corps reproducteurs soudés par quatre et enveloppés par la cellule mère cuticularisée. A la rupture du sac déterminée par l'élasticité de la partie peltée de la bractée, ils s'échappent en tétrades qui ont été rencontrées dans le canal micropylaire de certains Trigonocarpus et dans la chambre pollinique du Gnetopsis elliptica.

Les corps reproducteurs sont donc des grains de pollen; les Calanodendrons, par conséquent, sont phanérogames. gymnospermes. Les vues émises à la suite de l'étude des racines et des tiges par l'auteur se trouvent donc confirmées.

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mantifères de l'Afrique australe récemment étudiés par M. Moulle. Ce dernier, comme M. Meunier, admet parfaitement que ces sables sont un produit d'éruption sableuse qu'il a qualifiée d'alluvion verticale; mais il se refuse à croire que l'eau ait été le véhicule des fragments rocheux vers la surface. Quant au yellow, c'est-à-dire la partie jaune des amas, il ne serait, d'après M. Moulle, que du blue ou terre bleue profonde, débarrassée de toute trace d'hydrocarbure. Or M. Stanislas Meunier rappelle que la relation de ces deux roches est rigoureusement celle que l'on observe, à divers degrés de la série géologique, pour des formations unies par des caractères communs et qui se scindent, pour ainsi dire, en deux niveaux dont l'inférieur est bleu, tandis que le supérieur est jaune ou jaunâtre.

MINERALOGIE. La nouvelle communication de MM. Michel Levy et J. Bergeron fait suite à leurs précédentes et intéressantes études sur la géologie et la minéralogie de l'Espagne. Elle comporte d'abord une étude approfondie des roches éruptives de la serrania de Ronda, c'est-à-dire : 1o des norites, lherzolites et serpentines, que l'on rencontre soit en grande masse, soit en filons minces, ces dernières principalement dans les gneiss à cordiérite et dans les schistes à andalousite, entre Istan et Tolox, ainsi que dans les schistes micacés archéens, aux abords immédiats de Tolox; 2o de la granulite, étudiée par Mac-Pherson, sous le nom de granite tourmalinifère, dont les éruptions paraissent postérieures à celles de la serpentine. La note de MM. Lévy et Bergeron passe également en revue les terrains stratifiés de la serrania de Ronda.

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BOTANIQUE. M. Ed. Bureau fait une nouvelle lecture sur les premières collections botaniques envoyées du Tonkin au Muséum d'histoire naturelle de Paris, par M. Balansa.

Ces collections, qui ne comportent que les plantes recueillies dans les plaines et les collines du Delta, comprennent 407 espèces, réparties en 95 familles. Elles sont remarquables par la multitude des types végétaux. La flore est une des plus variées qu'on puisse voir; par contre, bien peu de familles sont un peu richement représentées. Les familles qui prédominent sont à peu près les mêmes que dans les autres régions tropicales, mais l'ordre dans lequel elles se suivent est assez remarquable. Ainsi, tandis que dans l'Inde ce sont les légumineuses qui dominent, au Tonkin, sous la même latitude, ce sont les graminées, comme dans la flore de Canton et de Macao. Ces dernières comportent 60 espèces contre 32 légumineuses. Les rubiacées occupent le troisième rang, presque comme dans l'Inde où elles sont la seconde famille par le nombre des espèces.

La récolte de la gutta-percha est très improbable au Ton kin, mais il n'en est pas de même de celle du caoutchouc, car M. Balansa signale dans les forêts quinze espèces de figuiers; et tous les ficus, bien probablement, contiennent du caoutchouc en plus ou moins grande quantité. M. Bureau fait remarquer aussi l'abondance des palétuviers dans certaines parties du Delta et rappelle que les écorces de palétuvier figurent parmi les plus riches en tannin et ont été essayées avec succès dans la préparation des cuirs.

— M. A. Trécul lit la quatrième partie de son mémoire sur l'ordre d'apparition des premiers vaisseaux dans les feuilles de crucifères.

