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Pour dépeindre l'état de la religion catholique dans le Nord, et surtout en Russie et dans l'infortunée Pologne, je ne trouve aucunes paroles que celles des Souverains Pontifes, quand ils préconisent en consistoire les siéges épiscopaux des pays infidèles Status plorandus non describendus, état qu'on ne peut exprimer que par des larmes! Je n'ose jeter un regard scrutateur dans l'avenir incertain réservé à ces peuples. Je sais seulement, comme l'enseignent et les divines Écritures et l'histoire du genre humain, que lorsque l'Église a épuisé toutes ses ressources, le Seigneur se lève pour juger sa cause, et qu'on entend alors gronder le bruit avant-coureur de ces terribles châtimens dont le ciel frappe les nations tout entières sans épargner les têtes couronnées. Le cardinal PACCA.

AVANT-PROPOS.

La traduction et le texte original de ce volume sont tous deux l'œuvre d'une main étrangère il faudra donc excuser ce qu'on trouvera d'imparfait et de bizarre dans la forme de l'ouvrage, en considération de l'extrême importance du sujet qui y est traité, et des graves enseignements qu'il renferme.

Il se passe aujourd'hui en Europe une chose cruelle et dont la cruauté nous paraît avoir peu d'exemples même aux époques les plus funestes de l'histoire du monde. On procède de sang-froid, en pleine paix, et malgré une publicité chaque jour plus développée, à la destruction méthodique d'une nationalité ancienne, illustre, et qui devait être sacrée aux yeux de tous les peuples chrétiens, par le souvenir des bienfaits qu'elle leur avait conférés. Après avoir arraché à la nation polonaise toutes ses garanties politiques, civiles et sociales, le maître qu'elle a reçu de la colère du ciel travaille, avec

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un rare mélange d'adresse, d'audace et de succès, à extirper de son sein la religion catholique'.

Pour continuer cette œuvre déjà bien avancée, comme pour achever la ruine de l'indépendance politique du avaient décoré autrefois du nom papes royaume que les d'orthodoxe, l'empereur de Russie foule aux pieds les traités les plus solennels, conclus non-seulement avec sa victime, mais avec ses alliés, avec l'Europe entière, en 1768, en 1773, en 1815; et, dans la marche triomphante de son système, il ne respecte ni l'humanité, ni la pitié, ni la justice, ni la parole jurée, ni les plus intimes secrets de la conscience, rien en un mot de ce qui ennoblit l'homme et de ce qui le purific.

On s'était figuré qu'après avoir écrasé l'insurrection polonaise en 1831, le czar s'arrêterait respectueusement devant les droits de la religion: on s'était plu à faire une distinction, réprouvée d'ailleurs par l'histoire de dix siècles, entre l'existence de la Pologne comme nation indépendante, et la sécurité du Catholicisme dans l'est de l'Europe. Il s'est même trouvé en France une certaine espèce de catholiques, dont le nombre diminue heureusement chaque jour, qui, entraînés par leurs sympathies politiques, ont placé sur la Russie leurs

Il ne faut pas oublier que lorsqu'on parle des catholiques en Russie, il s'agit uniquement des Polonais. On compte bien dans quelques grandes villes de l'empire Russe de petites colonies catholiques formées par des marchands Italiens ou Français, qui sont venus s'y établir pour y faire le commerce: il y a eu aussi un petit nombre de conversions dans les rangs de la noblesse russe; mais ces deux catégories de catholiques, dont le nombre ne se monte certainement pas à 20,000, ne suffisent pas pour constituer ce qu'on appelle l'Eglise catholique en Russie. A vrai dire, il n'y a point de catholiques russes; il n'y a en Russie d'autres catholiques que les Polonais : et il y en a encore au moins huit millions : voilà ce qu'il faut savoir, et ce que le langage employé dans plusieurs des pièces diplomatiques qu'on va lire, semble destiné à faire oublier.

espérances pour la régénération religieuse et sociale du monde moderne. L'empereur Nicolas s'est chargé de démentir jusqu'à l'ombre de ces distinctions futiles et de ces espérances coupables.

