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de Chine.

Aucun de ces sinologues parisiens n'approchaient comme science Jésuites des missionnaires de Pe King, en particulier de PRÉMARE et de Gaubil le plus remarquable de tous. Plusieurs de ces missionnaires comme PARRENIN, HERVIEU, Alexandre de LA CHARME, Florian BAHR, Pierre d'INCARVILLE Composèrent des dictionnaires dont les manuscrits sont restés inédits. Lors de la suppression de la Compagnie de Jésus dont la nouvelle arriva à Pe King le 5 août 1774, il restait dans la capitale de la Chine dix Jésuites français: Michel BENOIST, AMIOT, DOLLIÈRES, CIBOT, VENTAVON, BOURGEOIS, COLLAS, de GRAMMONT, de POIROT et le frère Giuseppe PANZI, peintre 1). Le P. Benoist traduisit le Chou King et commença le Mencius, mais ses versions ne furent pas imprimées. Le P. de Ventavon a entrepris une traduction restée inédite du Tchoung Young 2). Presque tous, en particulier Amiot et Cibot, ont fourni les matériaux qui ont permis à l'abbé BATTEUX 3) et à BRÉQUIGNY 1) de rédiger les Mémoires concernant l'Histoire, les Sciences, les Arts, les Moeurs, les Usages, &c. des Chinois

l'Histoire du Royaume de Lou, pendant l'espace de 242 ans, depuis l'an 722 avant l'Ere Chrétienne jusqu'à l'an 480, & écrit par Confucius l'an 492 avant J. C. & traduit du Chinois en François.

Annales Chinoises. Cet ouvrage occupe actuellement M. Deshauterayes, de même que le suivant.

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Encyclopédie Chinoise, ou Dictionnaire Historique, Géographique de la Chine &

des Indes.

A cette époque les travaux suivants relatifs à la Chine avaient été imprimés:

Lettre adressée à M. Goguet, Conseiller au Parlement de Paris, sur les temps auxquels certains Arts ont été connus à la Chine. Cette Lettre est à la fin du Tome 3o de l'ouvrage de M. Goguet (Conseiller au Parlement de Paris, mort le 3 de Mai 1758) sur l'origine des Loix, des Sciences & des Arts &c, in-4, 3 Vol. 1758.

Lettre adressée à M. Desflottes sur l'Histoire véritable de l'Orphelin Chinois de la maison de Tchao, imprimée à la suite de l'Orphelin de la Chine, Tragédie; chez Duchesne 1755.

1) Voir Henri CORDIER, La Suppression de la Compagnie de Jésus et la Mission de Pe King (Toung Pao, Juillet et Déc. 1916).

2) Voir Toung Pao, 1916, pp. 553-4.

3) Charles BATTEUX, né le 7 mai 1713; † 14 juillet 1780.

4) Louis George OUDARD FEUDRIX de BRÉQUIGNY, né à Granville en 1716; † à Paris, 3 juillet 1795.

Hager,
Montucci,
Klaproth.

(Paris, 1776-1844, 16 vol. in-4). Mais il faut bien reconnaître que ces derniers missionnaires étaient loin d'égaler leurs devanciers.

En 1787, le Gouvernement chinois retira aux missionnaires le privilége dont ils jouissaient jusqu'alors de pouvoir écrire par la poste et de recevoir par la même voie des lettres à leur adresse.

« L'abus, vrai ou prétendu, que quelques Missionnaires de Pe-king avoient fait de ce privilége nous a attiré cette disgrâce. C'est le Gouvernement lui-même qui se charge de faire partir nos lettres à l'adresse du Tsong tou de Canton, lequel les fait remettre à celui ou à ceux qu'on lui désigne. Il en est de même pour les lettres qui nous sont adressées. Elles viennent en droiture au Bureau des Ministres sous l'enveloppe des lettres du Tsong-tou, et c'est par les ordres seuls des Ministres qu'elles nous parviennent. Il n'est pas nécessaire de vous dire dans quels embarras nous jettent toutes ces formalités. Cependant dans l'idée où sont icy les personnes en place, c'est une faveur et une faveur insigne qu'on nous accorde par toutes ces entraves, parce qu'elles empêchent, disent-ils, les indiscrets qu'il peut y avoir parmi nous, d'entretenir des correspondances dans l'intérieur de l'empire, correspondances qu'on ne dissimuleroit plus, comme on l'a fait en dernier lieu, lorsqu'on a découvert tous ces étrangers qui s'étoient introduits furtivement dans les terres, et qu'on a trouvé parmi les papiers de ces étrangers plusieurs lettres qui leur avoient été adressées par des Missionnaires de Péking, mais qu'on puniroit avec la plus grande séverité malgré la bienveillance particulière dont l'empereur nous honore, si le même cas, revêtu des mêmes circonstances, arrivoit encore une fois. » 1)

Au commencement du dix neuvième siècle nous voyons apparaître à Paris trois sinologues: HAGER, MONTUCCI et KLAPROTH, et avec eux renait la question du dictionnaire chinois. Je ne reviendrai pas ici sur les débuts de Klaproth que j'ai racontés ailleurs en détail 2). Je rappellerai seulement que dès 1800, il avait entrepris un gigantesque Vocabularium Characteristico-Sinico-Latinum ad Chrestomathiam Sinicam quem Gramaticae meae Sinicae subjunxi Henricus Julius Klaproth, qui encombre de ses feuilles blanches la Bibliothèque royale de Berlin 3).