Les feuilles de toutes ces plantes appartiennent à l'un des deux types de formation mixte qu'il a décrits en 1853, et celui dans lequel les lobes ou les dents de la partie inférieure de la feuille se forment de haut en bas, tandis que les lobes ou les dents de la partie supérieure naissent de bas en haut. Il y a ainsi sur chaque côté d'une de ces feuilles une série basipète ou inférieure et une série basifuge ou supérieure. C'est toujours la série basipète qui se manifeste la première.

MÉTROLOGIE.

En présence des nouvelles accusations élevées, surtout en Allemagne, contre l'authenticité et li bonne conservation de la règle de fer de l'Observatoire, de cette loise du Pérou, qui est, pour la France et tous les savants, d'une incontestable et très haute importance M. C. Wolf a tenu, avec juste raison, à reprendre la dé monstration qu'il en a donnée, d'une manière cependant irréfutable, dès 1882, et la complète par un document qui suffira certainement à lever les dernières difficultés pouvant encore obscurcir l'histoire de notre étalon fondamental de mesure. On sait, en effet, que c'est la toise du Pérou qui a servi à étalonner les règles de Borda et que le mètre légal est défini comme une fraction déterminée de la longueur de cette toise prise à 13o Réaumur.

Les preuves donc que la toise conservée à l'Observatoire est bien celle du Pérou sont: 1° l'existence des deux point assez gros dont elle doit être marquée, car cette toise netait pas, dans l'origine, une règle à bouts, et sa vraie longueur était la distance des deux points que l'on prenait. pour toutes les comparaisons et mesures, avec un compas a verge; 2o l'existence des talons, qui est un caractère spécial à la toise du Pérou et à la toise du Nord; 3o son épaisseur. conforme à la description qu'en donne Don J. Juan, le collaborateur assidu de Godin dans toutes ses opérations.

ÉLECTION.

L'Académie procède, par la voie du scruta à l'élection d'un membre titulaire pour la section de géomtrie, en remplacement de M. Bouquet, décédé.

Au premier tour de scrutin, le nombre des votant étant 51: M. Halphen obtient 49 suffrages (élu); M. Picard, 1 M. Poincaré, 1.

L'Académie procède aussi, par la voie du scrutin, à nomination d'une commission de six membres, pour pr parer une liste de candidats à la place de secrétaire perp tuel, laissée vacante par le décès de M. Jamin.

Les six membres élus, pris dans les sections des science physiques, sont MM. Gosselin, Duchartre, de Quatrefage Boussingault, Pasteur et Daubrée.

E. RIVIÈRE.

CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE

Nécrologie.

M. BOCHEFONTAINE.

Nos lecteurs s'associeront sans doute aux regrets q inspirés la mort prématurée de Bochefontaine aux homm qui s'intéressent à la médecine et à la science. Bochefo taine est mort avant l'heure, en possession de toute son tivité, plein de zèle et d'énergie.

Il était directeur des laboratoires de l'Hôtel-Dieu; et, depuis de nombreuses années, il était le préparateur de M. Vulpian à la Faculté de médecine. Il a rendu, dans le laboratoire de pathologie expérimentale de M. Vulpian, tant au maitre lui-même qu'aux élèves français et étrangers qui venaient de toutes parts, des services incomparables. Son obligeance allait jusqu'à l'abnégation, et chacun trouvait à profiter de son habileté expérimentale et de ses connaisances approfondies de la technique physiologique. La Société de biologie, déjà cruellement éprouvée par la mort d'llenninger et de Rabuteau, perd en Bochefontaine un de ses membres les plus actifs.

