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qu'Euler remarque, en passant, que le centre du cercle circonscrit, le centre de gravité et l'orthocentre sont trois points en ligne droite et que la distance du centre du cercle circonscrit au centre de gravité est double de celle de ce dernier point à l'orthocentre. Le nom de Droite d'Euler est donc très bien donné à la droite qui passe par ces trois points.

Il en est tout différemment du nom de Cercle d'Euler appliqué au Cercle des neuf points, comme si, dans son mémoire, Euler avait trouvé les principales propriétés de ce cercle. Il ne s'en occupe pas. Mais l'erreur est si courante, en France et en Belgique, qu'il me paraît bon de la signaler. Voir, par exemple, Exercices de Géométrie, par F. J. Tours, Mame, 1896, p. 10; Notes de Géométrie récente sur la Droite et le Cercle d'Euler, par M. J. Gob, publiées dans les MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DES SCIENCES DE LIÉGE (2o série, tome XVI), et donneés aussi en supplément dans le tome IX de MATHESIS. Les Anglais donnent au pseudo-cercle d'Euler le nom de Cercle des neuf points; les Allemands, celui de Cercle de Feuerbach. Il conviendrait de s'en tenir à ces dénominations, comme le font d'ailleurs les bonnes bibliographies de la Géométrie récente du Triangle.

H. BOSMANS.

Louvain. - Imprimerie F. Ceutǝrick, rue Vital Decoster, 60.

contient une démonstration de la méthode de Fermat, par Fermat lui-même. Je l'ai exposée en notations modernes dans ma note de 1921.

La lettre à Brûlart était accompagnée d'un billet d'envoi à Mersenne, dans lequel se lisait cette recommandation (1): « Vous aurez maintenant la réponse que je fais à M. de Brûlart jointe à celle-ci. Je l'ai écrite à la hâte, comme vous le verrez, et c'est la raison qui m'oblige à vous prier qu'il n'en soit pas fait de copics et qu'elle ne sorte pas d'entre les mains de M. de Brûlart. »

La démonstration de Fermat est effectivement écrite d'un style très négligé et, à une première lecture, on se contente de la raison donnée à Mersenne. Mais, le Toulousain doit en avoir eu une autre plus sérieuse pour ne pas désirer que sa lettre circulât entre savants. En effet, malgré le désir exprimé au Minime, Carcavi possédait une copie de la pièce. A cela rien d'étonnant, puisqu'il était le dépositaire de tous les écrits de Fermat. Or, celui-ci le laissait juge, nous l'avons vu, de ce qu'il convenait d'en communiquer au public. Il devait lui donner un jour de pleins pouvoirs pour reviser la forme de ses mémoires, et très probablement lui avait-il, dès lors permis de les retcucher. D'où il semble assez difficile de croire que ce fut pour une simple négligence de rédaction que Fermat voulait ne pas voir circuler sa lettre. Le fond même de la démonstration devait être en jeu. Or, en y regardant de près, peut-être est-il possible de deviner quels scrupules arrêtaient l'auteur.

Au point de vue de la rigueur, un détail de la démonstration laissait à désirer. Voici à peu près en quels termes je le résumais dans ma note de 1921.

Si une fonction f (x) a un maximum, ou un minimum, en un point xa, il faut qu'en donnant à x un accroissement ±e dans le voisinage immédiat de ce point, f (x) soit supérieur, ou inférieur, suivant le cas, à la fois à f (x + e), ce qui exige que l'on puisse poser, bien entendu dans le voisinage immédiat du point,

f(x + e) = f (x — e).

(1) Fermat, t. II, p. 253.

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e).

Or, pour que cette égalité soit rigoureuse, il faut que le maximum ou le minimum se trouve à l'extrémité d'un diamètre parallèle à l'axe des y, ce que Fermat ne dit pas. Dans les autres cas, pour parler comme le Toulousain le fait après Diophante, il n'y a qu'une simple adégalité, en d'autres termes, une égalité approchée entre f (x + e) et f (x Voilà ce dont Fermat ne pouvait manquer de s'apercevoir. J'incline donc à penser, que sa démonstration ne le satisfaisait qu'à moitié. S'il la donne néanmoins à Brûlart, c'est que la plupart des mathématiciens de l'époque, à l'exemple de Cavalieri, se contentaient de preuves de ce genre, du moins en Analyse infinitésimale. Avec les moyens de Fermat, une démonstration rigoureuse eût été beaucoup plus longue. On peut s'en convaincre par celle que Mansion a essayée jadis avec un plein succès, dans MATHESIS (1). Mais le géomètre de Toulouse n'avait probablement pas le loisir de mettre sur le papier une preuve exigeant des développements aussi étendus.

III

La Terre étant supposée douée seulement d'un mouvement diurne uniforme, sans mouvement autour du soleil, on peut se proposer de rechercher la trajectoire décrite dans l'espace par un point matériel pesant animé d'un mouvement uniformément accéléré, qui partant de la surface se dirigerait vers le centre le long d'un rayon terrestre. En règle générale, le rayon mobile décrit un cône. Mais, dans le cas particulier où le point considéré partirait de l'équateur, la trajectoire serait une courbe plane. C'est sous cette forme simplifiée que le problème intéressa Galilée, puis Fermat (2).

