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que cette dernière fit pour la mémoire de Pellisson est admirable; elle le défendit d'être mort sans les sacrements de l'Eglise (1) réimprima son traité de l'Eucharistie, le fit approuver par la Sorbonne, obtint l'éloge de l'ouvrage par plusieurs évêques, recueillit ses livres, ses papiers, ses moindres écrits, se fit d'elle-même l'exécuteur testamentaire de cet ami de quarante années. Et cette ardeur juvénile, elle la déploie à 86 ans (2); son cœur n'avait pas vieilli.

Amis ou protecteurs des muses nourrissaient de l'estime pour le frère et la sceur, et l'on ne saurait nier que tous deux jouèrent un rôle important dans la société de ce temps. On les consultait, on les faisait même intervenir dans des négociations délicates. Ainsi, c'est M. de Scudéry qu'on vient chercher pour parler à Mlle de Turin, pauvre orpheline d'un maître des Requêtes, et amoureuse à lier d'un cadet vendômois sans un sou, le sieur de la Renouillère, embelli par le souvenir d'un duel dans lequel il avait tué son oncle (3). Voyez-vous l'auteur emphatique de tant de

(1) Pélisson s'était converti au catholicisme en 1670 et avait même pris les ordres. Il mourut en 1693, à 69 ans.

(2) Elle vécut encore jusqu'en 1701 sa naissance date de 1607, suivant tous les biographes. Si au contraire, comme M. Jal l'insinue dans son Dictionnaire d'Histoire et de Biographie, elle est née en 1627 seulement, elle n'avait que 66 ans à la mort de Pélisson. M. Jal se fonde sur ce que son acte mortuaire, du 3 juin 1701, à Saint-Nicolas-des-Champs, la mentionne âgée de soixantequatorze ans ou environ; mais je répondrai au savant lexicographe qu'elle aurait eu dans cette hypothèse vingt-six ans de moins que son frère, ce qui est une erreur, même en supposant le père marié deux fois.

(3) L'oncle avait contraint son neveu à se battre. Il s'agissait d'une querelle de famille. Voyez l'historiette de La Renouillère dans Tallemant des Réaux.

romans passionnés, appelée au rôle de parente sévère vis-à-vis d'une jeune brune faite au tour? Il est vrai que sa diplomatie échoua.

Me de Scudéry valait-elle mieux que son frère? Les récits de Tallemant des Réaux semblent l'indiquer; mais ce gai chroniqueur n'aimait pas plus l'auteur d'Alaric que Conrart. Et comme il charge sur lui à fond de train! Il nous montre même Sapho obligée de le mettre à la porte, malgré sa grande indulgence constatée par ses ennemis mêmes, par ceux qui la traitent de Radoteuse, mot trop sévère pour l'auteur de quelques écrits sérieux; puis il insiste sur ce fait, sans doute afin de mieux justifier son accusation, de travailler à peine aux romans de sa sœur, quoiqu'en s'en donnant les gants. Voici le passage: Enfin Dieu délivra Me de Scudéry de

son frère et de ses dépenses; il s'avisa de cabaler << pour M. le Prince et fut contraint de se sauver en Normandie. »

Si Me de Scudéry travaillait plus que son vaniteux, que son matamore de frère (1), ce serait le tableau de plus d'une famille où il existe un homme paresseux, parce que l'homme, quand il est affligé de ce défaut, le pousse à un degré extrême.

ED. DE LA BARRE DUPARCQ.

(1) Le mot est mérité, mais Scudéry n'était pas que cela. Notre article, croyons-nous, le prouve.

STANCES

Composées en l'honneur de la Ville de Brest

A L'OCCASION

DES FÊTES HIPPIQUES

Noble cité de Brest, sentinelle avancée
Que le grand Richelieu, dont la vaste pensée
Devina tes destins, fit sortir du néant,

Tu formas sous Colbert le rempart de la France,
Quand tu fus réunie à ta sœur Récouvrance;
Au chemin du Progrès marche à pas de géant (1).