Les travaux physiologiques de Bochefontaine ont commencé par des expériences sur la rate. Il a montré la contractilité de cet organe, soit directement, soit par voie réflexe. Il a fait d'importantes expériences sur la toxicité du sulfate de quinine sur les vibrioniens. Mais les faits expérimentaux les plus importants qu'il ait démontrés sont relatifs à l'excitabilité de certaines parties de l'écorce cérébrale. Il a montré que l'excitation du gyrus sigmoïde provoque des phénomènes réactionnels généraux dans les viscères, ascension de la pression artérielle, sécrétion salvaire abondante, contraction des intestins, accélération du rythme cardiaque, constriction de la rate, etc. Il a aussi étudié les variations locales de l'excitabilité des divers points de l'écorce du cerveau.

En dernier lieu, il a fait sur le choléra une expérience qui témoigne à coup sûr d'un rare courage. Pensant que des liquides cholériques fourmillant de bacilles ne suffisaient pas à déterminer le choléra, il a, lors de la dernière épidémie, ingéré, sous forme de pilules, quelques gouttes de ces liquides virulents, et il n'en a ressenti qu'une indisposition insignifiante. Il a ainsi démontré, au péril de sa vie, que l'inoculation des liquides virulents ne suffit pas pour donner le choléra et qu'il faut une certaine prédisposition organique.

C'est une très belle et très démonstrative expérience; elle a été raillée par les poltrons et les imbéciles. Mais le mépris des sots est un hommage auquel on doit attacher un grand prix. CH. R.

Les insectes antirabiques.

Dans le numéro de la Revue du 6 février dernier, M. le docteur Lumbroso mentionne, sans le nommer, un insecte employé comme antirabique par un médecin indigène de ksar-es-Saf (Tunisie); cet arthropode, dont M. Lumbroso n'a pu donner le nom aux lecteurs de la Revue, est le Mylabris Olea (en arabe, dzernouh), espèce très commune dans toute la Régence. Il y a déjà trois ou quatre mois que j'ai décrit avec quelques détails (in Journ. d'hist. nat. de Bordeaux) l'usage qu'un toubibe (médecin) de Gabès faisait de cet insecte dans les cas de rage canine communiquée à l'homme; M. le docteur Gessard, pharmacien-major, vient de m'envoyer le même Mylabre qu'il a trouvé chez un toubibe de Sousse, où il était soigneusement conservé pour le usage qu'à Gabès et à Ksar-es-Saf; en réalité, l'emploi du Mylabris Oleæ comme antirabique est assez fréquent dans le Djérid, dans l'Arad et dans le Sahel; les doses varient peu, seul le véhicule est différent, suivant les localités; tantôt c'est un liquide, tel que bouillon de mouton ou même simplement aqua fontis ; d'autres fois, comme à Sousse, on incorpore la poudre de mylabres dans du miel ou dans une pate composée de farine d'orge et d'huile d'olives, et le malade absorbe le médicament en trois ou sept doses, prises chaque matin à jeûn. La plupart des toubba connaissent parfaitement l'action de cette drogue sur l'appareil génito

même

urinaire; aussi quelques-uns hésitent-ils à l'employer, la re gardant, avec raison, comme un remède dangereux. Tel est le cas d'un toubibe de Sousse qui vantait à mon confrère et ami M Gessard l'efficacité d'un mélange par parties égales (10 grammes) de quinquina rouge et d'une plante indigène nommée chendegoura; j'ai reconnu sans peine dans cette dernière une petite Labiée, assez commune dans les champs et les lieux secs, l'Ajuga-Iva (Schreb). On sait que les fleurs de l'Ivette exhalent une odeur de musc assez prononcée, ce qui justifie le nom que lui donnent les indigènes, chendegoura (qui sent bon). Cette dénomination, du reste, est commune à plusieurs Labiées, car, d'après le docteur Sériziat, elle sert, à Biskra, à désigner le Tencrium Polium, L., tandis que, dans la province d'Oran, on l'applique, suivant Munby, au Tencrium Pseudochamæpitys, L. Quant à la valeur thérapeutique de ce traitement, il est inutile d'en parler.

