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ce qu'on doit entendre par la belle nature, je demande feulement quels font les traits qui conviennent à un bel arbre... Pourquoi un vieux chéne brifé ,, frappé de la foudre.... pourquoi l'arbre déraciné qui couvre la terre de fes débris, ,, eft plus précieux au Peintre & au Poëte, ,, que l'arbre qui dans fa vigueur fait l'or,,nement des bords qui l'ont vu naître ". Il eft étonnant que Mr. M. n'aît pas vu dans l'Ouvrage de M. B. en quel fens il prend les mots de belle Nature, lorsqu'il dit qu'on la peint même en peignant l'ame d'un Néron, ou ne l'aft pas réfuté s'il jugeoit qu'il dût l'être. Quoiqu'il en foit, fans nous engager fur cette matière dans des difcuffions qui nous meneroient trop loin, fans renvoyer même nos Lecteurs à l'Ouvrage de Mr. B., nous leur fournirons la ré. ponfe à la critique & aux queftions de Mr. M. & dans fes propres termés.,, Il n'eft ,, pas befoin qu'une chofe foit belle dans la Nature, pour qu'elle foit belle en Poéfie; il faut qu'elle foit telle que l'exige l'effet qu'on veut opérer. La Nature, foit dans ie phyfique, foit dans le moral, eft pour le Poëte comme la palette du ,, Peintre, fur laquelle il n'y a point de ,,laides couleurs. Le rapport des objets avec ,, nous mêmes, voilà le principe de la Poéfie.

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L'intention du Poëte, voilà fa règle & l'a,, brégé de toutes les règles". Un peu plus loin dans ce même Chapitre, il demande

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pourquoi foit en Poéfie, foit en peinture, un palais magnifique quelque bien repréfenté qu'il foit, ne nous frappe, ne nous émeut & par conféquent ne nous intéreffe que foiblement, pendant qu'à la vue des ruines d'un vieux édifice, nous fommes faifis d'un fentiment confus que nous chériffons, fans même en démêler la caufe. C'eft répond-il,, c'eft que l'un de ces tableaux eft pathétique & que l'autre ne l'est pas; ,, que celui-ci ne réveille en vous aucune ,, idée qui vous émeuve, & que celui-là tient à des chofes qui vous donnent à réfléchir. Des générations qui ont disparu de la terre, les ravages du temps auquel rien n'echappe, les monumens de l'or,, gueil qu'il a ruinés, la vieilleffe, la deftruction, tout cela vous ramène à vous "" même". Subftituez les arbres aux palais, la réponse refte la même. Nous voulons être émus, nous recevons avec plaisir des impreffions affez fortes pour tirer notre ame d'une langueur toujours défagréable & qui enfin l'accableroit, car elle a rarement l'art de s'en délivrer par elle même. L'imitation en rendant bien les objets capables de produire ces impreffions, adoucit ce que la vue des objets mêmes auroit de trop fort, & qui cauferoit des fecouffes trop violentes; & c'est par là que cette imitation nous plait, nous attache, nous intéreffe, Mr l'Abbé Batteux l'a dit, & d'autres auffi tant avant qu'après lui,

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lui, & nous ne trouvons pas que Mr. M. dife rien de plus.

Un mot peut quelquefois produire feul les impreffions dont nous venons de parler, parce qu'il peint très vivement: tel eft celui de Marius au Licteur de Sextilius: Rapporte à ton maître que tu as vu C. Marius affis fur les ruines de Carthage. Telle eft peut-être encore, cette réponse d'un Voyageur qui avoit parcouru la Grèce & à qui notre Auteur demandoit fi ces lieux etoient fréquentés: nous n'y avons trouvé que le temps qui démolifoit en filence. C'eft principalement, il eft vrai, par le moral que ces mots nous frappent, mais qu'on y prenne gar dans l'imitation même phyfique c'eft prefque toujours par un rapport moral, par un fubit & prefque involontaire retour fur nous mêmes, que l'émotion eft ren. due plus vive, & pour ainfi dire complet te. Eclairciffons notre penfée par un exemple que Mr. M. nous fournit lui même, nous le tranfcrivons d'autant plus volontiers ici, quoi qu'un peu long, qu'il nous paroit donner en même temps & le modèle & le précepte d'une belle imitation.,, Qu'un Poëte

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décrive un incendie, l'image des flam99 mes & des débris nous affectera plus ou ,, moins, felon que nous avons l'imagina tion plus ou moins vive, & le plus grand nombre même en fera foiblement ému. Mais qu'il nous préfente fimplement fur

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,, un balcon de la maifon qui brûle, une mère tenant fon enfant dans fes bras, & luttant contre la nature, pour se réfoudre à le jetter, plutôt que de le voir confumé avec elle par les flammes qui l'en,,vironnent, qu'il la préfente mefurant tour à tour avec des yeux égarés, l'effrayante hauteur de la chûte, & le peu ,, d'efpace, plus effrayant encore, qui la fépare des feux dévorans; tantôt élevant 33 fon enfant vers le Ciel avec les regards de l'ardente prière; tantôt prenant avec violence la réfolution de le laiffer tomber, & le retenant tout à coup avec le cri du defespoir & des entrailles maternelles; alors le preffant dans fon fein & le baignant dans fes larmes; & dans l'inftant même fe refufant à fes inno,, centes careffes qui lui déchirent le cœur: ah! qui ne fent l'effet que ce tableau doit faire, s'il eft peint avec vérité! "

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Le grand Poëte eft très éloigné du Copifte fervile; il imite, mais il ne craint point d'ajouter à la vérité réelle, pour faire un plus grand & plus fûr effet. Il y eft même quelquefois obligé; il appelle alors la fiction à fon fecours, & non feulement on le lui permet, mais on lui en tient compte, pourvu qu'il ne facrifie pas la vraifemblance au merveilleux par lequel il veut nous frapper. Il peut fans doute peindre plus grand que nature, mais on ne lui pardonne pas d'aller au delà de ce que G 5

nous

nous concevons qu'elle peut faire. Le merveilleux même a fes bornes, & tout Poë te doit les refpecter. C'eft à preferire les règles qu'on doit fuivre dans cette matiè. re, & à indiquer les écueils qu'il y faut éviter, que Mr. DE M. s'occupe dans le Chapitre qui a pour titre, de la vraifemblance & du merveilleux dans la fiction. Les bornes dans lesquelles nous fommes obligés de nous renfermer, ne nous permettent pas d'en dire davantage.

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NATUURLYKE HISTORIE, of uitvoerige Befchryving der Dieren, Planten en Mineraalen, volgens het Samenftel van den Heer Linnæus, met naaukeurige afbeeldingen. Eerfte Deels Vierde Stuk, De Vogelen: En Vyfde Stuk, vervolg der Vogelen:

C'est à dire,

HISTOIRE NATURELLE, ou Defcription détaillée des Animaux, des Plantes, & des Minéraux fuivant le Systê

me

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