Tu prends pour ton miroir l'Océan atlantique
Qui vient mourir au pied de ta muraille antique.
Dans ta rade et tes ports tu pourrais contenir,
Sans qu'ils soient trop pressés, les vaisseaux des deux mondes.
Secoue enfin le joug des routines immondes :
A tes braves enfants appartient l'avenir.

Civilisation, aux efforts gigantesques,
Ecrase sous tes pas tes ennemis grotesques,
Et produis tous les jours un prodige nouveau;
Paris est le cerveau de notre belle France,
Mais je puis m'écrier, et sans trop d'arrogance,
Du Finistère, ô Brest, n'es-tu pas le cerveau !

Accomplis tes travaux comme le jeune Alcide
Et sois à la hauteur de ton rôle splendide :
C'est ainsi que l'on vole à l'Immortalité.

Des révolutions sans craindre les rafales,

Poursuis, sous l'oeil de Dieu, tes courses triomphales, Respire à pleins poumons l'air de la Liberté.

Reçois, vieille cité, l'humble hommage d'un Barde!
Ainsi que Mathurin, le sonneur de bombarde,

Je dépose à tes pieds un odorant trésor,
Une fleur dérobée à ces rochers sauvages
Qui, contre l'Océan, protégent tes rivages:
Mets la dans ta couronne, ô reine de l'Armor!

Brest a donné naissance à des femmes d'élite,
Dont l'envieux peut seul contester le mérite,
Et qui savent encor en vers délicieux
Traduire les pensers qui remplissent leur âme.
L'Imagination, sur ses ailes de flamme,
Les aide à soutenir leur essor vers les cieux.

Les fleurs de la Bretagne ont leur douce ambroisie
Mêlée à tes parfums, suave poésie,

Toi dont la voix répond aux soupirs de Léda.

Des accents enchanteurs ont frappé mon oreille : Sous les doigts d'une femme un luth qui se réveille Répond, harmonieux, aux chants de Velléda;

Ces vers où la Raison s'accorde avec les rimes,
Où la Muse, en jouant, effleure les abîmes,
Ont su de la Nature exprimer les beautés.
Dans les Chants du Foyer un souffle poétique,
Et qui semble imprégné des parfums de l'Attique,
Nous transporte au milieu des bosquets enchantés,

Aux bords où la Penfeld, rapide en son passage,
Se plaît à refléter un charmant paysage

Dans le miroir mouvant que présentent les flots;
C'est là que les ramiers, nichés dans les ramures,
Font entendre, le soir, d'harmonieux murmures,
Et que la tourterelle exhale des sanglots.

Permets à l'un des fils de la Bretagne antique
D'emprunter les accents de la langue celtique
Pour entonner un hymne en l'honneur des Bretons;
Toi que berce des flots la lugubre harmonie
Armorique féconde en hommes de génie,
Tu produiras encor d'illustres rejetons.

BREIZ HA BREIZIZ

BRETAGNE ET BRETONS

Breiz a zo eur vro vad, leun a dud kalounek
A labour, a bed Doue hag a gomz brezounek;
Tud a boan hag a feiz; - eun dro dre ma sellont,
Nemet mor ha kerrek, menesion ne welont;

Oc'h an nenv, dreist ho fenn, c'hoarzont dre ho daelou,
O c'hortoz heol an deiz zo paret d'ho zadou.

El leac'h m'int bet ganet, Breiziz a gar mervel,
Kas ho ene da Zoue, ho c'horf tosta d'ho c'havel.

La Bretagne est un bon pays, rempli d'hommes de cœur
Qui travaillent, prient Dieu et parlent le Breton ;

Hommes de peines, hommes de foi, autour d'eux s'ils regardent,
Ils ne voient que mer, rochers et montagnes ;

(Néanmoins) au ciel, au-dessus de leur tête, ils sourient à travers leurs larmes,

Attendant le soleil du jour qui éclaire leurs pères.
Où ils ont pris naissance les Bretons préfèrent mourir,
Conduire leur âme à Dieu, leur corps près de leur berceau.

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