Je ne pense pas qu'il existe la moindre connexion entre l'emploi, comme antirabique, de la Cétoine, en Russie, et du Mylabre, en Tunisie. Comme je l'ai fait remarquer ailleurs (loc. cit.), Rhazès prescrivait la Cantharide dans l'hydrophobie, et il est probable que c'est dans quelque formulaire extrait des œuvres de ce grand médecin que les ignorants toubba de notre époque ont puisé l'usage du Mylabre. Il paraît, du reste, d'après ce que m'écrit M. Gessard, que la visite médicale n'exclut pas le recours aux marabouts, et quelques-uns de ces saints personnages possèdent, contre la rage, de nombreuses recettes qu'ils vendent à beaux deniers comptants: celui-ci inscrit un verset du Coran sur un pain que l'on fait manger au malade, homme ou chien, peu importe, l'efficacité étant la même; cet autre débite l'eau d'un puits miraculeux; un troisième a le monopole des amulettes, etc. La crédulité et le charlatanisme sont de toutes les époques et de tous les pays: Lourdes n'est qu'une moderne contrefaçon de l'antique Bir-Zemzem (1). BONNET.

La microcéphale Marguerite Becker.

Cette microcéphale est une des plus connues et des mieux appropriées aux études comparées, par les nombreuses observations auxquelles elle a été soumise depuis une dizaine d'années. La Semaine médicale du 10 mars publie celles que vient de faire à son sujet le professeur W. Laewenthal, de Lausanne, et l'intérêt de cette relation nous engage à en donner le résumé.

Marguerite Becker est née le 3 septembre 1870 : son père avait eu d'un premier mariage deux filles normales, âgées maintenant de vingt-sept et de vingt-cinq ans; de sa femme actuelle, il a eu sept enfants, dont quatre microcéphales. Deux de ces derniers sont morts à neuf ans, n'ayant jamais pu apprendre à marcher ni à manger; le troisième est mort de suite après naissance. Les autres enfants de Becker sont normaux, et sa plus jeune fille, agée de neuf ans, est même très bien douée : c'est une des meilleures élèves de sa classe.

Aucun cas de microcéphalie n'a d'ailleurs été observé dans les familles des deux parents. La mère est intelligente, bien qu'ayant le front un peu bas et fuyant; elle prétend que celles de ses grossesses, qui devaient donner des enfants anormaux se sont toujours accompagnées de fortes et continuelles douleurs dans le ventre et dans les reins, qu'elle n'observait pas dans les autres.

La boîte crânienne de Marguerite est plus petite que

(1) Source qu'Allah fit jaillir pour désaltérer Ismael, et dont l'eau, suivant les Musulmans, est douée de propriétés merveilleuses.

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M. Virchow a constaté qu'en dix ans, la circonférence horizontale n'a augmenté que d'un demi-centimètre. Il a donc fallu que le développement du crâne s'arrêtât à une époque reculée de la vie de l'enfant, car celui d'un enfant normal a acquis, à la fin de la première année, la moitié de la grosseur définitive chez l'adulte. A la naissance, le sommet de la tête de Marguerite ne dépassait pas la ligne supérieure des oreilles.

Le front est très fuyant en arrière, ainsi que le menton, ce qu'on retrouve chez les singes anthropoïdes; mais les arcades sourcilières sont peu accentuées, l'occiput est presque vertical, le sommet du crâne est arrondi, et le nez est fortement développé, tous caractères éminemment humains. Le lobule des oreilles est peu prononcé, les deux mâchoires sont fortement développées, la supérieure prognathe; les dents sont longues, les lèvres fortes, la peau rose et lisse, les cheveux blonds et longs, les extrémités bien faites et bien proportionnées. Le pouce est normal, le gros orteil de même, sans aucune trace de cette position en abduction, caractéristique chez les quadrumanes. En somme, par tout le corps, sauf la tête, et par toutes ses fonctions, sauf l'intelligence, Marguerite Becker est bien une jeune fille de quinze à seize ans. Elle a été réglée à quatorze ans et deux mois et l'est normalement depuis cette époque.