Tout au contraire, on a vu se vérifier cruellement la prédiction du grand pape Clément XIII, qui, au milieu des expressions de la plus vive tendresse pour sa très-chère république polonaise', et en bénissant avee amour cette nation orthodoxe, si glorieuse par sa foi2, déclarait dès 1767, que la sécurité et l'intégrité de la religion catholique étaient unies au maintien de l'état politique de la Pologne3; et, n'ayant pas lui-même de troupes à envoyer au secours de cette libre et orthodoxe répu blique 4, exhortait en même temps l'empereur d'Allemagne, les rois d'Espagne et de France à défendre leurs frères catholiques de Pologne, qui combattaient pour la gloire du Seigneur Jésus-Christ. 5.

Ce n'était donc pas seulement l'Europe occidentale avec sa civilisation et sa liberté, c'était encore l'Église qui trouvait dans l'existence de la Pologne une barrière que rien ne remplacera contre les envahissements de la

'Florentissimi regni nobisque carissimi... Inclyta Polonorum orthodoxa natio... carissima nostra Polonorum respublica. Bref au roi Stanislas et à l'archevêque de Gnesen, du 10 avril 1767.

Orthodoxa Polonorum genti ob egregiam religionem et fidem gloriosissimæ et inclytæ, intimo nostri cordis affectu apostolicam benedictionem peramanter impertimur. Bref du 10 avril 1767.

* Dolemus maxime in tantum adduci periculum POLONICI REGNI STATUM ET FORMAM, CUM QUA IPSIUS CATHOLICE RELIGIONIS INCOLUMITAS CONJUNCTA EST ET INTEGRITAS. Ibidem.

• Cum nulla nobis sit militiæ illius gentis adjuvanda copia.... libera et orthodoxa respublica. Bref du 30 avril 1767 à l'empereur Joseph II.

Ad sublevandos tuos in Christo fratres pro gloria dimicantes ejusdem Christi Domini Jesu. Bref du 29 avril 1767 au roi d'Espagne Charles III. Tous ces brefs se trouvent en entier parmi les documents du volume II. Voir les numéros IX, XII, XIII, pages 28, 31, 35, 56.

barbarie et de l'erreur. Cette nation héroïque, qui avait deux fois sauvé la chrétienté au prix de son sang, d'abord au moyen âge contre les Tartares, puis en 1685 sous les murs de Vienne contre les Turcs; cette nation a été immolée par les trois grandes puissances du Nord, à la suite d'une série de crimes qui mériteraient à coup sûr la première place dans la réprobation des hommes, si Dieu n'avait pas permis, à peu près vers le même temps, que la république française, par des forfaits plus affreux encore, obtînt en quelque sorte le monopole de la crainte et de l'horreur du monde.

Il a donc succombé sans que sa chute ait été encore vengée ou même comprise, ce peuple vraiment orthodoxe et religieux, dont la vie tout entière pouvait se résumer par cette magnifique parole d'un de ses chefs: « Moi... qui aime la liberté plus que tous les biens de ce monde, et qui aime la foi catholique plus encore que la liberté '. »

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On a commencé par lui arracher sa liberté, et maintenant on s'efforce de déraciner la foi catholique de son sein avec un zèle que le succès semble justifier. La violation des droits du Catholicisme, sous prétexte de protéger les schismatisques, avait été, comme on le verra dans cet ouvrage, le premier prétexte de l'usurpation russe : l'abrogation définitive de ces droits, sous prétexte de l'intervention de l'élément religieux dans la dernière insurrection, mettra prochainement le sceau à la plus grande iniquité de l'histoire. Trois millions d'âmes volées à l'Église par un trait de plume, dans la comédie récente du retour des Grecs-Unis au sein du

Manifeste du comte Charles Chreptowicz, maréchal de la confédération de Bar, du 16 avril 1768. On trouve cette pièce en entier, volume I, numéro xxu, page 85.

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