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E des Bigottes, que cette Onction rendoit fort laides.

Il ne croit pourtant pas que tous ceux qui parlent d'Onction, attachent à ce terme des idées ridicules. Je vois, ajoutet-il, que le P. Gisbert entend à-peu-près la même chofe par l'Ontion & le mouvement. Voyez la page 65. [c'eft la 77.] où il fait confifter l'Onction, & même l'Onction victorieufe, dans des mouvemens doux, vifs, tendres, infinuans. Mr. Lenfant croit même que le P. G. n'a pas tort. Mais fi l'Onction, reprend-il, ne confifte qu'à dire touchamment une chofe touchante, qu'avons-nous befoin du terme d'ONCTION, qui au fond ne réveille aucune idée diftincte? De forte que fi Mr. Lenfant a raifon, nous ferons reduits à croire, ce femble, ou qu'on n'attache à ce terme aucune idée raifonnable, ou que le terme lui-même ne vaut rien pour exprimer une pareille idée.

Il eft vrai qu'il femble auffi avoir voulu prévenir cette imputation: Au moins avoue-t-il que le P. Gisbert a mieux expliqué ce que c'est que l'Onction dans le fens populaire, lorfqu'il a dit: Chaque Art a fon langage; la Chaire a le fien: un langage tout compofé de termes, d'expreffions, de tours, de figures, d'images tirées de l'Ecriture & des Peres..... Je ne fçais quelle grace, je ne fçais quelle ONCTION fecrete, infeparable de ce divin langage, fait des impreffions fur le cœur Tome XV. Part. I. que

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que tout autre langage n'y fait pas. Mais ne trouvez-vous pas, Meffieurs, que fur cette explication, à-peu-près comme fur la précedente, Mr. Lenfant auroit pû demander, Qu'avons-nous befoin du terme d'Onition pour défigner le langage de l'Ecriture? Car en effet, quelle Analogie y at-il entre l'idée phyfique de l'Ontion, & celle d'un difcours compofé des termes de ce divin langage? C'eft ce que n'ont marqué ni Mr. Lenfant, ni le P. Gisbert, ni aucun autre Auteur que je fçache. Eft-ce que réellement un terme auffi figuré que celui d'Onction, auroit fi bien fait fortune, feroit devenu fi populaire, auroit été fi généralement employé pour defigner une des plus grandes beautez du Difcours Chrétien, fans avoir aucun rapport avec aucune de ces beautez? Ou eft-ce fimplement que l'idée de ce rapport fe feroit infenfiblement. perduë?

Je ne fçais fi j'en juge par prédilection pour un terme dont je n'ai cependant aucune raifon d'être jaloux, puifque je ne me fouviens pas de m'en être jamais fervi; mais j'ai peine à m'imaginer que ce foit un terme avanturier, qui doive fa fortune (pour ainfi dire) à un pur hazard, & non pas à fon mérite. Je m'imagine au contraire, que fi nous fçavions. T'hiftoire de fon établiffement, où com-,

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ment il a été mis en poffeffion de fignifier une des plus touchantes perfections de l'Eloquence Chrétienne, nous le trouverions très-propre à fignifier une pareille perfection: & j'aimerois d'autant mieux à m'éclaircir là-deffus, que ce feroit peut-être le moyen de bien connol tre une perfection, dont il paroît, par l'embaras de ceux qui en parlent, qu'il ne nous refte qu'une idée obfcure & confufe, difficile par confequent à fervir de régle ou à être mife en pratique. Le malheur eft, que je fuis réduit à des conjectures. Mais c'eft quelque chofe, pourvû que les conjectures foient heureufes. Vous en jugerez; & je les eftimerai telles, Meffieurs, fi elles ont le don de vous plaire.

IL Y A ici deux chofes à obferver: La première, que le mot d'Onction eft employé dans un fens figuré: La feconde, que dans un fens figuré il s'applique aux Prédicateurs ou à leurs Sermons. Si l'u ne des deux doit nous embaraffer, ce n'eft pas la première. L'ufage des mots d'Ontiion & d'Oindre, dans un fens figuré, me paroît trop bien établi, au moins dans l'Écriture, où l'on peut fuppofer que puifent quelquefois leurs idées & leurs expreffions, ceux qui parlent dé l'Eloquence de la Chaire.

St. Jean dit Onition, pour dire la com

munication du St. Efprit; ou, fi l'on veut, l'efprit du Chriftianifme; peut-être même l'Efprit du Chrift, ou de l'Oint par excellence. Pour vous, dit-il, qui avez reçu l'ONCTION de la part du Saint, vous fçavez toutes chofes. 1 Jean II. 20. Comme l'ONCTION que vous avez reçue de lui demeure en vous, vous n'avez pas besoin que perfonne vous enfeigne. Ibid. vf. 27. Avec quoi l'on peut conférer. IV. 13. & Jean IV. 26. Et dans le fond, pourquoi la communication du St. Efprit ne s'appelleroit-elle pas une Onction, puifque l'on conçoit qu'elle fe fait par une efpece d'Effufion? L'idée d'Onction n'eft pas moins naturelle ici que celle de Bateme: & l'on fçait que l'Ecriture représente fous cette derniere idée l'Effufion du St. Efprit.

On fçait encore que l'Onction étoit chez les Juifs. une Cérémonie fymbolique, pour repréfenter l'autorité que recevoient de Dieu, les Rois, les Sacrificateurs, les Prophetes: Et je trouve que, par une confequence affez naturelle, cette autorité elle-même, indépendamment de la Cérémonie, fe défigne quelquefois fous l'idée d'Onction. Je ne fçais pas fi Efaïe parloit de fon Onction dans le fens phyfique, lorfqu'il difoit: l'Eternel m'a OINT pour évangélifer aux pauvres: mais il est certain que le fens moral n'étoit pas

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pas exclus *. Il eft certain que J. C. qui n'avoit pas reçu l'Onction dans le fens phyfique, ne laiffe pas de s'appeller l'Oint, puifque c'eft ce que dit fon nom de Chrift. Il eft certain de même que St. Paul, qui, auffi - bien que fon Maître, n'avoit point été oint avec de l'huile, n'a pû parler que dans un fens figuré, lorfque, pour marquer l'autorité des Miniftres de l'Evangile, il a dit en leur nom: C'eft Dieu qui nous a OINTS. 2 Cor. I. 20, 21, 22. De forte que comme l'Onction exprime quelquefois par une figure la communication du St. Efprit, elle paroît pouvoir auffi, par une autre figure, exprimer quelquefois l'autorité du Ministère Evangélique.

Je trouve de plus, que par une Analogie très-naturelle avec les Onctions médecinales, l'Onction défigne en général la confolation ou un heureux changement de mal en bien. Sans parler du rapport que mettoit David entre le plaifir de voir les Freres s'aimer, & celui de fentir l'odeur embaumante de l'Onction des Sacrificateurs (pensée qui pourroit être ici de quelque ufage) ; il me fuffiroit de citer ces paroles fi connues de Jéré

* Voyez Efaïe LXI. 1. & conférez XLV. 1. où Cyrus eft appellé l'Oint du Seigneur. † P. CXXXIII.

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