Les fonctions végétatives sont régulières, mais le sommeil est court et léger.

Elle a appris à marcher à quinze ou seize mois, comme un enfant normal, et ses mouvements, qui sont habituellement lents, se font remarquer par une certaine brusquerie, quand il s'agit de saisir quelque chose. Toujours couchée plutôt qu'assise, elle ne paraît pas savoir s'asseoir d'ellemême, pas plus que s'habiller ou se nettoyer. Une attitude, qui lui est habituelle consiste à se cramponner à sa mère d'une main, tandis qu'elle introduit l'index de son autre main dans son nez ou sa bouche.

L'instinct sexuel ne paraît pas s'être développé.

Elle ne sait pas parler et semble n'avoir aucune notion des paroles, pas même de celles que chaque enfant normal apprend les premières; elle ne comprend que les gestes, et encore ne comprend-elle que ceux qui lui font peur. Les parents affirment cependant qu'elle sait dire papa et maman, ce qui peut être interprété comme un simple résultat d'imitation. Lui demande-t-on si elle veut manger ou boire, aucun signe d'entendement; mais si on lui tend un petit pain ou un verre d'eau, elle répond en le saisissant ou en le repoussant; on lui dit de donner la main, et elle reste apathique; mais, si on lui tend la main, elle cache aussitôt la sienne, ou la donne, selon l'impression du moment; sa mère la menace de s'en aller si elle n'est pas sage: rien; mais elle fait un pas pour s'en aller, et immédiatement Marguerite se cramponne à elle et s'arrache les cheveux; et ainsi de tout. Aussi semble-t-il que, de tout ce qu'on lui dit, elle ne saisisse que le son, et si elle se met à sourire ou à s'arracher les cheveux, selon l'impression agréable ou désagréable que ce son produit en elle, elle agit absolument comme il lui arrive aussi en entendant une musique faible ou forte, et ce contentement ou ce mécontentement n'est au fond que le ré

sultat de la production d'un sentiment de quiétude ou de peur.

Quant au sentiment de la pudeur qu'on lui a attribué, il peut également s'expliquer par la crainte du froid, car lorsqu'on la déshabille près du feu, elle n'éprouve absolument aucune gêne.

Une fois, s'étant fait une petite égratignure à un doigt, elle se mit à tirer furieusement ce doigt comme pour l'arracher.

Tout ceci semble prouver que l'intelligence de Marguerite n'est pas seulement au-dessous de celle d'un enfant très jeune, mais qu'elle n'égale même pas celle des animaux supérieurs, comme le cheval et le chien; car un chien blessé n'essaye pas de se débarrasser du membre blessé qui lui fait mal, et les animaux domestiques comprennent les gestes et les intonations. L'intelligence de cette microcéphale semble donc s'être arrêtée aux éléments primitifs et innes de toute fonction organique, à savoir le contentement et le mécontentement produits par une impression salutaire ou non salutaire dans le moment donné; distinction automatique sans laquelle, en effet, aucune vie ne serait possible, et qui existe déjà dans chaque cellule.

Une autre question importante se présente ici : la microcéphalie peut-elle être considérée comme un cas d'atavisme, ou bien est-elle une altération pathologique de l'organisme humain moderne ? On sait que M. Charles Vogt regard eles microcéphales comme des hommes-singes, et que M. Virchow les considère comme le résultat d'un arrêt dans le développement d'un organisme, du reste absolument humain.

Dans le cas actuel, aucune trace des mouvements prompts, précis, qui caractérisent le singe: rien de sa curiosité, ni de sa malice; et M. Virchow a pu dire, au sujet de cette enfant, que tous les attributs et les aptitudes positives du singe lui font défaut, et que sa psychologie est non celle d'un singe, mais celle d'un enfant petit, incomplet, défec

tueux.

