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BRITISH MUSEUM - DEPT. of MSS. Soid from the Departmental Reference Library by authority of the Trustees, 1961.

INTRODUCTION.

POUR fe convaincre des progrès rapides, que firent en France les Lettres, au feizième fiècle, il fuffit de jeter les yeux fur les BIBLIOTHÈQUES FRANÇOISES de LA CROIX DU MAINE, & de DU VERDIER. On eft étonné de la multitude prodigieufe d'Auteurs qu'elles raffemblent, & du nombre immenfe d'Ouvrages dont elles font mention, quoiqu'elles ne comprennent pas, à beaucoup près, tous ceux qui exiftoient alors. C'eft en parcourant tant de productions diverfes dans tous les genres, qu'on peut fe former une jufte idée de notre Littérature ancienne, & juger combien elle étoit vaste, fertile, savante, folide & profonde. Il manquoit, il est vrai, à nos premiers Ecrivains un langage plus parfait & plus pur; mais ils poffédoient, en récompenfe, cette naïveté, préférable au vernis philofophique, aux bluettes & au clinquant du bel-efprit, dont prefque tous les Ouvrages de notre fiècle font furchargés.

On doit même convenir, fans peine, que, parmi cette foule d'Ecrivains, il s'en trouve un très-grand nombre d'excellens, qui, nouvellement éclairés, & fentant l'utilité de l'étude de l'Antiquité favante, s'y font livrés avec le courage & l'ardeur qu'excite & couronne le fuccès. Auffi voyons - nous que les Auteurs les plus diftingués, & les plus célèbres de ce temps - là, font ceux qui n'ont jamais perdu de vue les fublimes modèles d'Athènes & de Rome.

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En effet, jugeons-les d'après les différens genres d'Ouvrages auxquels ils ont appliqué leur génie; nous trouverons que ceux qui ont écrit l'Hiftoire, ne l'ont pas traitée en style d'Epigramme, ou de Roman; encore moins en ftyle dur, embarraffé, lâche, obfcur & bourfouflé. Leur narration est simple, animée & rapide. Ils favoient que le but de l'Hiftoire eft d'inftruire; mais ils n'affectoient pas cette morgue prétendue philofophique, toujours prête à donner des leçons aux Rois. Quoiqu'un Historien doive tout dire, ils connoiffoient néanmoins les bornes qui lui sont prescrites. Jamais la Religion, les Loix, les Usages reçus, ne furent pour leur plume un objet de sarcasmes & de raillerie. Ils étoient loin de cette licence cynique, de ces allusions indécentes & criminelles, qui ne fervent qu'à nourrir la malignité du Lecteur, & fouvent à porter la fermentation dans les efprits. Ils ne fe livroient point aux menfonges brillans d'une imagination folle & déréglée; & Coloriftes exacts des Ages, des Temps, des Hommes & des Mœurs qu'ils avoient à peindre, ils n'en faifoient pas des tableaux de caprice & de fantaisie. Ils respectoient assez la vérité pour la dire & la préfenter, non avec cet air brufque & fauvage, qui en détruit l'effet, mais de manière à la rendre utile, agréable, & jamais offenfante. Enfin, foigneux de tracer les faits tels qu'ils fe font paffés, ou tels qu'une fage critique & un mûr examen les montrent dignes de foi, ils ne les altèrent, ni ne les changent au gré de leur paffion, & l'Hiftoire conserve fous leur pinceau la fincérité, la gravité, l'intérêt, le plaisir & l'instruction qui doivent en être inféparables.

Faifoient-ils des traités de Morale & de Philofophie; (car ce fiècle avoit aufli fes Sages & fes Philofophes) la connoiffance du cœur humain, de fes qualités & de fes paffions, de ses vices & defes vertus, rendoit leurs Ecrits utiles, confolans, inftructifs, propres à conduire l'homme, & non à l'égarer; à l'élever, & non à le dégrader; à éclairer fa raison, & non à l'obfcurcir; à lui donner une idée de la nobleffe de fon être fur tous les autres êtres de la nature; à lui imprimer fortement cette pensée si salutaire, fi néceffaire même à la vertu pour fupporter avec espoir & courage les misères de la vie, qu'il n'est pas un être purement phyfique, vile production du hasard, triste jouet du temps, & la proye du néant. Tout y respire l'humanité dont ils prennent la défense: ils ne toléroient que ce qu'il faut tolérer : attentifs à ne rien détruire que le vice, ils cherchoient à faire naître, à fortifier & entretenir dans les cœurs ces fentimens dont la douceur tempère l'autorité paternelle, qui ajoutent un nouveau prix à la piété filiale, des charmes à l'amitié, des plaisirs à l'accomplissement de fes devoirs ; fentimens enfin qui forment les citoyens vertueux & les sujets fidèles. Loin d'altérer la foumiffion, le respect & l'obéissance dûs à la Religion & aux Loix, ils en démontrent, avec toute la force de l'éloquence, la vérité, la néceffité, l'utilité & les avantages qui en résultent pour la pureté des mœurs, pour notre propre sûreté, pour la félicité publique.

Avoient-ils occafion de faire briller leur éloquence; le mérite de leurs Harangues & de leurs Difcours eft d'être toujours pleins de chofes. Point de chaleur factice, d'élans compaffés ni d'enflûre; on y reconnoît par-tout la touche

du génie, & non la contrainte & les efforts impuiffans du bel - efprit. Ils étoient à la fois éloquens & favans. Heureux s'ils avoient pu joindre au véritable talent dont ils étoient pourvus, le goût & les graces. qui furent le partage & le charme des Ecrits du fiècle fuivant!

Parloient-ils fur les Arts & fur les Sciences, fur les Loix & le Droit Public; c'étoit en hommes éclairés & profonds, chez lesquels la méditation & l'expérience avoient augmenté les lumières.

S'agiffoit-il de Politique, de Gouvernement, d'administration, d'affaires publiques; on compte une foule d'Ecrivains, hommes d'Etat, faits pour pénétrer dans le cabinet des Rois & pour être leurs Confeils, des Miniftres, des Ambaffadeurs, des Généraux d'armées, des Gens éminens par leur naissance, ou par leur mérite, élevés aux premières charges de la République, qui ont confacré leur loifir à nous dévoiler les refforts fecrets des événemens de leur temps, auxquels ils ont eu part, ou dont ils ont été les témoins néceffaires. L'Eglife, l'Epée, la Robe; en un mot, il n'est point d'état, point de condition, où l'on ne trouve en grand nombre les meilleurs Ecrivains, & les plus inftruits.

Dans leurs Ecrits Polémiques, la difcufsion étoit toujours accompagnée de l'honnêteté; leurs combats littéraires n'avoient pour but que la gloire & l'accroiffement des Lettres; le fiel de la fatire, le poison de l'envie & de la jaloufie ne fouilloient jamais leur plume, & les rivalités n'engendroient point de haines éternelles.

Leurs Ouvrages agréables rempliffent exactement leur titre. Comme ils font le fruit d'une imagination heureuse

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