1) Lettre du P. Amiot à Bertin, Peking, 19 novembre 1787.

2) Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1917, p. 297.

3) Voir Bibliotheca Sinica, col. 1635.

Hager eut la mauvaise chance de rencontrer Klaproth à Berlin et celui-ci raconte qu'à peine arrivé dans cette ville, l'abbé s'enferma avec lui et lui proposa de faire un Dictionnaire chinois, quoiqu'ils ne sussent encore la langue ni l'un ni l'autre » 1).

Nous notons à ce moment l'arrivée à Paris d'un Chinois nommé A-Sam. A SAM qui ne joua aucun rôle dans les études en France, contrairement à l'exemple de Hoang. On lit dans le second volume de 1800 du Magasin Encyclopédique de A. L. MILLIN, pp. 390–393, la note suivante Sur le jeune Chinois »>:

Les papiers publics ont tous parlé de l'arrivée à Paris d'un jeune Chinois: mais l'abandon où il vivoit dans l'hôpital du Val-de-Grâce, comme prisonnier de guerre malade, ne permettoit guères qu'aux vrais amis de l'humanité et de la philosophie de porter sur lui des regards attentifs.

Nous nous faisons un plaisir de faire connoître en substance ce que la Société des Observateurs de l'homme a entendu par l'organe de son viceprésident, le C. LE BLOND, qu'elle avait nommé commissaire, avec le C. JAUFFRET secrétaire, dans la séance du 28. Comme ce rapport sera lu à la séance publique de cette société, le 18 thermidor, nous n'anticiperons pas sur les réflexions vraiment philanthropiques dont le C. Le Blond l'a enrichi: nous nous bornerons aux faits seuls.

TCHONG A-SAM, âgé de 23 ans, est né à Nankin: il a une femme de 17 ans; il étoit établi négociant à Quanton, ainsi que sa famille, composée de quatre frères et deux soeurs, lorsqu'avec TCHONG AGNI son frère, âgé de 25 ans, deux autres négocians, trois ouvriers (tailleurs et cordonniers), et dix matelots, ils se sont embarqués sur un vaisseau dont l'équipage étoit formé de soixante Anglais et six Portugais.

Les Anglais les avoient déterminés, malgré l'antique usage de la Chine, à quitter leur patrie, pour venir eux-mêmes établir des relations commerciales avec l'Europe, en leur promettant un prompt retour: il paroit que leur pacotille étoit en thé, éventails, colliers de senteur, et encre de la Chine.

Tous ont été faits prisonniers par un de nos corsaires, qui les a débarqués à Bordeaux. Les Chinois y sont restés plusieurs mois. A-Sam fait même entendre qu'il y ont figuré en public, et donné aux Bordelais le spectacle d'une lutte et de courses de chevaux à la chinoise.

1) Leichenstein auf dem Grabe der chinesischen Gelehrsamkeit des Herrn Joseph Hagers, Doctors auf dem Hohen Schule zu Pavia. Gedruckt in diesem Jahre, br. in-8, pp. 56, s. 1. n. d. Par Klaproth, 8-20 avril 1811.

Hager.

Les prisonniers ont été transférés successivement à Tours, Orléans, Valenciennes, où apparemment devoit se faire l'échange. Mais A-Sam s'étant trouvé malade, le reste de ses compagnons a été emmené, et il est resté à l'hôpital, d'où ensuite il a été transféré à celui de Paris.

Il y est sous la police militaire; et si nous avons quelquefois gémi sur le sort des soldats réunis dans des hôpitaux, pensons au sort d'un infortuné qui, après 6000 lieues de traversée, se trouve, sans interprête et sans moyen de communication, au milieu d'un peuple dont il ne lui est permis de juger les moeurs, les usages, que par les contrariétés qu'il éprouve, l'esclavage et les jeûnes auxquels il est réduit.

C'est sur ce lit de misère que le C. Eustache BROQUET, instituteur, a le premier cherché à lui être utile, et à lui faire entrevoir un terme à ses maux, et la possibilité de les adoucir.