Le type antérieur à l'homme, quelle qu'ait été sa forme. a nécessairement dù posséder la faculté d'exister, pour s'adapter ensuite. Or un être tel que Marguerite Becker n'aurait jamais pu exister pour son propre compte et n'aurait jamais pu suffire au combat pour l'existence. Et encore. vis-à-vis de sa sœur, qui ne savait même pas marcher, et de son frère, qui ne put apprendre à mastiquer, elle représente une véritable supériorité microcéphalique.

Quelle différence avec le cas de Krause, ce jeune garçonsinge qui mourut à sept ans, qui n'était pas microcéphale. dont le cerveau pesait 950 grammes, qui savait dire papa et mama, mais qui grimpait bien, aimait à sauter, avait une marche mal assurée, les genoux fléchis, et dont le gros orteil des deux pieds formait un angle avec les autres doigts!

Tout porte donc à croire que la microcéphalie n'est qu'un arrêt de développement pathologique, survenu au début de l'existence et dû peut-être, suivant l'hypothèse de M. Bugnon, à un défaut de circulation locale.

Les expériences tératologiques de M. Dareste et celles de M. Fol, de Genève, qui a définitivement prouvé la relation causale entre la quantité de sang affluant et le mode do développement (en modifiant l'échauffement partiel de l'œu? dans la couveuse) viennent à l'appui de cette hypothèse.

D'autre part, enfin, M. Giacomini a fait récemment counaître que la microcéphalie est toujours accompagnée d'une micromoyélie, avec sclérose partielle, et que dans les cerveaux des microcéphales, c'est tantôt la substance blanche et tantôt la substance grise qui est atrophiée; faits qui assignent clairement au processus une origine pathologique, et non une origine ataviste.

J. H.

Les progrès de la fabrication du gaz.

MM. Quaglio et Elster ont fait dernièrement à la Société d'encouragement de Berlin, sur les progrès de la fabrication du gaz, une intéressante conférence dont voici la courte analyse.

Il y a deux siècles, J.-J. Becker, chimiste et médecin du prince de Bavière, publiait un mémoire sur la distillation en vase clos et arrivait à produire du gaz de houille, appelé par les Anglais philosophical light; on ne songea pas toutefois à l'utilisation de cette découverte, et ce n'est que le 1 octobre 1784, que le professeur Minckelers, de l'Université de Louvain, montra à son auditoire son laboratoire éclairé par le gaz qu'il avait fabriqué. Ce fut Clegg qui, quelques années plus tard, imagina tous les divers appareils nécessaires à la fabrication du gaz, et avec une perfection telle qu'aujourd'hui, après quatre-vingts ans, la plupart sont encore en usage. Les cornues, le barillet, le condenseur, l'épurateur, le laveur, le régulateur, le gazomètre, le compteur, la canalisation et les brûleurs sont autant d'inventions de Clegg, et l'exhausteur seul, qui a permis de remplacer les cornues en fonte par les cornues en terre, a été imaginé après lui.

En somme, l'industrie du gaz s'était peu perfectionnée depuis sa naissance jusqu'à ces derniers temps, et son développement portait surtont sur l'augmentation du nombre de ses usines et sur la capacité productive de chacune d'elles. La cause en est dans l'empressement qu'ont mis la plupart des grandes villes, désireuses de profiter immédiatement des avantages du nouveau mode d'éclairage, à signer des contrats qui les engageaient pour de longues années, à des prix exorbitants. Dans ces conditions, les fabricants ne sentirent pas le besoin d'introduire des perfectionnements pour réali ser de petites économies, les stipulations des contrats leur assurant malgré tout un beau bénéfice.