Soit dans le plan de l'équateur un système de coordonnées polaires. Plaçons le pôle au centre, et faisons passer l'axe polaire par le point initial du mouvement du mobile. L'angle polaire w est évidemment proportionnel au temps de la

(1) Méthode dite de Fermat pour la recherche des Maxima et des Minima; t. II, Gand, Hoste, 1882; pp. 193-202.

(2) Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, réédité par A. Favaro, dans Le Opere di Galileo Galilei. Edizione Nazionale. T. VII, Firenze, Barbèra, 1897, pp. 191-193.

chute. En désignant donc par le rayon terrestre, et par a une constante, la trajectoire pourra se représenter par l'équation:

p=r-aw2.

Dans sa Solutio problematis a Domino Pascal propositi (1) (il s'agit, bien entendu, d'Etienne Pascal, le père, et non pas de son fils Blaise, le grand Pascal), Fermat donne à cette courbe le nom d'Helix Galilei, Hélice, ou mieux Spirale de Galilée; mais, par une erreur de lecture, Bossut, dans sa première édition de l'opuscule de Fermat, avait imprimé : Helix Baliani (2).

Galilée dit dans la deuxième journée de ses Dialogues (3) que la trajectoire parcourue par le mobile est « à peu près » un demi-cercle décrit sur le rayon terrestre. Mansion a jadis montré, dans une communication à la première Section de la Société scientifique (4), comment le savant florentin avait pu assez aisément tomber dans une erreur aussi singulière.

En France, Mersenne, le premier, combattit la solution de Galilée. C'est en essayant de construire la courbe par points que le Minime se rendit compte de la méprise de l'illustre astronome. La trajectoire « est grandement différentë, dit-il, au livre second de son Harmonie Universelle (5),

(1) Fermat, t. I, pp. 70-76.

(2) Eures de Blaise Pascal (par l'abbé Bossut), t. IV. A La Haye, chez Delun, libraire, 1769; F. 453.

Cette erreur a fait l'objet de la question 797 dans L'INTERMÉDIAIRE DES MATHÉMATICIENS, Paris, Gauthier-Villars, t. III, 1896, pp. 78-79 et 213.

(3) Opere. Le Opere di Galileo Galilei, t. VII, p. 193 « ella gli è sommamente prossima » (à une demi-circonférence).

(4) Sur une opinion de Galilée relative à la chute des corps. ANN. DE LA SOC. SCIENT., XVIIIe année, 1893-1894, 1re partie, pp. 92-94. Il faut remarquer que dans la solution qu'il donne de ce problème, Galilée n'a pas l'idée nette de la loi de l'espace parcouru par un mobile animé d'un mouvement uniformément accéléré.

(5) Harmonie Universelle... Par Marin Mersenne de l'Ordre des Minimes. A Paris, chez Sébastien Cramoisy. M.DC.XXXVI. Livre second. Des Mouvements de toutes sortes de corps. Prop. IV, p. 98.

M. de Waard observe que cette partie de l'ouvrage était sous presse dès 1634. Supplément, p. 5.

non seulement du demi-cercle, mais de quelque partie de cercle et d'arc que l'on voudra. Car, si l'on oste la portion. (supérieure de la figure) (1) le reste n'est guère différent d'une ligne droite, comme l'on void particulièrement dans la portion (inférieure de la figure)

Mersenne s'en ouvrit à Peiresc en le priant d'informer Galilée.

Averti de son erreur, le Maître de Florence était trop perspicace pour ne pas la voir. Il était d'autre part trop adroit pour ne pas imaginer un biais qui le tirât d'affaire. En homme d'esprit, sans se rétracter ouvertement, il s'expliqua, ou, pour mieux dire, il s'excusa. Voici notamment ce qu'il écrivit, sur ce sujet, à Carcavi, le 23 février 1637. (Plutôt que de traduire le texte italien, je cite une vieille version contemporaine, publiée par M. de Waard, d'après un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris) (2).

<< Bien que dans mon Dialogue il soit dict qu'il peult estre que le mouuement droict du tombant estant meslangé auec le circulaire esgalable du mouuement journalier, il se composast vne demye circonferance, qui allast se terminer au centre de la Terre, cela fust dict par gausserie, comme il se veoid assez clairement, ayant esté appelé vn caprice et bizarrerie (3), c'est-à-dire vne certaine liberté de jeu ».

Acceptons l'explication sans insister, car ce qui nous inté resse, c'est l'entrée de Fermat dans le débat.

Le P. Mersenne, dit Pascal, dans son Histoire de la Roulette (4), « avoit un talent tout particulier pour former de belles questions; en quoy il n'avoit peut-estre pas de semblable. Mais encore qu'il n'eust pas un pareil bonheur à les résoudre, et que ce soit proprement en cecy que consiste tout l'honneur, il est vray néantmoins qu'on luy a obligation, et qu'il

(1) Dans la citation, j'ai remplacé, par des membres de phrases entre parenthèses, les lettres de la figure sur laquelle Mersenne raisonne.

(2) Supplément, P. 51.

(3) « Che vi pare de questa mia bizarra ?» demande Salviati à Sagredo. Le Opere di Galileo Galilei, t. VII, p. 192.

(4) Les Grands Ecrivains de la France. Euvres de Blaise Pascal publiées suivant l'ordre chronologique, par Léon Brunschvicg, Pierre Boutroux et Félix Gazier, t. VIII. Paris, Hachette, 1914, PP. 195-196.

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