Le gouvernement a enfin été informé de ce qu'il avoit ignoré plus d'un an; et le jeune Chinois va être remis au respectable SICARD, l'interprête national du genre humain. Ce plénipotentiaire de tous les actes de bienfaisance et d'hospitalité, a senti combien il étoit essentiel que le C. Broquet voulût continuer ses bons soins auprès d'A-Sam, puisque, déjà initié dans la langue chinoise, il parvient à se faire entendre, et à se servir utilement du peu de livres que nous avons sur cette langue.

Nous devons seulement faire des voeux pour que les longues anxiétés qui ont paru affecter la santé du jeune A-Sam, cèdent à un meilleur traitement, et lui permettent de parcourir avec avantage la nouvelle carrière qui s'ouvre devant lui.

En effet, cet homme venu, avec de l'instruction, d'un pays d'où peu de gens paroissent en avoir, et y retournant avec la masse de connoissances qu'il va être à portée de recevoir, peut devenir un être essentiel aux communications commerciales du plus vaste et du plus ancien des empires.

A-Sam est très sensible; on peut remarquer même de la délicatesse, dans la manière dont il reprend les incorrections de prononciation de ceux qui essaient d'imiter les siennes.

Il sait très-bien calculer, connoit les planisphères, et paroit aussi jaloux, qu'on peut l'être dans ce changement d'état, d'acquérir de nouvelles notions.

Le désir de retourner dans ses foyers l'occupe beaucoup: on ne peut que lui donner des espérances incertaines; et il fondit en larmes un jour, en se figurant qu'à l'arrivée de tous ses camarades en Chine, sa mère s'écrieroit: manque A-Sam, manque A-Sam.

En 1800, le docteur HAGER 1) de Vienne lançait le Prospectus

1) Joseph HAGER, né le 30 avril 1757 à Milan d'une famille allemande établie dans cette ville; mort à Pavie en 1819; fit ses études à Vienne, à Rome et à Paris; il entra de bonne heure dans la Congrégation de la Propagande.

d'un Dictionnaire de la langue chinoise en un grand volume in-folio:

Le prix de la souscription sera de dix guinées; dont trois payables en souscrivant, les autres à proportion que les différentes livraisons de l'ouvrage paroîtront. Le prix de l'ouvrage pour les personnes qui n'auront pas souscrit, sera de quinze guinées. La liste des souscripteurs sera placée en tête de l'ouvrage ». Suivent quelques observations sur la facilité de l'étude de la langue chinoise dont la seule difficulté est le besoin d'un Dictionnaire; puis le Prospectus continue:

<< D'après les considérations de tous ces avantages, M. le Docteur Hager va publier à Londres un Dictionnaire, déja prêt pour l'impression, qui a été composé en Chine, comparé avec les meilleurs Dictionnaires manuscrits, exécutés dans le pays même, et très-amélioré; il contient les caractères chinois les plus usités, avec les avis nécessaires pour faire usage de cet ouvrage.

<«< Dès qu'il y aura un nombre de souscripteurs assez considérable pour couvrir les frais, l'ouvrage sera mis sous presse. Si le nombre de souscripteurs ne se remplit pas cette année, l'argent leur sera rendu.

<< Les souscriptions seront reçues à Londres, chez G. G. et J. Robinson, Paternoster-Row; C. Geisweiller, no 42, Parliament street, Westminster; B. N. Evans, Pall Mall, et J. Whike, Fleete street; à Hambourg, chez B. G. Hoffmann; à Leipsic, chez G. J. Goeschen; à Vienne, chez Schaumburg et compagnie; et à Paris, au bureau du Magasin Encyclopédique, chez J. J. Fuchs, rue des Mathurins, hôtel Cluny.

<«< Le Dictionnaire de la langue chinoise, dont la publication est proposée par M. le docteur Hager, doit contenir environ 10.000 caractères avec leurs différentes variations, nombre absolument suffisant pour lire les ouvrages communs des Chinois, et pour s'entretenir sur tous les sujets. Les caractères n'y seront pas arrangés comme ils le sont dans le Ching-su-tung, ou Su-guei, c'est-à-dire, ne seront pas disposés d'après les racines (clefs), ni comme dans le Dictionnaire commencé au dernier siècle, en 9 vol., par Menzelius. Ils seront placés dans cet ouvrage conformément à leur prononciation et à leur son, qui seront exprimés en caractères ou signes européens. Par ce moyen l'étendue de l'ouvrage sera considérablement diminuée, et le tout pourra être renfermé dans un seul volume. Il y aura à la tête une grammaire courte et claire, avec les directions nécessaires pour l'usage du Dictionnaire, sans s'égarer dans le verbiage confus des Meditationes sinicae de FOURMONT, dont le style pompeux est plus propre à embarrasser le lecteur qu'à l'éclairer. Les accens y seront exactement placés comme dans le Dictionnaire manuscrit de Diaz, que l'on conserve à Berlin,

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