Mais subitement, l'industrie du gaz ressentit l'influence d'un concurrent puissant, la lumière électrique d'Edison. Il y eut même à Londres un moment de panique tel que les actions de la Gaslight and coke company fléchirent de 210 à 110. On comprend cependant, aujourd'hui, que les deux modes d'éclairage doivent être plutôt des associés que des antagonistes. C'est toujours le gaz qui fournira le travail, et sa compagne, l'électricité, sera un complément de luxe. Toujours est-il, comme le remarquait William Siemens, que l'entrée en lice de l'électricité a montré aux gaziers qu'il fallait abandonner les anciens errements et la routine traditionnelle, et s'engager dans la voie des perfectionnements. Et de fait, depuis cette époque, on a vu surgir de nouveaux procédés, permettant la réduction du prix de revient, donnant une plus grande pureté et un pouvoir éclairant plus considérable; les brûleurs ont été l'objet de sérieuses études en vue de rivaliser avec les foyers électriques, et dans divers quartiers de Londres, on peut en voir qui soutiennent facilement la concurrence.

Un progrès important serait d'avoir un gaz pour le chauffage, distinct de celui de l'éclairage. Comme l'a démontré M. Ellisen, de la compagnie du gaz parisien, les gaz qui se dégagent pendant la dernière période de la distillation n'ont pas un grand pouvoir éclairant, mais sont très combustibles (différence : 19 à 3 bougies). La consommation du gaz serait décuplée, si on livrait ce dernier à un prix très inférieur, par exemple 1 fr. 25 les 1000 pieds cubes. A ce prix, on aurait non seulement le combustible le plus commode, mais encore le meilleur marché. On sait, en effet, qu'à poids égal, le combustible gazeux développe une quantité de chaleur double de celle fournie par le charbon de moyenne qualité. Toutefois, le grand inconvénient de ce gaz

combustible, c'est la forte proportion d'oxyde de carbone qu'il contient, lequel est inodore et très toxique. Aussi a-t-on proposé de remédier à sa faible odeur en y mélangeant du nitro-benzol.

Quant à l'énergie lumineuse, qui dépend, comme l'a démontré Tyndall, de la température à laquelle est porté le carbone divisé que le gaz contient, en augmentant la température de l'air comburant par régénération, on peut considérablement l'augmenter. Aujourd'hui, nous n'utilisons guère couramment que le centième de l'énergie lumineuse totale.

Les moteurs à vapeur sont plus productifs; cependant le plus parfait d'entre eux n'utilise guère que le 1/7 de l'énergie du combustible, ce qui est d'ailleurs encore le double du rendement de la vapeur; mais on peut espérer que bientôt les moteurs marcheront à 1/2 kilogramme de charbon par cheval-heure et qu'on verra le gazomètre remplacer l'appareil dangereux de la vapeur.

Une des dernières applications du gaz, c'est l'éclairage des trains de chemin de fer, des bateaux à vapeur, des signaux en mer et des bouées flottantes. Il est à remarquer que c'est en France qu'on a adopté pour la première fois ce mode d'éclairage des bouées, au moyen du gaz comprimé, permettant d'éclairer pendant plusieurs mois, sans nécessiter aucun soin. En ce moment, la Hollande abandonne partout l'éclairage électrique des signaux maritimes pour revenir au gaz. D'ailleurs, les pilotes préfèrent la lumière basse des bouées au foyer élevé des pontons, parce qu'ils s'orientent, non par le point lumineux lui-même, mais d'après les vagues éclairées par réflexion, et qui sont d'autant plus lumineuses que le foyer est situé plus près de leur surface.

Le dernier perfectionnement de cette branche de l'industrie du gaz, c'est la lampe qui s'allume par intervalles réguliers.

Quant à la fabrication même du gaz, elle s'est améliorée aussi d'une façon notable. Beaucoup d'usines à gaz employaient jadis tout leur coke pour le chauffage des cornues, et il y en avait même qui étaient forcées d'acheter du coke étranger; aujourd'hui, on trouverait difficilement une usine dépensant 50 pour 100 de son coke, et on marche généralement à 38 pour 100. A Munich même, on n'use plus que 15,8 pour 100, soit 9,5 par 100 kilogrammes de charbon enfourné. Ce progrès est dû aux régénérateurs de Siemens.

On évalue à 9 millions de tonnes le charbon consommé dans le Royaume-Uni par les usines à gaz. Les produits secondaires de la distillation se chiffrent par :

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